« Les mathématiques sont essentielles pour comprendre le monde qui nous entoure »
Nuit de l’énergie : rencontre avec Emmanuel Dormy, mathématicien et physicien à l'ENS-PSL
À l’occasion de la Nuit de l’Énergie de l’ENS-PSL, qui se tiendra le 20 septembre prochain, nous sommes partis à la rencontre de chercheurs et chercheuses participant à cet événement phare de la rentrée de l’École.
Emmanuel Dormy s’intéresse à plusieurs sujets à l’interface entre les mathématiques et la physique : les vagues à la surface de l’océan, leurs interactions et le problème du déferlement, les cyclones tropicaux et la raison pour laquelle ils ont tous un œil en leur centre, les entrailles de la Terre et la génération du champ magnétique terrestre… Leur point commun ? L’écoulement des fluides.
Lors de sa conférence « L'énergie des fluides et l'équation qui valait un million de dollars... », le scientifique abordera une question simple mais primordiale : les équations que nous utilisons pour décrire les écoulements fluides sont-elles toujours valides ? Une problématique importante car ces équations sont régulièrement utilisées par les ingénieurs, les physiciens, les météorologues… et participent donc à la construction du monde qui nous entoure.
Vous participez à la Nuit de l’Énergie de l’ENS, pouvez-vous nous offrir un avant-goût de la conférence « L'énergie des fluides et l'équation qui valait un million de dollars... » que vous y donnerez ?
Emmanuel Dormy : Pour le grand public, les mathématiques sont souvent soit un objet de fascination, soit un objet d’horreur associé à l’impression de ne pas être « doué pour les maths ». Dans cette conférence, je tenterai de les présenter sous un autre jour. Celui d’une science vivante, active et fascinante. La question que nous aborderons est à la fois simple et centrale : les équations que nous utilisons pour décrire les écoulements fluides sont-elles toujours valides ? La question est d’importance car elles sont utilisées par les ingénieurs, les physiciens, les météorologues, … Ces équations rendent bien compte de la réalité des écoulements que nous observons. Elles ont cependant des propriétés étranges qui laissent penser qu’elles pourraient mener à des « singularités ». Le problème est si complexe mathématiquement que la fondation Clay a attribué un prix d’un million de dollars à celui ou celle qui saurait prouver que ce jeu d’équation n’est pas toujours un bon modèle ou bien, au contraire, qu’il est bien toujours valide ! Il s’agit d’un des Millennium Prize Problems.
Comment le sujet de votre conférence s’inscrit-il dans les grands enjeux contemporains ?
Emmanuel Dormy : Outre le plaisir de partager avec le public des questions contemporaines en mathématiques, ce sujet illustre à quel point les mathématiques sont essentielles pour comprendre le monde qui nous entoure. Les problèmes dont nous discuterons sont extrêmement concrets. L’étude mathématique offre seule la fondation solide dont ont besoin les applications. Comment étudier les écoulements dans l’atmosphère ou dans l’océan si l’on n’a pas établi la validité des équations utilisées ?
En tant que scientifique, pourquoi est-ce important de participer à cette Nuit et également que le grand public vienne y assister ?
Emmanuel Dormy : Il me semble qu’il y a deux raisons majeures. La première, c'est que la science n’a pas le droit de s’enfermer dans une espèce de tour d’ivoire. Il est important que nos concitoyens soient au courant des progrès, mais aussi des limites et des questions ouvertes en sciences. Sans ce lien essentiel, la porte est grande ouverte à toutes les pseudo-sciences. La seconde raison est plus personnelle : c’est avant tout un plaisir de pouvoir échanger avec un public varié, je ne raterai ça pour rien au monde !
À propos de Emmanuel Dormy
« Attiré depuis toujours par les mathématiques et ce qu’elles peuvent nous dire sur le monde », Emmanuel Dormy s’oriente vers un DEA (ancien Master 2) en mathématiques, avant d’effectuer sa thèse en géophysique, « tout en gardant un lien très fort avec plusieurs collègues en mathématiques », précise-t-il. Il entre ensuite au CNRS en 1999. Être chercheur CNRS lui permet de travailler dans plusieurs laboratoires : à l’Institut de Physique du Globe, et après quelques années, à l’École normale supérieure. Il rejoint le département de physique pendant près de 15 ans, puis le département de mathématiques et applications, où il travaille actuellement.
La recherche d’Emmanuel Dormy concerne plusieurs sujets à l’interface entre les mathématiques et la physique. Le scientifique étudie les vagues à la surface de l’océan, leur génération, leurs interactions et le problème du déferlement qui est particulièrement difficile. Il s’intéresse aussi aux cyclones tropicaux et à la raison pour laquelle ils ont tous un œil en leur centre. Ses recherches englobent également les entrailles de la Terre et la génération du champ magnétique terrestre, celui-là même qui oriente la boussole. « Dans tous les cas, il s’agit d’écoulements fluides à la surface et dans les profondeurs de la Terre », indique le chercheur.
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