Découverte d'un nouveau régulateur de l'inhibition dans le cerveau
Une découverte prometteuse pour des développements futurs en neuropharmacologie
Dans le cerveau, l’équilibre entre phénomènes d’excitation et d’inhibition dans les circuits neuronaux est essentiel pour assurer son bon fonctionnement. Récemment, une équipe de chercheurs et de chercheuses de l’Institut de biologie de l’ENS (IBENS), du CNRS, de l’Inserm et du Laboratoire de biologie moléculaire du Medical Research Council à Cambridge ont démontré que GluD1, un récepteur pourtant excitateur, joue un rôle majeur dans le contrôle de l’inhibition des neurones.
Si GluD1 est encore mal connu des scientifiques, on sait cependant que les mutations dans le gène de ce récepteur sont présentes chez certains patients souffrant de schizophrénie ou de troubles neurodéveloppementaux, tels que l’autisme.
Cette découverte inédite, qui fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue Science, permet de mieux comprendre le rôle de GluD1 dans le cerveau et ouvre des pistes prometteuses pour de nouvelles stratégies médicamenteuses pour contrecarrer les dysfonctionnements de ces récepteurs.
Rencontre avec Laetitia Mony, chargée de recherche Inserm à l’IBENS et Pierre Paoletti, directeur de l’IBENS et du département de biologie de l’École, tous deux co-auteurs de cet article.
Vous avez récemment publié un article dans la revue Science autour du rôle d’un récepteur neuronal, le GluD1. Qu’est-ce qui vous a amené à concentrer vos travaux précisément sur celui-ci ?
Pierre Paoletti : D’une façon générale, les récepteurs aux neurotransmetteurs sont un sujet d’étude majeur, car ils assurent la communication entre les cellules nerveuses du cerveau, c’est-à-dire les neurones, et constituent des cibles d’intérêt thérapeutique de première importance. Toutefois, alors que les autres récepteurs canaux au glutamate(1) avaient été largement étudiés, on connaissait encore peu de choses sur les propriétés moléculaires et le rôle physiologique des récepteurs GluD1 malgré une expression abondante dans le cerveau. Clairement, un champ qui restait à défricher.
Laetitia Mony : D’un point de vue physiologique, les récepteurs canaux au glutamate « classiques » sont exclusivement présents aux synapses excitatrices, c’est-à-dire que leur activation augmente l’activité électrique du neurone sur lequel ils sont présents. Or l’équipe de Cécile Charrier à l'Institut de Biologie de l’ENS avait montré en 2019 que les récepteurs GluD1 étaient aussi présents aux synapses inhibitrices et qu’ils contrôlaient la formation de ces synapses(2). Cette localisation atypique des récepteurs GluD1 était très intrigante et soulevait de nombreuses questions, parmi lesquelles : quelle est la molécule qui active ces récepteurs aux synapses inhibitrices ? Est-ce que l’activation de ces récepteurs influence la transmission synaptique inhibitrice ?
Vous montrez que le récepteur excitateur GluD1 joue un rôle majeur dans le contrôle de l’inhibition des neurones. Cependant, il ne fonctionne ni comme un récepteur « classique » du glutamate, un neurotransmetteur excitateur, ni comme un récepteur du GABA, qui est un neurotransmetteur inhibiteur. Comment fonctionne-t-il alors exactement ?
Laetitia Mony : Notre article a permis de comprendre plusieurs aspects nouveaux et inattendus des mécanismes d’action de GluD1 sur le contrôle de la transmission inhibitrice, mais il reste encore beaucoup de choses à élucider. Premièrement, nous avons découvert que les récepteurs GluD1 ne lient pas le glutamate, comme les autres récepteurs canaux du glutamate « classiques », mais le GABA (pour acide γ-aminobutyrique), le principal neurotransmetteur inhibiteur du cerveau. Ensuite, et contrairement aux récepteurs du GABA qui sont les acteurs directs de la transmission inhibitrice, nous avons montré que les récepteurs GluD1 agissent comme des régulateurs de cette transmission.
Pierre Paoletti : Nous avons établi que cette action régulatrice nécessitait la liaison du GABA à GluD1 ainsi que l’interaction de ce dernier avec des protéines extracellulaires appelées cérébellines, permettant ainsi une connexion physique entre les deux neurones de part et d’autre de la synapse. Nous ne savons pas cependant comment la liaison au GABA et aux cérébellines sont transduits au sein de GluD1 pour contrôler la quantité ou le degré d’activité des récepteurs « classiques » au GABA. Cela passe probablement par l’interaction de GluD1 avec des protéines et des enzymes intracellulaires qui restent à identifier.
Peut-on possiblement parler de nouvelle famille de récepteurs ? Ou alors de récepteur « orphelin » ?
Laetitia Mony : C’est une question très pertinente au vu du caractère atypique des récepteurs GluD. Malgré les propriétés pharmacologiques uniques de ces récepteurs, leur structure tridimensionnelle et leur séquence génétique sont clairement apparentées à celles des récepteurs canaux au glutamate « classiques ». On ne peut donc pas parler d’une nouvelle famille de récepteurs. Il faudrait plutôt renommer la famille des récepteurs canaux au glutamate pour qu’elle prenne mieux en compte la diversité fonctionnelle des récepteurs qui la composent. Il est probable qu’au cours de l’évolution, certaines mutations du gène codant pour GluD1 soient apparues et aient profondément modifié les propriétés fonctionnelles du récepteur, en lui conférant notamment la capacité de lier le GABA.
Pierre Paoletti : Les récepteurs GluD ont pendant longtemps été qualifiés d’orphelins, car on ne trouvait pas de composé naturel ou synthétique induisant l’ouverture de leur canal ionique. Or on sait actuellement que ces récepteurs agissent par le biais de mécanismes non ionotropiques, c’est-à-dire qui n’impliquent pas l’ouverture d’un canal ionique. Mais grâce à certaines recherches antérieures et à nos travaux actuels, on connaît maintenant les ligands présents de façon endogène dans le système nerveux capables de les activer : la glycine, la D-sérine et le GABA. On ne peut donc plus parler de récepteurs orphelins.
Ces travaux impliquent également une autre équipe de l’IBENS, celle de Développement et plasticité des synapses de Cécile Charrier, mais aussi l’équipe de Radu Aricescu du Laboratoire de biologie moléculaire du Medical Research Council à Cambridge. Comment et pourquoi cette collaboration, à la fois interne et internationale, s’est-elle articulée ?
Laetitia Mony : L’équipe de Cécile Charrier est notre voisine et nous travaillons sur des sujets proches avec des approches complémentaires. Nous avions déjà des interactions avant même l’établissement de cette collaboration. Cette équipe a une grande expertise dans l’étude de la synaptogenèse - la formation des synapses - et la modification génétique de protéines neuronales in vivo, c'est-à-dire dans le cerveau de souris. Et c’est elle qui avait découvert que les récepteurs GluD1 étaient présents aux synapses inhibitrices(2), comme je l’ai précédemment mentionné. En parallèle, nous développions alors une technique de fluorescence parfaitement adaptée à l’étude des propriétés moléculaires et pharmacologiques du récepteur GluD1. Cela nous a donc paru naturel de combiner nos compétences pour déterminer les ligands naturels de GluD1 et enquêter sur le rôle de ce récepteur dans la régulation de la transmission synaptique inhibitrice.
« Cela nous a paru naturel de combiner nos compétences avec celles de l’équipe de Cécile Charrier à l’IBENS, pour enquêter sur le rôle de ce récepteur dans la régulation de la transmission synaptique inhibitrice. »
Laetitia Mony
Pierre Paoletti : Une fois que nous avons découvert que le GABA pouvait activer les récepteurs GluD1, nous avons fait appel à l’équipe de Radu Aricescu, qui est un des meilleurs experts mondiaux en études structurales des récepteurs aux neurotransmetteurs. Ce dernier avait déjà publié des structures atomiques d’un autre membre des récepteurs GluD, les récepteurs GluD2. Nous avons donc fait appel à lui pour résoudre la structure cristallographique du domaine de liaison des ligands de GluD1 en présence de GABA. L’obtention d’une structure à très haute résolution à 1.9 Angström - sachant qu’un Angström correspond à un dix milliardième de mètre - nous a permis de valider que le GABA est bien un ligand de GluD1 et de comprendre en partie pourquoi les autres récepteurs au glutamate ne lient pas cette molécule.
Les mécanismes moléculaires de fonctionnement et de signalisation des récepteurs GluD, ainsi que leur pharmacologie, restent mal compris à ce jour, principalement par manque d’outils appropriés pour leur étude. Avez-vous utilisé des approches particulières pour obtenir ces résultats inédits ?
Laetitia Mony : En effet, les récepteurs GluD1 n’ayant pas de canal ionique fonctionnel, nous ne pouvions pas utiliser l’électrophysiologie pour étudier leurs propriétés moléculaires, comme c’est le cas pour les autres récepteurs canaux au glutamate. Pour contrecarrer ce problème, nous avons utilisé deux approches. La première a consisté à créer de manière artificielle un « trou » dans le canal ionique grâce à la modification par mutagenèse dirigée de certains acides aminés du canal. Cela crée un canal ionique ouvert en permanence et permet l’étude des récepteurs GluD1 par électrophysiologie.
Mais le problème de cette approche est de créer un récepteur artificiel dont les propriétés peuvent être éloignées du récepteur natif. Nous avons donc employé une autre technique, dénommée « fluorometrie en voltage imposé ». Celle-ci est plus conservatrice concernant le récepteur et consiste à attacher une molécule fluorescente - un fluorophore - dans une région précise du récepteur. La fluorescence du fluorophore varie lorsque cette région change de conformation, par exemple lorsqu’elle lie une molécule qui active le récepteur. La mesure de changements de fluorescence nous permet donc d’étudier la liaison de ligands, et de façon plus générale les mouvements de tous types de récepteurs membranaires même s’ils n’ont pas d’activité ionotropique.
Qu’engagent les conclusions de vos recherches en termes de compréhension du fonctionnement du cerveau, mais aussi de potentielles applications ?
Laetitia Mony : Notre étude a mis en évidence un rôle important de GluD1 dans le contrôle de la transmission synaptique inhibitrice, ce qui constitue un mode inédit de régulation de l’inhibition dans le cerveau. L’équilibre entre excitation et inhibition est crucial pour le fonctionnement sain du cerveau. Toute déviation à cet équilibre peut créer des troubles neurologiques et psychiatriques tels que l’épilepsie, la schizophrénie ou la dépression. De façon très intéressante, des études de génétique humaine ont révélé que des mutations dans le gène codant pour GluD1 sont présentes chez certains patients souffrant de schizophrénie ou de troubles neurodéveloppementaux tels que l’autisme. On ne sait pas actuellement par quel mécanisme un dysfonctionnement de GluD1 entraînerait de tels troubles. Notre étude ne permet pas de dire si c’est le mécanisme que nous avons identifié qui est déficient chez ces patients. Mais elle propose de nouvelles hypothèses à tester pour comprendre les relations entre altération du gène GluD1 et troubles neuropsychiatriques.
« Les nouveaux outils que nous avons développés permettent de mieux comprendre le rôle de GluD1 dans le cerveau et peut-être aussi dans le futur, de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques. »
Pierre Paoletti
Pierre Paoletti : D’un point de vue moléculaire, les nouveaux outils que nous avons développés pour étudier GluD1 et la résolution de la structure du domaine de liaison des ligands de GluD1 ouvrent des pistes prometteuses pour l’identification de composés ciblant spécifiquement ce récepteur, permettant ainsi de mieux comprendre le rôle de GluD1 dans le cerveau et peut-être aussi dans le futur, de développer de nouvelles stratégies médicamenteuses pour contrecarrer les dysfonctionnements de ces récepteurs.
Quelles vont être les prochaines étapes de vos recherches ?
Pierre Paoletti : Notre étude montrant que GluD1 lie le GABA et contrôle la transmission synaptique inhibitrice a été réalisée dans une seule région du cerveau : l’hippocampe, une région impliquée dans certaines formes de mémoire et d’apprentissage. Or GluD1 est exprimé dans de nombreuses autres régions du cerveau comme le striatum et le cortex. Nous souhaitons donc étendre notre étude à ces autres parties du cerveau pour vérifier la généralité du rôle et du mécanisme de régulation de l’inhibition que nous avons identifiés. Nous aimerions également disséquer les mécanismes cellulaires par lesquels GluD1 contrôle la quantité et/ou le niveau d’activité des récepteurs canaux au GABA et, ce faisant, contrôle l’efficacité de la transmission synaptique inhibitrice dans le cerveau.
Enfin, nous souhaitons aussi étudier plus en détail la pharmacologie de ces récepteurs, notamment en lançant un programme de drug discovery, alliant approches expérimentales et computationnelles et visant à identifier des composés modulant sélectivement l’activité des récepteurs GluD1. De tels composés seront essentiels pour explorer le potentiel de ces récepteurs comme nouvelle cible thérapeutique pour un traitement amélioré de troubles neuropsychiatriques.
(1) Le glutamate est le transmetteur de la plupart des synapses excitatrices et agit sur des récepteurs-canaux en quelques millisecondes.
Source : De nouveaux récepteurs du glutamate dans le cerveau, 9 juin 2022, CNRS
(2) Trans-Synaptic Signaling through the Glutamate Receptor Delta-1 Mediates Inhibitory Synapse Formation in Cortical Pyramidal Neurons, Matteo Fossati, Nora Assendorp, Olivier Gemin,...,Guillaume Arras, Damarys Loew, Cécile Charrier, Neuron 104, 1081–1094, 19 décembre 2019
À propos de Laetitia Mony
Après une classe préparatoire biologie, chimie, physique et sciences de la Terre (BCPST), Laetitia Mony intègre l’ENS, où elle s’oriente vers une licence puis une maîtrise de chimie, avant de passer l’agrégation dans cette discipline. « Mon attrait pour la recherche s’est réellement concrétisé pendant mes études à l’ENS, grâce aux nombreux stages en laboratoires que j’ai effectués », explique-t-elle. « J’aime beaucoup tester des choses et les activités manuelles. J’ai donc été attirée par la recherche expérimentale, qui permet d’allier un travail intellectuel exigeant avec des compétences techniques de pointe ». Elle poursuit par un Master 2 de chimie bio-organique et bio-inorganique à l’Université Paris XI-Orsay (actuellement Université Paris-Saclay).
À l’interface de la chimie et la biologie
Pendant son stage de fin d’année, Laetitia Mony se prend d’intérêt pour les canaux ioniques et les récepteurs aux neurotransmetteurs. « J’ai été fascinée par la complexité de ces énormes protéines qui contrôlent l’état électrique des neurones et leur communication. » Une découverte qui l’amène à continuer ses recherches avec un doctorat en neurosciences moléculaires, en co-direction avec l’Université Paris Descartes et le département de biologie de l’ENS (IBENS). « Je me suis orientée vers les neurosciences un peu par hasard », confie Laetitia Mony. « Intéressée par les mécanismes moléculaires à l’origine des différents processus biologiques, j’avais envie de faire de la recherche à l’interface de la chimie et la biologie ».
Mise en commun des ressources et connaissances
Après sa thèse, elle réalise un post-doctorat à l’Université de Californie à Berkeley, aux États-Unis, avant d’obtenir son poste actuel de chercheuse INSERM à l’IBENS. « J’ai de la chance de travailler auprès d’équipes dynamiques et de très haut niveau scientifique », estime Laetitia Mony. « L’ENS attire également des étudiants et étudiantes de très bon niveau. C’est une chance de pouvoir leur enseigner et de les accueillir au laboratoire. »
La chercheuse loue aussi « l’emplacement idéal » de l’ENS-PSL, située au cœur d’un « tissu dense de laboratoires de recherche », grâce à ses différents départements scientifiques, mais aussi par sa proximité physique avec d’autres instituts comme l’ESPCI, l’Institut Curie, le Collège de France ou l’Institut de biologie physico-chimique (IBPC). « Cette position centrale facilite les échanges entre laboratoires et permet le partage de ressources et de compétences », considère Laetitia Mony.
Liberté intellectuelle
Et pour la scientifique, pas question de regretter son choix de carrière, bien au contraire : « dans mon métier, j’apprécie la grande liberté intellectuelle que l’on a, le fait d’apprendre en permanence, ainsi que le contact avec des étudiantes et jeunes chercheurs et chercheuses, à qui l’on transmet nos compétences, mais qui nous apportent aussi beaucoup en retour », indique-t-elle. Laetitia Mony n’hésite d’ailleurs pas à donner quelques conseils à celles et ceux qui voudraient suivre ses pas. Le premier ? Ne pas avoir peur de l’échec : « faire de la recherche, c’est explorer des domaines encore inconnus. Il est donc normal de se tromper, d’explorer des hypothèses qui se révéleront fausses avant d’obtenir des résultats intéressants », justifie-t-elle. Le second conseil concerne le choix « crucial » de ses stages et de ses encadrants : « testez plusieurs domaines de recherche pour trouver celui qui convient le mieux. » Avant de s’engager auprès d’un laboratoire, il ne faut pas hésiter, selon la chercheuse, à parler aux personnes recrutées passées et actuelles, « pour s’assurer que le mode de fonctionnement de l’équipe est celui qui vous convient ».
À propos de Pierre Paoletti
Avec un père enseignant à l’université et chercheur, Pierre Paoletti a été exposé tôt au monde de la recherche. « Mais c’est vraiment un professeur de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) de classe de terminale qui m’a fait aimer, et découvrir, la biologie. », se rappelle-t-il.
L’attrait pour les neurosciences lui vient un peu plus tard, notamment avec la lecture de L’Homme neuronal de Jean-Pierre Changeux, dont Pierre Paoletti en ressort « impressionné et influencé ». Depuis, le chercheur « [n’a] cessé d’être motivé » par l’envie de comprendre les bases moléculaires et cellulaires du fonctionnement cérébral tant normal que pathologique.
Curiosité, transmission et partage
Après des études de biologie et biochimie à l’ENS, une thèse en pharmacologie moléculaire et neurosciences à l’Université Pierre et Marie Curie (désormais Sorbonne Université) et un séjour postdoctoral à l’Université Columbia de New York, Pierre Paoletti a intégré l’Inserm en tant que chercheur à l’ENS. En 2006, il devient chef d’équipe au sein du Laboratoire de neurobiologie de l’École normale. Au fil des années, Pierre Paoletti prend des responsabilités collectives, ce qui l'amène aux postes de directeur de l’Institut de biologie de l’ENS-PSL (IBENS) et du département de biologie de l’École - qu’il occupe toujours - tout en maintenant son activité scientifique. « Dans un monde souvent mû par des intérêts court-termistes et mercantiles, ce métier apparaît presque comme une anomalie qu’il faut à tout prix préserver ! », sourit le scientifique. « Ici, c’est la curiosité, le temps long, la transmission et la mise en commun des expertises et compétences qui sont les maîtres mots », explique-t-il. « Et comme le dit Laetitia, un sentiment probablement assez rare dans le monde professionnel d’être un éternel étudiant. »
« La recherche actuelle dessine notre futur »
De ses 25 ans à l’ENS-PSL, Pierre Paoletti en dresse un bilan plus que positif : « L’École normale, ce sont des étudiantes et étudiants exceptionnels, des laboratoires de pointe et une richesse disciplinaire concentrée de façon unique en France, autant d’atouts pour des rencontres et des collaborations originales et fructueuses », estime-t-il. « C’est aussi une atmosphère de grande collégialité et de respect mutuel, dans une tradition humaniste revendiquée », poursuit le chercheur. « Travailler à l’ENS c’est aussi être au cœur de la nouvelle Université PSL, forte d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche de tout premier plan, élargissant encore davantage le champ des possibles », souligne-t-il. Un champ des possibles pour nourrir avant tout la recherche scientifique. Fondamentale ou appliquée, cette dernière est « indispensable », pour répondre aux grands défis de l’humanité, qu’ils soient environnementaux, sanitaires ou sociétaux, considère Pierre Paoletti. C’est donc sans ambiguïté qu’il s’adresse aux futurs chercheurs et chercheuses : « Oui, les passages à vide, pendant lesquels les “manips” ne marchent pas et l’inspiration s’érode, arrivent inévitablement dans une carrière. Mais foncez et persévérez, car la recherche actuelle dessine notre futur. »