Constance Rivière

Promotion 2001 - Lettres

Collection « Trajectoires normaliennes ». Rencontre avec Constance Rivière, haute fonctionnaire et écrivaine passée par l’ENS en 2001. L’occasion pour elle de revenir sur ses années passées rue d’Ulm, mais aussi d’évoquer son parcours et son poste de Directrice générale du Palais de la Porte Dorée.
Constance Rivière
Constance Rivière © Cyril Zannettac

« La France a besoin d'humanistes pour préparer son avenir »

Pour vous, l'École normale était-elle la suite logique après une classe préparatoire, ou aviez-vous envisagé d'autres possibilités d'orientation ?

Constance Rivière : Je suis entrée en classe préparatoire en rêvant d’entrer à l’École normale, mais j’ai évidemment envisagé d’autres possibilités, je voulais faire de la philosophie, du cinéma et des sciences politiques, j’ai préparé toutes ces voies en parallèle du concours. Ce que m’a offert l’École c’est en particulier de pouvoir continuer à faire les trois, avec les professeurs rue d’Ulm, à Sciences-Po et à Nanterre.
 
Quel souvenir gardez-vous de la vie étudiante à l'ENS ?

Constance Rivière : Je dois dire que j’en garde un souvenir mitigé, très différent de ce que me semble être devenue la vie étudiante aujourd’hui à l’ENS. L’École au début des années 2000 me semblait assez fermée aux bruits du monde, timide et donc peu propice aux initiatives portées par les élèves eux-mêmes. Nous avions créé avec quelques camarades une revue de réflexion en sciences humaines et sociales, Chantiers politiques, qui je crois n’existe plus, mais a duré ensuite plus de quinze ans. À l’époque, cette initiative n’avait pas été aussi bien perçue qu’elle ne l’aurait été aujourd’hui, et il apparaissait difficile de distribuer la revue dans l’École. Quand je vois le travail formidable fait par les élèves qui ont créé bien plus tard le Grand continent, et le soutien de l’ENS je mesure le chemin parcouru ! Mais à ce moment-là je me souviens que j’en avais été assez blessée, non pas personnellement, mais intellectuellement : il me semblait qu’on nous demandait de progresser dans un apprentissage déconnecté des questions qui agitaient la presse, la rue, nos amis. Alors qu’il y a tant besoin d’un lieu qui connecte les savoirs les plus fondamentaux et les grandes questions de notre temps.

Que retenez-vous de vos années à l'ENS ?

Constance Rivière : L’importance de trois principes qui me guident dans tous mes choix depuis près de 20 ans : la liberté de penser, la valeur du doute, et la nécessité du dialogue.  

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce poste de Directrice générale du Palais de la Porte Dorée, auquel vous avez été nommée en 2022 à la suite de Pap Ndiaye ?

Constance Rivière : Le Palais de la Porte dorée est d’une certaine manière un lieu culturel aussi atypique que total. Au sous-sol il y a un magnifique aquarium tropical, à l’étage le musée national de l’immigration, et le Palais est lui-même à la fois un chef d’œuvre art déco, un lieu vivant où nous programmons des spectacles, des rencontres littéraires, cinématographiques, des débats, mais aussi un monument de propagande coloniale sur lequel nous devons poser un regard critique avec l’aide de scientifiques et d’artistes. Ma responsabilité comme directrice générale est de donner aux équipes qui y travaillent les moyens d’en faire un lieu ouvert, vivant, avec une programmation de grande qualité sur les plans scientifiques et artistiques, et accessible à un large public.

L'ENS a choisi d'étudier cette année la thématique de l'école inclusive. Selon vous, comment en démocratiser l'accès ?

Constance Rivière : Il faudrait déjà qu’elle soit mieux connue partout, c’est un secret trop bien gardé, il faut aller partout en France chercher les futurs élèves, leur dire que c’est possible, et offrir la possibilité à celles et ceux qui en ont l’envie et le talent de les accompagner, par exemple avec des parrains et des marraines.
 
Que diriez-vous pour inciter la jeune génération à intégrer Normale Sup ?

Constance Rivière : Que la France a besoin d’humanistes pour préparer son avenir.

Biographie

Née à Paris en 1980, Constance Rivière est une haute fonctionnaire et romancière française. Après deux années de classe préparatoire littéraire, elle est reçue à l’École normale supérieure en 2001, où elle cofonde la revue Chantiers politiques. Formée en philosophie à l’Université Paris-Nanterre, elle est également diplômée de l’Institut d’Études Politiques de Paris (2004) et de l’ENA (promotion Aristide-Briand (2008).

Constance Rivière commence sa carrière par un poste d’auditrice (2008-2011) puis de maître des requêtes (2011) au Conseil d’État. Elle est nommée conseillère « Institutions, société et libertés publiques » sous la présidence de François Hollande en 2012, puis continue à travailler avec lui en tant que directrice adjointe de son cabinet à partir de 2015. En 2016, elle devient conseillère spéciale chargée de la culture et de la citoyenneté. À la fin du mandat du président socialiste, elle prend ses fonctions de secrétaire générale du Défenseur des droits de l’époque, Jacques Toubon. Puis, en 2022, elle succède à Pap Ndiaye à la tête du Palais de la Porte Dorée, qui abrite le Musée national de l’histoire de l’immigration et un aquarium tropical.

En parallèle, Constance Rivière a écrit trois romans : Une fille sans histoire (Stock, 2019), La Maison des solitudes (Stock, 2021), et La Vie des ombres (Stock, 2023).