Covid-19 | Contribution d’un normalien à la recherche de traitement

Erwan Sallard appuie le travail d’une équipe de l’hôpital Bichat sur l’Interféron et voit ses recherches publiées dans Antiviral Research

Son stage de fin de Master en virologie interrompu par le confinement, Erwan Sallard a rejoint bénévolement le laboratoire AIME (Infection, Antimicrobiens, Modélisation, Evolution) de l’hôpital Bichat. Sa mission ? Etudier un type de molécules antivirales, les Interferons-1 (IFN-1) dans la recherche d’un traitement contre le Covid-19. Des recherches qui font l’objet d’une publication dans Antiviral Research.
Covid-19 | Contribution d’un normalien à la recherche de traitement

Les interférons activent chez les cellules infectées et leurs voisines l'expression d'un ensemble de gènes qui inhibent différentes étapes de l'infection et la réplication du virus. Ils stimulent aussi les cellules immunitaires impliquées dans la lutte antivirale.

 

Une publication scientifique sur les Interférons inscrite dans le projet européen Discovery

Lorsque son stage au sein d’un laboratoire milanais pour étudier la thérapie génique de l’épilepsie est interrompu, Erwan Sallard se retrouve soudain avec du temps libre devant lui. Soucieux de se rendre utile, même en période de confinement, il décide de prendre contact avec plusieurs laboratoires de recherche travaillant sur le Covid-19 pour leur proposer bénévolement de les aider.

Le docteur Nathan Peiffer-Smadja, du laboratoire AIME de l’hôpital Bichat à Paris lui répond rapidement : « il comptait publier sur le potentiel des interférons de type I (IFN-I) contre le COVID-19, un travail bibliographique qui pouvait tout à fait être effectué à distance et confié à un étudiant, d'autant que je connaissais déjà un peu le sujet puisque j'avais écrit un article de vulgarisation sur les IFN pour le site-ressource Planet-Vie. »

Erwan, qui souhaite orienter sa carrière de chercheur vers la thérapie génique, a découvert les interférons et leur rôle antiviral en 2018. Sa curiosité et l’envie de se familiariser davantage avec ces molécules importantes du système immunitaire l’avaient d’ailleurs amené à proposer un article simplifié sur le sujet pour Planet-Vie. Son travail à Bichat sur l’interféron de type I a lui aussi donné lieu à un article. Une publication scientifique cette fois, dans la revue Antiviral Research qui s'inscrit pleinement dans le cadre du projet Discovery, le grand essai clinique européen auquel l'hôpital Bichat participe.

« L'un des traitements testé contre le Covid-19 sont les IFN-I, et il fallait un article expliquant les raisons de ce choix. Ma mission était d'étudier la littérature scientifique à la recherche d'informations à partir desquelles on peut inférer le potentiel des IFN-I contre le Covid-19. Pour cela, je me suis essentiellement concentré sur des résultats précoces concernant le SARS-CoV-2, notamment in vitro, mais aussi d'autres types de coronavirus plus anciens. Ensuite, j'ai rédigé l'article avec les conseils du docteur Nathan Peiffer-Smadja, puis les commentaires des autres co-auteurs. » explique Erwan Sallard.

 

IFN-I et Covid 19 : les enjeux d’une stratégie de repositionnement

Comme le jeune chercheur l’explique, une stratégie de repositionnement de molécule connue permet de trouver rapidement des traitements utilisables à grande échelle. « L'essentiel des étapes de découverte de la molécule, de mise en place du complexe pharmaceutique industriel permettant de la produire en grande quantité, et de recherche sur les effets secondaires et le mode d'administration optimale du traitement, a déjà été fait, et on peut donc arriver plus vite aux applications cliniques. » détaille-t-il.

Les interférons sont des molécules dont l’emploi thérapeutique a été largement testé sur l’humain. Elles sont déjà utilisées pour traiter d’autres pathologies, comme par exemple les hépatites B et C, car employées conjointement avec d'autres médicaments à action antivirale directe, elles induisent un état de résistance antivirale.

L’autre atout d’une stratégie de repositionnement est d’ordre industriel. « La molécule étant déjà utilisée contre plusieurs maladies, il y a déjà une capacité de production continue à grande échelle » explique ainsi Erwan Sallard.  Les scientifiques travaillent donc activement à une stratégie de repositionnement des IFN-I permettant d’adapter leur action antivirale au Covid-19.

 

Comment lire les résultat obtenus sur les Interferons de type 1 ?

Interrogé sur les premiers résultats de recherche autour des IFN-I, Erwan avance avec prudence et commence par rappeler que « bien que la chloroquine soit le traitement contre le Covid-19 le plus étudié, il n'y a actuellement pas de preuve de son efficacité, alors qu'une étude a récemment témoigné d'une très grande efficacité des IFN comme prophylaxie (2). »
Soucieux de la véracité comme de la reproductibilité des résultats scientifiques, il ajoute aussi que « cet essai clinique sur les IFN  n'est pas randomisé et se base sur les statistiques publiques chinoises, qui sont probablement falsifiées. Plus de résultats sont donc nécessaires avant d'envisager une utilisation généralisée des IFN. »

Il souligne aussi que pour l’instant, les recherches de traitement du Covid-19 par les interférons sont menées in vitro. De manière générale, la transposition de tests sur un organisme vivant est délicate, car certaines molécules qui sont en activité in vitro deviennent inefficaces in vivo pour de multiples raisons. Comme le précise Erwan Sallard, « un organisme vivant de grande taille est bien plus complexe qu'une cellule dans une boîte de Pétri. Dans le corps humain, il est plus difficile de s'assurer que la molécule thérapeutique parvienne à sa cible en quantités suffisantes et au bon moment. » De plus, celle-ci interfère avec les processus complexes et diversifiés de l'organisme, qui mettent souvent en jeu un grand nombre de cellules différentes dont les interactions doivent être finement régulées, ce qui génère des effets inattendus. Enfin, les cellules utilisées en culture sont différentes de celles que l'on retrouve dans le corps humain : elles sont loin de représenter la diversité de types cellulaires de l'organisme, et ont un phénotype plus proche de cellules cancéreuses (pour faciliter leur culture) que de cellules saines.

Rappelons que les interférons sont des cytokines, un type de protéine jouant le rôle de signal, permettant aux cellules d'agir à distance sur d'autres cellules pour en réguler l'activité et la fonction. Il a été observé que les orages cytokiniques sont l’une des nombreuses complications provoquées par le virus. Lors d'une infection, des molécules libérées par le système immunitaire détruisent l'intrus. Ce phénomène est provoqué par une trop forte réaction de défense et que les cytokines deviennent trop abondantes, elles créent alors des lésions. C'est pourquoi il est recommandé de réserver les IFN aux phases précoces de la maladie, lorsqu'une activation plus rapide du système immunitaire facilite l'élimination du virus avant qu'il ne cause trop de dommages.

« En ce qui concerne les interferons, leur efficacité contre des coronavirus chez l'animal s'est jusqu'à présent toujours avérée décevante par rapport aux résultats in vitro, mais il en sera peut-être différemment contre le SARS-CoV-2 puisque ses protéines Orf6 et Orf3b sont tronquées, donc probablement inactives ; or ces protéines, chez les autres coronavirus, permettent d'interrompre la voie de signalisation des IFN. Cela permet d'espérer que les interférons seront plus efficaces in vivo contre le SARS-CoV-2 que contre ses cousins. » conclue avec espoir le normalien.

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(1) L'apoptose (ou mort cellulaire programmée) est le processus par lequel des cellules déclenchent leur auto-destruction en réponse à un signal. L'apoptose est une composante normale du développement d'un organisme multicellulaire, qui aboutit à la mort de cellules particulières, à certains endroits, à un moment précis.
C’est par exemple ce phénomène qui tue les cellules entre les doigts au cours du développement embryonnaire, pour permettre de les dissocier.
Source : futura-sciences.com
(2) La prophylaxie désigne le processus actif ou passif ayant pour but de prévenir l'apparition, la propagation ou l'aggravation d'une maladie1, par opposition à la thérapie curative, qui vise à la guérir.
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Bibliographie
Type 1 interferons as a potential treatment against COVID-19, Erwan Sallard, François-Xavier Lescure, Yazdan Yazdanpanah, France Mentre, Nathan Peiffer-Smadja. Antiviral Research, Volume 178, Juin 2020, 104791.

 

A propos d’Erwan Sallard

Erwan Sallard a suivi un parcours de premier cycle en classe préparatoire BCPST (bio, chimie, physique, géologie) au lycée Henri-IV, où il s’est intéressé à la virologie, la microbiologie et la génétique.
Il intègre l’ENS-PSL en 2017 au sein du département de biologie.
En troisième année de licence, il effectue deux courts stages sur la génétique de la levure (dans le laboratoire Hyrien à l'IBENS) et sur la résistance aux anti-intégrases chez le VIH (à l'ENS Cachan). En 2019, pour son M1, il effectue un stage de 6 mois en Australie sur la construction de vecteurs adéno-associés en thérapie génique. Cette année, pour avoir des cours plus spécialisés, il suit le M2 IMVI de virologie à l’université Paris Didedot.
Il compte poursuivre en thèse, dans le domaine de la thérapie génique (peut-être sur les vecteurs oncolytiques) se projette dans une carrière de chercheur.

Entretien réalisé en collaboration avec Bastien Saïsse, étudiant du programme Médecine-Humanités.