Des mathématiques à la fonction publique
Portrait d’une conversion
Après avoir très longtemps envisagé de devenir enseignant-chercheur en mathématique, Valentin Melot s’est « reconverti » encore étudiant. Désormais inspecteur des finances adjoint à l’inspection générale des finances, il raconte le cheminement intellectuel qui l’a conduit à faire ce choix et l’accompagnement dont il a bénéficié à l’École. Portrait.
Question de vocation
C’est l’histoire d’un changement de vie. Valentin Melot (Sciences, 2015), élève fonctionnaire-stagiaire à l’ENS pendant cinq ans, se dirigeait vers une carrière en mathématiques. « J’adorais les maths et notamment le fait d’être dans la forme la plus abstraite possible de manipulation de symboles, qui ne se rattache à rien de concret. Cela nécessite de ne fonctionner que par de la rigueur intellectuelle », explique-t-il, avec passion. Avec la ferme volonté de pratiquer la discipline au plus haut niveau universitaire, Valentin intègre l’École normale supérieure en 2015 où ses années y sont très agréables. Malgré tout, il sent au fond de lui que quelque chose cloche : « Au fur et à mesure, je me suis rendu compte que j’accrochais moins aux mathématiques que ce que j’eusse espéré. Il parait que c’est une phase par laquelle passe beaucoup de monde : le sentiment de ne pas être d’un assez bon niveau pour réussir pleinement ce qui est attendu. » En parallèle, il a le sentiment diffus, au cours de sa deuxième année à l’ENS-PSL, de se diriger vers une carrière plutôt solitaire, « au-delà de l’interaction avec un très petit groupe de personnes spécialistes d’un sujet d’étude précis. » Cette volonté d’amener sa future carrière vers d’autres domaines se traduit par une première expérience concrète de la chose publique, puisqu’il est élu à la DG, la délégation générale des élèves où il travaille plus particulièrement sur les questions de logements étudiants. « J'ai beaucoup interagi avec la direction et l'administration de l'École en participant à ce qui relève d'une mission de service public même si c’était à une très petite échelle et avec des moyens plus limités », explique-t-il.
« Les normaliens, souvent confrontés à des problèmes ouverts et difficiles, peuvent être des atouts employables dans n’importe quelle structure. » Valentin Melot
Le sésame de l’interdisciplinarité
Trouvant cette première expérience très stimulante, Valentin fait un stage à la Cour des comptes, ce qui lui permet de poursuivre son cursus en mathématiques et de mettre un premier pied dans la haute administration française. La rentrée suivante est pour lui l’occasion d’intégrer le département de sciences sociales et plus spécifiquement le pôle droit : « Je pouvais faire des stages supplémentaires dans la fonction publique validant les ECTS dont j’avais besoin, à condition que je prenne des engagements formels en termes de cours à suivre. Dorothée Butigieg, la Directrice des études Lettres a notamment beaucoup fait pour lisser les choses et m'a encouragé à poursuivre dans cette voie. » La rentrée suivante, Valentin Melot intègre la Prep’ENA de l’ENS et alors qu’il s’apprête à effectuer une seconde année, une annonce d’emploi contractuel à l’inspection générale des finances (IGF) attire son attention. En octobre 2021, il entre au service sous statut d’inspecteur adjoint, où il exerce un métier qui rapidement le passionne : « Il y a un premier aspect de mes fonctions qui relève de l’audit. C’est la partie cœur de métier, qui n’est pas la plus connue du grand public ni peut-être la plus créative, mais néanmoins essentielle. C’est aussi une étape incontournable de la formation des inspecteurs. Le second aspect consiste en de l’aide à la décision publique. Ce sont là des missions assez similaires à celles d’un cabinet de conseil. Le gouvernement se pose une question que les administrations ne parviennent pas à résoudre faute de temps ou d’un consensus. Le problème est alors externalisé à une inspection générale, qui apporte un nouveau regard. Vous êtes ainsi pleinement responsable de votre diagnostic et de ce que vous proposez, vous savez que ce que vous écrivez influencera la décision finale, quel que soit son sens. C’est donc très personnel en termes d’engagement et de responsabilité. »
Et les maths, dans tout ça ?
Le contrat de Valentin court jusqu’à 2024. Et après ? Il aimerait sans trop de doute poursuivre vers d’autres administrations. Et les maths dans tout ça ? « Elles me permettent d’avoir une approche différente des problèmes que je rencontre. J’essaye surtout d'appliquer un peu la méthode apprise lorsqu’on pratique les mathématiques à un haut niveau universitaire : modéliser, construire un “problème-jouet” avec bien moins de complexité, tenter de généraliser sur les situations concrètes. En mathématiques, on part parfois d’exemples très simples pour acquérir des intuitions sur les objets plus complexes. C’est une méthode tout à fait transposable à certains problèmes que je rencontre dans mon travail. » Au-delà des maths, il se sert beaucoup de l’expérience acquise au cours de ses stages. « C’est principalement un apprentissage de positionnement et de savoir être, explique-t-il. Il faut réussir à mettre en adéquation sa vision personnelle, la compréhension propre qu’on peut avoir d’un problème, avec le cadre de l'organisation dans laquelle il se trouve. » C’est d’ailleurs peut-être pour cette raison qu’on trouve beaucoup de normaliens au sein de l’Inspection générale des finances. Et Valentin d’ajouter : « Une deuxième campagne de recrutement est en cours jusqu’au 15 avril. Je suis à la disposition de tous les candidats potentiels qui souhaiteraient échanger à ce sujet ! »