Des promesses de lecture - Une sélection de livres à glisser sous le sapin

Les ouvrages choisis par Iegor Groudiev, directeur des Bibliothèques de l'ENS-PSL

Créé le
16 décembre 2022
Pour Noël, des membres de la communauté normalienne proposent, tout au long du mois de décembre, des sélections de livres à offrir ou à s’offrir. Iegor Groudiev, directeur des Bibliothèques de l'ENS-PSL, nous conseille trois livres qui « ouvrent non seulement une fenêtre sur le monde mais une fenêtre sur une multitude d’autres ... » .
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Des promesses de lecture

Par Iegor Groudiev, directeur des Bibliothèques de l'ENS-PSL

Les bibliothécaires ont la réputation d’aimer les livres, réputation qu’ils partagent avec les rats de bibliothèques, les chercheurs et autres érudits. Certains bibliothécaires aiment les livres « au carré », les livres qui parlent de livres et ouvrent non seulement une fenêtre sur le monde mais une fenêtre sur une multitude d’autres, promesses de lecture au sein même d’une lecture prometteuse. 

 

♦ L'infini dans un roseau : l'invention des livres dans l'Antiquité
Irene Vallejo, traduction de l’espagnol par Anne Plantagenet (Belles Lettres, 2021)  « B 556 HE 8° »

Si, à chaque réveillon, la conversation languit tout à coup à la simple évocation de votre métier, qui vous enferme des journées entières dans les bibliothèques ; si votre petit cousin vous interroge une nouvelle fois d’un air dubitatif sur votre amour des sciences de l’Antiquité entre deux coups d’œil compulsifs à son téléphone portable, ce livre est le cadeau définitif pour faire partager votre passion des livres à vos proches. Irene Vallejo réussit à faire ressentir au lecteur du XXIème siècle le rapport vif et quotidien du lecteur et de la lectrice de l’Antiquité à l’objet livre : sa production, son commerce, sa fragilité et sa puissance. Des rêves de gloire d’Alexandre aux scrupules d’Amr Ibn al-ʿAs, elle raconte une histoire passionnante qui est aussi son histoire personnelle. Chaque chapitre est un véritable page-turner où l’on apprend quand et comment on a commencé à tourner les pages. Vous ferez découvrir que Jules César n’a pas brûlé la bibliothèque d’Alexandrie, que les Romains rangeaient leurs livres dans la salle de bain et que pour trouver des idées de cadeaux et de cartes de vœux il faut lire les Apophoreta de Martial.

♦ Héros et nageurs
Charles Sprawson, traduction de l’anglais par Guillaume Villeneuve (Nevicata, 2019) en cours d’acquisition.

Ce titre trouverait aisément sa place dans une liste de lectures estivales, tant il évoque et invoque les eaux et la fascination que celles-ci ont toujours exercée sur les écrivains. Unique livre d’un collectionneur et galeriste anglais écrit dans un style aussi souple et délié qu’un crawl sur une mer d’huile ; il parvient à traverser à la nage l’Antiquité classique, le romantisme anglais et allemand, le modernisme américain et la littérature japonaise contemporaine. Saviez-vous que Lord Byron était un champion de la brasse, qu’il avait traversé par ce moyen plusieurs fois le détroit du Bosphore et rejoint de la même manière son palazzo vénitien depuis le Lido ; que le trepidarium des thermes de Caracalla avait inspiré la Penn station de New York ; connaissez-vous la véritable histoire de la mort de Shelley dans un naufrage au large de la Toscane ? Pour déposer sous le sapin un rêve de baignades et relire avec un regard neuf Tennessee Williams, Fitzgerald, Goethe et Cheever.

♦ Lectures, chroniques du New Yorker
Georges Steiner, traduction de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat (Gallimard, 2010) « L H cr 1083 Q 8° »

Il est des lecteurs dont le regard pénétrant et la langue limpide vous transportent. Georges Steiner est de ceux-là, qu’on ne présente plus. Ce grand érudit et immense critique n’est jamais aussi plaisant à suivre que lorsqu’il s’adresse au public non académique du New Yorker, auquel il fait découvrir des titres aussi éclectiques que le Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes de Robert Pirsig ou le Mesoroposthonippidon de Guy Davenport. Entre une étude magistrale de la personnalité d’Anthony Blunt, critique d’art raffiné et espion pour les Soviétiques et une évocation des pages poignantes d’Une voix dans le chœur d’André Siniavski sur la mystique russe et l’expérience du Goulag, c’est un livre qui vous donne immédiatement envie d’en ouvrir des dizaines d’autres.