« Faire vivre le droit à l’École »
Séminaire d’élèves « Regards sur la justice »
Deux étudiants en droit, Esteban Renaud et Louis Turcat, ont lancé au semestre dernier un séminaire sur le thème « Regards sur la justice » ouvert à tous, juristes ou néophytes. À la croisée du droit, de la sociologie, de l’histoire et des sciences politiques, ce séminaire est l’occasion de faire dialoguer praticiens du droit et chercheurs autour d’un thème : les spécificités et enjeux du système juridictionnel français, notamment du point de vue de sa dualité juridictionnelle. Rencontre avec ses deux organisateurs, qui veulent « faire vivre le droit à l’École ».
À l’origine du séminaire, deux étudiants du département de droit. Esteban Renaud, issu d’un parcours « classique », hypokhâgne et khâgne, a choisi cette filière « d’abord par utilitarisme ». À son entrée rue d’Ulm, face à « l’embarras du choix » des matières, le droit s’est en effet imposé comme étant la meilleure passerelle pour préparer les concours administratifs. Mais après avoir réellement découvert ce domaine, c’est désormais à la recherche en droit qu’Esteban se destine. Quant à lui, Louis a intégré l’ENS grâce au concours étudiant, c’est-à-dire après une licence à l’université. À la sortie de l’École, il se dirigera vers la « pratique du droit », en tant qu’avocat ou magistrat.
La genèse du projet
L’idée du séminaire vient d’abord à Esteban, qui souhaitait aborder la question de la dualité juridictionnelle « depuis longtemps », sans toutefois rentrer dans des sujets trop « techniques ». Une fois son année de césure à l’université de Chicago achevée, l’idée lui reste en tête. Il en discute avec Louis, qui partage son « tropisme pour le droit américain », ayant également effectué une année aux États-Unis, mais à Yale cette fois.
Le séminaire commence alors à prendre forme : il s’agira d’examiner les spécificités et les enjeux du système juridictionnel français. L’un de ses objectifs : étudier « la figure parfois désincarnée du juge, de lui donner de la matière », tout en introduisant des éléments de comparaison internationale (notamment américaine), et en analysant les différences entre magistrats administratifs et judiciaires. Ce sujet a notamment fait l'objet de la deuxième séance du séminaire. Esteban et Louis montrent ainsi que, si les premiers sont inférieurs numériquement, ne portent pas la robe et opèrent dans des lieux moins symboliques que les palais de justice, les deux corps sont toutefois confrontés à des problématiques similaires.
Pour les deux organisateurs, il est d'autant plus important de parler de justice aujourd'hui, du fait de la « remise en cause de celle-ci au nom d'un supposé "gouvernement de juges", qui se manifeste de plus en plus fréquemment ».
Le séminaire en pratique
Le séminaire donne rendez-vous aux intéressés deux fois par mois, l’occasion d’écouter praticiens du droit et chercheurs débattre d’un sujet et de pouvoir poser des questions. L’idée d’avoir deux intervenants s’est tout de suite imposée aux deux organisateurs : dans un cadre plus informel, le but était de « faire émerger une contradiction et un échange entre les deux invités ». L'échange dure environ une heure, et laisse place en deuxième partie aux questions du public. Ce système a fait ses preuves : c’est une vingtaine de personnes qui répond présente tous les quinze jours.
Au programme du second semestre, plusieurs séances sur des sujets prégnants à l’heure actuelle, comme la justice transitionnelle ou bien la légitimité du juge, qui permettront notamment aux auditeurs d'entendre Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France, et Maxime Doliveux, magistrat à la Cour de cassation.