3 chercheuses de l’ENS-PSL récompensées par le prix Jeunes Talents 2023

Bravo aux lauréates pour ce prix de la Fondation L’Oréal-Unesco pour les Femmes et la Science.

Créé le
30 novembre 2023
Félicitations à Lina El Hajji, doctorante au département de chimie, Garance Gourdel, doctorante au département d’informatique et Laetitia Grabot, post-doctorante au département d’études cognitives de l’ENS-PSL, lauréates du prix Jeunes talents France 2023 de la Fondation L’Oréal-Unesco pour les Femmes et la Science.
 
Perfectionner l’imagerie des cellules pour mieux appréhender le développement des maladies, utiliser les algorithmes pour améliorer la lecture de l’ADN, mieux comprendre le fonctionnement du cerveau à l’aide d’un modèle mathématique… Rencontre avec trois scientifiques prometteuses, récompensées pour leurs recherches innovantes.
Bourses LOREAL FEMMES ET SCIENCES
De g. à d. : Lina El Hajji, Laetitia Grabot, Garance Gourdel - LOREAL © Clemence Losfeld

Améliorer l’imagerie des cellules pour mieux comprendre le développement des maladies

Lina El Hajji, doctorante au département de chimie de l’ENS-PSL - Laboratoire des Biomolécules

« C’est en rendant la science la plus accessible possible que l’on peut avancer et trouver des solutions pour les défis sociétaux auxquels on est et sera confronté. »

Pouvez-vous vous présenter ? Pourquoi avez-vous choisi de vous orienter dans la recherche, plus précisément dans la chimie ?

J’ai 25 ans et je suis marocaine. J’ai fait mes études dans mon pays natal, mais j’ai passé une année en France pendant le collège. J’ai obtenu un bac scientifique, spécialité physique au lycée français de Tanger. Puis en 2015, grâce à une bourse du Dispositif Excellence Major, j’ai intégré une classe préparatoire du lycée Henri Poincaré à Nancy, en France en filière PCSI/PC. C’est durant cette période que j’ai découvert la chimie et commencé à m’y intéresser. Un intérêt qui m’a poussée à candidater au département de chimie de l’ENS-PSL, où j'ai été reçue sur dossier en 2017. Les rencontres que j’y ai faites et les enseignements qui y sont dispensés m’ont confortée dans cette voie. La formation en chimie est au début générale, permettant d’appréhender beaucoup de domaines différents. Il est ensuite possible d’affiner nos choix de spécialisation, selon nos intérêts en Master.
À l’ENS, j’ai particulièrement apprécié l’importance donnée à l’interdisciplinarité, ce qui m’a notamment permis de découvrir la biologie et de m’orienter dans un domaine à la croisée de la chimie et de la biologie. Les séminaires animés par les chercheuses et chercheurs d’autres départements, la possibilité de faire des stages chaque année m’ont également rapprochée du milieu de la recherche et m’y ont fait prendre goût. Je suis désormais en doctorat au département de chimie de l’École normale supérieure au sein du Laboratoire des Biomolécules.

Quelles sont les recherches pour lesquelles vous avez obtenu le prix Jeunes Talents France pour les Femmes et la Science de la Fondation L'Oréal-UNESCO ?

Je travaille à l’interface de la chimie et la biologie, plus particulièrement en chimie biologique, appelée aussi chémobiologie. Le but de ces recherches ? Développer des rapporteurs fluorescents innovants pour l’imagerie biologique. Notre compréhension des organismes biologiques, des processus qui les régissent et de leurs dysfonctionnements donnant lieu à certaines maladies, est conditionnée par notre capacité à visualiser les différents partenaires impliqués dans ces processus. Ces outils fluorescents permettent de marquer une molécule d’intérêt dans la cellule, afin de la visualiser et de la suivre en temps réel dans les processus biologiques dans lesquels celle-ci est impliquée.
En particulier, mon projet de thèse vise à développer des rapporteurs fluorescents dits chimiogénétiques, qui permettent d’adresser certains défis rencontrés en imagerie biologique : imager en profondeur dans les tissus, en perturbant le moins possible les systèmes concernés et en augmentant le nombre de cibles observées simultanément. L’objectif est de mettre à disposition des biologistes tout un arsenal de rapporteurs fluorescents, afin qu’ils choisissent le plus adapté pour élucider les mécanismes auxquels ils s’intéressent.

Que représente pour vous l’obtention de cette bourse et que va-t-elle vous permettre ?

C’est un immense honneur d’être lauréate du programme Jeunes Talents. Grâce à cette bourse, j’ai déjà rencontré d’autres jeunes chercheuses brillantes, au parcours inspirant. J'ai également bénéficié de formations extrêmement enrichissantes, qui m’ont permis de me sensibiliser davantage sur la question des femmes en sciences et de prendre pleinement conscience des difficultés que l’on peut rencontrer, tout en me donnant des outils pour y faire face.
Obtenir ce prix me permet aussi de gagner en confiance dans ma carrière d’enseignante-chercheuse. Grâce à sa dotation, je vais pouvoir continuer à aller à des congrès pour présenter mes travaux et faire de belles rencontres. Mais ce qui me tient le plus à cœur, c’est de mener à bien des actions de diffusion des sciences, afin d’encourager le maximum de jeunes, en particulier les filles, à faire des études scientifiques et envisager des carrières dans ce domaine.
C’est en rendant la science la plus accessible possible que l’on peut avancer et trouver des solutions pour les défis sociétaux auxquels on est et sera confronté.

Vous êtes doctorante au département de chimie de l’École normale supérieure au sein du Laboratoire des Biomolécules, qu’est-ce qui vous a motivée à choisir l’ENS-PSL pour votre thèse ?

Lors de mes études, j’ai pu bénéficier d’un environnement extrêmement bienveillant à l’ENS-PSL, et j’y ai fait des rencontres qui ont été d’une importance majeure pour moi.
J’ai échangé avec des chercheuses et des chercheurs passionnés par leur travail, qui ont à cœur de mener aussi des actions pour transmettre au mieux la science. J’ai fait la connaissance Arnaud Gautier, mon directeur de thèse, à l’ENS, qui a été mon enseignant dès la licence, et j’ai eu l’occasion de connaître assez tôt ses travaux. Cette rencontre a été déterminante. La très bonne entente au sein de son équipe, que j’ai rejointe en stage de master 2, et les thématiques de recherche qui y sont abordées ont motivé mon choix de poursuivre en thèse à ses côtés.

Un conseil pour celles et ceux qui souhaiteraient s'orienter dans la recherche et plus précisément dans la chimie ?

Un conseil essentiel est d’être curieux et de garder une certaine capacité à s’émerveiller devant les choses qui nous entourent. Il est aussi important de profiter de toutes les étapes du processus de recherche, même des plus difficiles : être excité par la possibilité de mettre à l’épreuve une nouvelle hypothèse, par les perspectives d’optimisation des systèmes développés, mais aussi ne pas flancher devant les éventuelles difficultés ou obstacles.

Page Linkedin de Lina El Hajji

Utiliser les algorithmes pour améliorer la lecture de l’ADN

Garance Gourdel, doctorante au département d’informatique de l’ENS-PSL - équipe Talgo
« L’informatique peut être très intimidante et il est facile de s’en faire des idées préconçues, mais en réalité elle est plus créative, fun et collaborative qu’on ne pense ! »

Pouvez-vous vous présenter ? Pourquoi avez-vous choisi de vous orienter dans la recherche, plus précisément dans l’informatique ?

J’ai grandi et je vis toujours à Bagneux en banlieue sud de Paris. J’ai deux parents chercheurs passionnés, forcément ça peut donner envie... Mais l’autre événement déclencheur aura été mes enseignants de mathématiques qui aimaient nous mettre au défi de résoudre quelques problèmes plus difficiles. Se creuser la tête pendant des heures pour le plaisir d’enfin trouver la solution, c’est addictif !
C’est en classe préparatoire, au lycée Henri-IV à Paris, que j’ai découvert l’informatique. C’est une discipline qui m’a beaucoup plu, car elle ressemble à des puzzles. Mais ce qui change quand on rentre dans la recherche, c’est que l’on construit nous-même les puzzles et qu’en cherchant la solution, on n’est jamais certain qu’il y en ait une… Après la prépa, je suis rentrée à L’ENS Paris-Saclay en informatique avant de poursuivre un doctorat entre l’Institut de Recherche en Informatique et Systèmes Aléatoires (IRISA) à l’Université de Rennes et au sein du département d’informatique de l’ENS-PSL.

Quelles sont les recherches pour lesquelles vous avez obtenu le prix Jeunes Talents France pour les Femmes et la Science de la Fondation L'Oréal-UNESCO ?

J’étudie l’algorithmique de textes, des aspects les plus théoriques aux plus pratiques. À court terme, je cherche à créer de nouveaux algorithmes plus efficaces pour un problème donné. Sur du plus long terme, les applications de mes recherches sont la création d’outils pour la biologie et la médecine pour, par exemple, améliorer la prescription d’antibiotiques.
La principale application de mon travail est en bio-informatique, car l’ADN peut être représenté comme un simple texte sur l’alphabet, avec ses quatre bases nucléiques : {A, T, C, G}. Ce texte n’a pas de sens simple à lire pour l’humain, il est donc nécessaire de pouvoir comparer les séquences entre elles, repérer les répétitions ou chercher un motif particulier. De plus, les volumes de données sont immenses : un seul génome humain occupe trois gigaoctets et on a souvent besoin d’en traiter plusieurs à la fois. C’est ici que j’interviens.

Que représente pour vous l’obtention de cette bourse et que va-t-elle vous permettre ?

C’est un honneur, une reconnaissance de mon travail jusqu’ici, mais aussi une opportunité de promouvoir les sciences et en particulier l’informatique pour les femmes, ce pour quoi je suis engagé depuis des années avec les stages Girls Can Code, des stages gratuits d’initiation à l’informatique pour les collégiennes et lycéennes.
J’ai donc réservé une partie de la bourse pour l’organisation d'évènements de vulgarisation. L’autre partie est dédiée à ma recherche : pour rendre visite à d'autres chercheuses et chercheurs, aller à des conférences, acheter des livres. Je souhaite découvrir plus en profondeur les aspects plus appliqués de mon travail. Cette bourse offre une grande liberté.

Vous êtes en doctorat au département informatique de l’École normale supérieure au sein de l’équipe Talgo, qu’est-ce qui vous a motivée à choisir l’ENS pour votre thèse ?

Mon encadrante Tatiana Starikovskaya ! C’est une chercheuse brillante qui m’a suivie et encouragée dès mon master, elle m’a ouvert la porte à beaucoup d'opportunités. Je lui suis très redevable et le choix de faire ma thèse co-encadrée à l’ENS-PSL était très évident. J’apprécie aussi beaucoup mes autres collègues de l’équipe Talgo.

Un conseil pour celles et ceux qui souhaiteraient s'orienter dans la recherche et plus précisément dans l’informatique ?

Oser se lancer ! Je ne pensais pas pouvoir en arriver là, mais j’ai tenté et donné tout ce que je pouvais pour ne pas avoir de regrets. L’informatique peut être très intimidante et il est facile de s’en faire des idées préconçues, mais en réalité elle est plus créative, fun et collaborative qu’on ne pense !

Page Linkedin de Garance Gourdel

Un modèle mathématique pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau

Laetitia Grabot, post-doctorante au département d’études cognitives de l’ENS-PSL - Laboratoire des Systèmes Perceptifs
« Ce prix, en plus d’être une belle reconnaissance pour mon travail, est aussi l’occasion de faire porter le message que les inégalités entre les femmes et les hommes ne sont toujours pas résolues aujourd’hui. »

Pouvez-vous vous présenter ? Pourquoi avez-vous choisi de vous orienter dans la recherche, plus précisément dans les neurosciences ?

J’ai toujours aimé les matières scientifiques à l’école, et tout particulièrement la biologie. Après le lycée et une classe préparatoire en physique-chimie, j’ai choisi d’intégrer Grenoble INP-Phelma, une école d’ingénieur assez généraliste, qui proposait quelques cours de biologie. J’ai ensuite bifurqué plus drastiquement de domaine en choisissant de faire mon stage de master, puis mon doctorat, dans les neurosciences cognitives, au CEA Saclay. Les neurosciences cognitives sont apparues comme une discipline de choix pour moi : c’est un domaine interdisciplinaire où mes compétences en programmation et mathématique sont nécessaires pour étudier les mystères du cerveau et du comportement humain.
J’ai ensuite fait plusieurs post-doctorats : en Allemagne pendant 3 ans, en France à l’Université Paris Cité, à l’Integrative Neuroscience & Cognition Center (INCC) de 2020 à 2023 et à l’ENS-PSL, au département d’études cognitives de l’ENS-PSL, au sein du Laboratoire des Systèmes Perceptifs, depuis octobre 2023.

Quelles sont les recherches pour lesquelles vous avez obtenu le prix Jeunes Talents France pour les Femmes et la Science de la Fondation L'Oréal-UNESCO ?

Mon projet actuel s’intéresse à un type d’activité cérébrale particulier, les oscillations cérébrales, qui sont enregistrées par des électrodes posées sur la tête. Ces oscillations sont impliquées dans tous les aspects de la cognition, comme la perception, la mémoire ou le langage. Une caractéristique cruciale de ces oscillations est cependant souvent négligée : leur dimension spatiale.
En effet, des enregistrements chez des patients, implantés pour raisons médicales, ont montré que les oscillations se déplacent à la surface du cortex, à la manière d’une vague sur la plage. Chez l’humain, aucune étude ne s’est concentrée sur la propagation de ces oscillations au sein d’une aire corticale, à cause de contraintes méthodologiques liées à la faible résolution spatiale des techniques utilisées. Mon projet propose une solution à ce problème, qui consiste à développer un modèle computationnel pour détecter la propagation spatiale des oscillations, grâce à des enregistrements non-invasifs comme l’électroencéphalographie. Un article que j’ai écrit pour The Conversation explique cette technique.

Mes travaux fourniront un nouvel outil à la communauté scientifique pour tester des hypothèses sur la dynamique spatio-temporelle de l’activité cérébrale. Cet outil permettra d’étudier l’impact de la propagation spatiale des oscillations cérébrales sur la cognition (perception sensorielle, attention, mémoire…), ce qui n’est actuellement pas réalisable avec des techniques non-invasives. Cette thématique émergente devrait ouvrir de nouvelles voies de recherche pour comprendre les fondements neuronaux de la cognition chez l’humain, dont le fonctionnement du cerveau est par essence dynamique dans le temps et l'espace.

Que représente l’obtention de cette bourse pour vous et que va-t-elle vous permettre ?

Ce prix, en plus d’être une belle reconnaissance pour mon travail, est aussi l’occasion de faire porter le message que les inégalités entre les femmes et les hommes ne sont toujours pas résolues aujourd’hui. Les femmes ne représentent que 29% des chercheurs en France. Même dans les disciplines où la parité est presque atteinte de manière globale, le pourcentage de femmes diminue lorsqu’on monte dans la hiérarchie. Comme l’indique le CNRS, en 2021, il y avait 34% de femmes en poste titulaire, et seulement 25% au sein des directeurs de recherche à l’échelon le plus élevé.
Je compte utiliser la dotation du Prix pour réaliser un court-métrage d’animation sur mon projet, dans l’optique de partager au plus grand nombre la démarche scientifique et les dernières avancées de la recherche.

Vous venez de commencer un post-doctorat au département d’études cognitives de l’École normale supérieure au sein du Laboratoire des Systèmes Perceptifs, qu’est-ce qui vous a motivée à choisir l’ENS ?

Je souhaitais travailler dans ce laboratoire à l’ENS-PSL pour continuer à apprendre comment modéliser les comportements humains, en particulier ceux liés à la perception du temps. Développer des modèles mathématiques qui peuvent prédire comment un individu va percevoir le monde - des durées, par exemple - est une approche puissante pour comprendre en détail les mécanismes cachés de la perception.

Un conseil pour celles et ceux qui souhaiteraient s'orienter dans la recherche et plus précisément dans les neurosciences cognitives ?

Les neurosciences cognitives, qui cherchent à comprendre les liens entre fonctionnement du cerveau et cognition, sont une discipline interdisciplinaire donc il y a plusieurs parcours de formation possibles : sciences cognitives, psychologie, neurobiologie, médecine, ingénierie. Mon conseil aux plus jeunes qui souhaitent se lancer dans cette voie est d’acquérir de bonnes bases en mathématique, physique et programmation, qui aident toujours dans le quotidien en neurosciences cognitives.

Page Linkedin de Laetitia Grabot