Denis-Didier Rousseau

Directeur de recherche CNRS

Créé le
Paru dans le Normale Sup’Info en mars 2012

Entretien paru dans le Normale Sup’Info en mars 2012

Denis-Didier Rousseau a obtenu le label Équipex de l’appel d’offre Investissement d’avenir du ministère pour son projet CLIMCOR. Paléontologue de formation et intéressé par les interactions entre aérosols et climat, il rejoint en 2007 le Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS-ENS-UPMC-X) du département de Géosciences à l’ENS avant de devenir directeur du CERES en octobre 2010. Il a reçu la médaille d’argent du CNRS en 2007 et le prix von Humboldt – Gay-Lussac en 2004.

Portrait de Denis-Didier RousseauQuelle est votre formation ?

J’ai suivi des études de géologie à l’université >de Dijon en me spécialisant en paléontologie. Après une thèse sur l’évolution des gastéropodes terrestres je me suis orienté vers la paléoécologie puis la paléoclimatologie. Je suis parti travailler deux ans au Lamont-Doherty Earth Observatory à l’université de Columbia, un des meilleurs laboratoires au monde, où je me suis formé en paléoclimatologie, océanographie, géochimie et géophysique. J’y ai conservé depuis un poste de chercheur. En 1992, de retour en France, j’ai créé et pris la direction de l’équipe Paléoenvironnements à l’Institut des sciences de l’évolution de l’université Montpellier 2 et j’ai été directeur adjoint de l’IFR 119 Biodiversité méditerranéenne à sa création. En 2007, j’ai intégré le laboratoire de météorologie dynamique (LMD) de l’ENS pour ensuite prendre la direction du CERES en 2010.

Mon métier m’a toujours passionné, dès l’âge de 6 ans, je voulais être chercheur au CNRS en paléontologie et par conséquent, depuis mon recrutement au CNRS en 1985, ce n’est que du bonheur !

Quels sont vos domaines de recherche ?

Actuellement, je travaille sur les paléopoussières préservées dans des séquences sédimentaires terrestres qui nous permettent d’observer les changements climatiques rapides qu’elles ont enregistrés. Ce que l’on détecte ainsi dans l’océan Atlantique et au Groenland, je le recherche donc sur le continent. J’ai un programme ANR sur ce sujet qui concerne l’Europe (le nord de la France, la vallée du Rhin, la République tchèque, la Serbie, l’Ukraine), mais je travaille également en Chine et également dans les grandes plaines d’Amérique du nord. J’ai également installé des pièges à pollen au Groenland et en Antarctique pour étudier le transport du pollen sur de très longues distances et j’ai collaboré avec Jean-Louis Étienne à l’occasion de ses expéditions au Pôle Nord et à Clipperton, un atoll situé à 1000 km des côtes mexicaines.

Depuis 2007, je suis chargé de mission pour la paléoclimatologie et les publications scientifiques à l’Institut national des sciences >de l’univers, et depuis 2011, je suis également délégué scientifique en charge des affaires polaires pour le CNRS. Le ministère de l’enseignement et de la recherche, via le CNRS, a mandaté l’INSU pour la mise en place d’un observatoire interdisciplinaire de l’Arctique que nous venons de démarrer et dont j’ai la charge du suivi. J’ai aussi bien d’autres responsabilités internationales concernant les changements climatiques (membre élu du bureau du programme international PAGES – Past Global Changes program – d’IGBP, membre du comité exécutif du programme ICDP – International Continental Science Drilling program, président de la division Climate Past, Present & Future de l’European Geosciences Union – EGU, co-fondateur et co-éditeur en chef du journal open access et online Climate of the Past de l’EGU).

Avez-vous des contacts avec le monde de l’entreprise ?

Je suis en contact avec Total, Suez environnement, Itron, CGGVeritas, Technip pour bâtir, en tant que chef de projet, un programme académique et industriel en lien avec une université du Kazakhstan. D’autres établissements universitaires sont associés comme l’ENA et l’École des mines. Les ressources naturelles en énergie (pétrole, gaz, mine>rais), sont considérables dans ce pays. Le Kazakhstan doit devenir un des plus gros producteurs d’énergie et de ressources pour la France.

Quelle est votre action à l’ENS ?

J’ai pris la suite de Michael Ghil à la tête du CERES. Cette petite structure très dynamique et fort sympathique regroupe une dizaine de personnes qui partage la même conception de l’environnement, l’interdisciplinarité y est très présente. Géographes, théoriciens de la dynamique des fluides, physiciens, écologistes, mathématiciens, sédimentologues se côtoient régulièrement.

Dans le cadre de la Fondation Paris sciences et lettres, le CERES a proposé une thématique de recherche sur les rétroactions dans les systèmes environnementaux en prenant trois axes principaux : climat et société, société et écosystème, écosystème et climat.

Quand l’ENS a décidé de candidater au programme Idex, le comité de pilotage de PSLm’a demandé d’animer la réponse sur la partie environnementale en intégrant tous les champs disciplinaires, ce que j’ai fait d’une manière originale sur la base de la proposition qui avait été acceptée lors de la création de la fondation PSL afin de ne pas reproduire l’existant trop classique et répondre à l’exigence d’excellence et d’originalité du programme « Initiatives d’excellence ». J’ai donc travaillé avec des collègues du Collège de France, de l’Observatoire, des deux écoles de chimie, et de Paris Dauphine. Ceci a abouti à la création d’un institut de l’environnement qui ouvre en 2012 avec le soutien de la mission pour l’interdisciplinarité du CNRS. J’en profite pour remercier la codirectrice de ce projet, Anne Varenne, de Chimie Paris Tech, ainsi que tous les autres collaborateurs des groupes de travail pour leur contribution. J’espère aussi impliquer les écoles d’art et l’institut Curie, j’ai quelques idées sur la question... Début juin, j’organise avec mon collègue David Claessen une école thématique du CNRS d’une semaine à la Rochelle sur les rétroactions « Climat et ecosystèmes » dédiée à Michael Ghil dans la suite de ce projet d’Institut de l’environnement PSL.

Vous venez d’obtenir le label Équipex pour le projet CLIMCOR, en quoi consiste-t-il ?

Je suis porteur de ce projet au sein de l’INSU où j’ai créé une structure regroupant tous les moyens en carottage léger existant à l’échelle nationale ; cela concerne à la fois le carottage dans la glace, principalement au Groenland et en Antarctique, le carottage marin qui s’obtient à l’aide d’un navire, le Marion Dufresne, et le carottage en milieu lacustre. Nous avons en France les meilleurs spécialistes du carottage au monde qui développent des outils performants et extrêmement ingénieux. Ce projet vise à réaliser des développements technologiques sur ces différents appareils afin d’obtenir des moyens d’investigation d’archives de très haute qualité. Ce projet soutenu par le CNRS >a reçu le soutien du CEA, de l’IRD, de l’Ifremer, de BRGM et de deux programmes internationaux et regroupe trois communautés scientifiques différentes. Une école thématique du CNRS est d’ores et déjà adossée à ce >projet et des collaborations avec des institutions européennes en cours de finalisation.

2012 sera l’Année internationale de l’énergie durable pour tous, qu’est-ce que cela vous inspire ?

L’énergie durable est une préoccupation sociétale qui nous concerne et va de plus en plus concerner les générations futures. C’est un des sujets que nous traitons dans les ateliers que le CERES propose aux élèves et étudiants de l’ENS dans le cadre de la mineure Environnement. Mais tout comme pour l’évolution du climat, l’érosion de la biodiversité, nous avons un devoir, nous scientifiques de communication sur ce sujet sensible. Pour répondre à cette attente, nous avons mis en place au CERES, un cycle de conférences destiné non seulement à la communauté ENS mais à toute personne intéressée par la problématique que nous abordons. Cette année c’était « Biodiversité : des questions scientifiques aux enjeux sociétaux » qui a accueilli, entre autres, Pierre-Henri Gouyon du Muséum, un anti-OGM averti très engagé, Sir Gordon Conway, Imperial College London, qui travaille avec la Fondation Bill et Melinda Gates sur le développement en Afrique, Régis Ferrière, le local de l’étape, Gilles Bœuf président du Muséum et Vincent Graffin, spécialiste des questions d’aménagement du territoire. La particularité de ce cycle est qu’il se termine toujours par une table ronde qui offre la possibilité d’accroître les échanges entre spécialistes et auditoire et est toujours un grand succès.

Quand vous ne travaillez pas, quelle est votre occupation préférée ?

J’ai été il y a quelques années le président de la fédération du baseball et du softball français.

Sinon j’aime la lecture, écouter de la musique et m’occuper de mes filles et de mon épouse qui est clown bénévole dans les hôpitaux.