I. Identité des acteurs en humanités numériques à l’ENS
67 acteurs en humanités numériques ont été identifiés à l'ENS. Chercheurs, enseignants, ingénieurs, techniciens, personnels des bibliothèques et étudiants, ils ont directement répondu à l'enquête ou ont été mentionnés comme étant impliqués dans une ou plusieurs activités liées aux humanités numériques au sein de l'École (structuration, développement d’outils, enrichissement, visualisation, etc.).
Avec 48 personnes, l’organisme d’appartenance de loin le plus présent est le CNRS.
Le Département Littérature et langages (LILA) et le Département des Sciences de l’Antiquité (DSA) comptent à eux seuls plus des deux tiers des acteurs en humanités numériques identifiés à l’ENS, ce qui n’est pas surprenant compte tenu de la taille importante de ces deux départements. Ils sont représentés en particulier par les laboratoires ITEM, Lattice et AOrOc, dont les spécificités thématiques expliquent la prépondérance dans les résultats de l'enquête :
• À l'institut des textes et manuscrits modernes (ITEM) travaillent plusieurs ingénieurs dont l’activité est directement et exclusivement tournée vers l’informatique et le numérique, tandis que de nombreux chercheurs et enseignants-chercheurs s’impliquent dans la numérisation et la publication en ligne de corpus de manuscrits et d’archives modernes.
• Le laboratoire Langues, Textes, Traitements informatiques et Cognition (Lattice) a pour spécialité de recherche la linguistique et le traitement automatique des langues, mêlant linguistique, informatique et intelligence artifcielle, domaines dans lesquels s’impliquent les ingénieurs et chercheurs de cette unité du CNRS.
• Le laboratoire d'Archéologie et Philologie d'Orient et d'Occident (AOrOc) rassemble des chercheurs utilisant abondamment des outils relevant des humanités numériques pour leurs projets de recherche (bases de données relationnelles, cartographie et système d'information géographique, traitement automatisé de données, etc.).
II. Fonctions exercées par les acteurs en humanités numériques à l’ENS
Les réponses apportées au questionnaire consacré aux acteurs en humanités numériques témoignent bien de la variété et de l’hétérogénéité des métiers, compétences et parcours menant aux humanités numériques. L’humaniste numérique et l’objet numérique sont pluriels, il est difficile d’en tracer les contours. Ne voulant pas imposer a priori de catégories pour définir les différentes fonctions qu’ils peuvent exercer dans le cadre d'un projet relevant des humanités numériques, il a été proposé aux enquêtés d’indiquer librement 6 mots-clés de leur choix.
On constate ainsi que les répondants définissent leurs fonctions selon deux points de vue différents : certains mots-clés sont orientés vers l’humaniste numérique (son rôle, ses compétences, son métier), tandis que d’autres mettent plutôt l’accent sur son objet d’étude (sa définition, les traitements appliqués, sa diffusion).
Avec la représentation visuelle par nuages de mots-clés, qui reproduit de façon exhaustive les termes et expressions choisis pour définir les fonctions des acteurs en humanités numériques, nous avons souhaité tenir compte de cette bifurcation. La taille des mots est proportionnelle au nombre d’occurrences ; leur couleur permet de distinguer les catégories qui nous semblent ressortir.
III. Métiers et outils des acteurs en humanités numériques à l’ENS
La majorité des personnels ayant répondu au questionnaire ont vu leurs métiers évoluer ces dernières années. Ils sont anthropologues, archéologues, historiens, philosophes, enseignants et enseignants chercheurs en toutes disciplines (métiers de la recherche et de l’enseignement). Ils sont aussi cartographes, ingénieurs en sciences humaines et sociales spécialisés en sources anciennes, linguistique ou traitement de données (métiers de soutien à la recherche). Les métiers de l’informatique, de l’information scientifique et technique (archivistes, bibliothécaires, documentalistes) et les éditeurs sont également représentés.
Les humanités numériques ont profondément modifié leurs méthodes et pratiques de travail. Les portraits, filmés et écrits, publiés sur ce site, en témoignent largement.
Ce renouvellement semble plutôt perçu positivement par les personnes ayant répondu à l’enquête. Les mots qui reviennent le plus souvent pour expliquer cet apport sont : collaboration, accompagnement, réseaux, recherches facilitées, développement, analyse en masse de corpus, traitement automatique des langues, valorisation de fonds, accès facilité aux sources, modification du travail.
Si rares sont les personnes ayant bénéficié d’une formation initiale en humanités numériques (une personne a suivi le master Patrimoine écrit et édition numérique CESR – Université François Rabelais, Tours et une autre a suivi un DESS Ingénierie Multilingue), nombreuses sont celles qui se sont formées dans le cadre de la formation professionnelle : formation interne CNRS, écoles d’été, ANF, séminaires, formations du CLEO, de l’Urfist, de l’ITEM ou du consortium CAHIER. Enfin, certaines ont eu une approche autodidacte, guidée par leur laboratoire de rattachement.
Les outils et technologies cités dans le cadre de projets en humanités numériques sont nombreux et diversifiés. Nous avons choisi de les classer par familles dans l’infographie ci-dessous. Les familles d’outils y sont représentées par des blocs de couleurs différentes, dont la taille dépend du nombre de citations des outils par les enquêtés. L’ensemble forme une pile, dont l’agencement indique comment certaines technologies ou familles d’outils reposent sur d’autres pour fonctionner. Les nuages de mots-clés propres à chaque bloc correspondent aux outils directement nommés par les enquêtés, de façon plus ou moins précise (cf. Wordpress vs. CMS, par exemple) ; la taille des mots est proportionnelle au nombre d’occurrences.
Cette représentation montre notamment comment certains outils, tels que Omeka (catégorie Publication et gestion de contenu), MySQL, FileMaker (catégorie Gestion de bases de données), ou PHP (catégorie Langage de programmation) sont largement utilisés par les acteurs en humanités numériques à l’ENS. On note également que les outils libres, quoique majoritaires, coexistent avec les outils propriétaires (parmi lesquels Oxygen XML Editor, ArcGIS, Omnipage, FileMaker, etc.) et que les outils "faits maison", à l'ENS, ne sont pas rares, et ce particulièrement dans le traitement automatique des langues (catégorie Numérisation et fouille de données : SeM, Analec, ETIAB). On peut enfin s'étonner de l'absence du Web sémantique/Web de données parmi les outils cités, absence en partie compensée par la mention de différents outils intégrant ce modèle en leur sein (par exemple Omeka, dans la catégorie Publication et gestion de contenu).
IV. Activités en humanités numériques menées au sein de l’ENS
L'enquête menée entre juillet 2017 et juin 2018 a permis de recenser 76 activités en humanités numériques à l'échelle de l'ENS, dont la liste détaillée peut-être librement consultée sur le site de Digit-Hum. Il peut s’agir de travaux nettement identifiés comme appartenant aux humanités numériques ou de projets en sciences humaines et sociales exploitant les outils du numérique pour se développer et s’enrichir. La liste constituée rassemble les activités vivantes, avec une identité, une thématique et une problématique spécifiques, et dont l’ENS assure la coordination scientifique, numérique ou éditoriale (seule ou en partenariat avec d’autres institutions). Outre les projets proprement scientifiques, largement majoritaires (65), ont été également incluses les manifestations et formations créditées par l'École.
Ci-dessous, le premier diagramme montre comment se répartissent les projets impliquant les humanités numériques au sein de l’ENS. On y retrouve l’ensemble des départements et composantes de l’ENS comportant des acteurs en humanités numériques, à l’exception notable du labex TransferS (2010-2019). Cette absence masque en réalité le fait que ce labex, qui rassemble l’ensemble des unités de recherche CNRS de Sciences Humaines et Sociales de l’ENS, collabore techniquement à de nombreux projets, via son pôle Humanités Numériques. Composé d’une ingénieure en bases de données et d’un ingénieur cartographe, ses activités ont couvert, entre 2013 et 2018, 18 des 76 activités actuellement identifiées (soit près d'1/4), comme le montre le second diagramme ci-dessous. Ainsi, sans être à l’initiative des programmes de recherche menés au sein de l’ENS, le pôle Humanités Numériques du labex TransferS intervient activement, de façon transversale et pluridisciplinaire, auprès des chercheurs porteurs de projets qui en font la demande.
La répartition des projets en humanités numériques par laboratoire met en avant les mêmes unités de recherche que celles qui comportent le plus d'acteurs dans cette discipline. Parmi eux, l'ITEM s’investit dans de nombreux projets d’édition de corpus numériques, et a développé en interne la plateforme EMAN (Édition de Manuscrits Modernes), outil de publication mutualisé favorisant l’exploitation numérique de documents. À l'AOROC, laboratoire d’archéologie de l’ENS, la plupart des projets de recherche en cours impliquent les humanités numériques. Quant au Lattice, il coordonne 11 projets en humanités numériques, portant en particulier sur le traitement automatique des langues.
On constate une nette augmentation des projets en humanités numériques à partir de 2013, et plus encore 2014. Cette tendance est bien sûr liée au développement des humanités numériques en général et des outils facilitant leur usage, ainsi que des financements permettant leur mise en oeuvre. Existant depuis 2013, le pôle Humanités Numériques du labex TransferS y contribue également, sa mission étant précisément d’aider les chercheurs à monter et réaliser leurs projets numériques, notamment autour des bases de données et de la cartographie.
Le labex TransferS apparaît également comme une importante source de financement des projets en humanités numériques menés à l’ENS, comme l’indique l’histogramme ci-dessous.
Laboratoires du CNRS cités dans cette page :
• AOrOc : Archéologie et Philologie d'Orient et d'Occident (UMR 8546, CNRS–ENS–EPHE)
• C. Jean Pépin : Centre Jean Pépin (UMR 8230, CNRS–ENS)
• C. Léon Robin : Centre Léon Robin de recherches sur la pensée antique (UMR 8061, CNRS–Univ. Paris-Sorbonne–ENS)
• CAPHÉS : Centre d’archives en philosophie, histoire et édition des sciences (UMS 3610, CNRS–ENS)
• CMH : Centre Maurice Halbwachs (UMR 8097, CNRS–ENS–EHESS)
• CTAD : Centre de théorie et d’analyse du droit (UMR 7074, CNRS–Univ. Paris Ouest–ENS) • IHMC : Institut d’histoire moderne et contemporaine (UMR 8066, CNRS–ENS–Univ. Panthéon Sorbonne)
• Informatique ENS : Département d’Informatique de l’ENS (UMR 8548, CNRS–INRIA–ENS)
• ITEM : Institut des textes et manuscrits modernes (UMR 8132, CNRS–ENS)
• Lattice : Langues, Textes, Traitements informatiques et Cognition (UMR 8094, CNRS–ENS–Univ. Sorbonne Nouvelle)
• Pays germaniques : Pays germaniques. Archives Husserl – Transferts culturels (UMR 8547, CNRS–ENS)
• République des Savoirs : République des Savoirs. Lettres, Sciences, Philosophie (USR 3608, CNRS–ENS–Collège de France)
Enquête publiée par :
Marie-Laure Massot (CNRS, UMS 3610 CAPHÉS - ENS Paris)
Agnès Tricoche (CNRS / labex TransferS, pôle Humanités Numériques - ENS Paris)