Françoise Combes
Promotion 1971 - Sciences
Collection « Trajectoires normaliennes ». Rencontre avec Françoise Combes, normalienne et astrophysicienne, qui a commencé sa carrière en 1975 comme enseignante-chercheuse et maîtresse de conférences à l'ENS.
« Intégrer Normale Sup, c'est la voie royale pour faire de la recherche. »
Pour vous, l'École normale supérieure était-elle la suite logique après la classe préparatoire, ou aviez-vous envisagé d'autres possibilités d'orientation ?
Françoise Combes : Oui, l'École normale était la suite logique, si j'avais la chance d'intégrer (et ce fut le cas!), sinon j'aurais pu choisir Centrale, ou une autre grande école. Je voulais faire de la recherche en science physique.
Vous êtes astrophysicienne, avez-vous toujours su que c'était la carrière vers laquelle vous vous destiniez ?
Françoise Combes : Le domaine de l'astrophysique, je ne l'ai choisi que lors de la dernière année à l'École. Contrairement à certains de mes collègues astronomes, qui avaient déjà un télescope dans leur jardin, je n'étais pas portée vers l'observation. Lorsqu'il s'est agi de choisir un sujet pour faire une thèse de troisième cycle, j'ai visité quelques laboratoires, et surtout assisté à des séminaires et à des conférences. J'ai alors appris qu'il était possible de travailler de façon théorique sur le début de l'Univers, les premières minutes après le Big-Bang. Un petit groupe de chercheurs, dont Evry Schatzman à l'Observatoire de Paris, étudiaient la possibilité d'un univers symétrique de matière-antimatière. Ma contribution a été de calculer le résultat de la nucléosynthèse primordiale dans un tel Univers, et de montrer que cela ne marchait pas, ne donnait pas les abondances d'hélium et deutérium observées. Ce premier contact avec la recherche m'a passionnée.
Lors de vos années à l'ENS, y a-t-il un professeur, un séminaire ou un cours qui vous aurait marquée ?
Françoise Combes : Bien sûr, il y a plusieurs professeurs qui m'ont marquée, comme Jean Brossel, ou Claude Cohen-Tannoudji, mais en astrophysique, je retiens les séminaires de James Lequeux, Pierre Léna, et Charles Ryter. Chacun était venu nous présenter un domaine de longueur d'ondes, radio-astronomie, infrarouge, et rayons X, respectivement. Cela donnait un aperçu de l'extrême diversité de cette discipline.
Quel souvenir gardez-vous de la vie étudiante à l'ENS ?
Françoise Combes : Nous avions une grande liberté. Nous pouvions aller suivre les cours à l'Université Paris 6, ou pas, selon notre volonté, et tout de même passer une licence en un an au lieu de deux. Il y avait beaucoup de discussions entre nous, et aussi à la résidence du Boulevard Jourdan, où Madame Lucasson venait nous faire quelques travaux dirigés.
Que retenez-vous de vos années à l’École ?
Françoise Combes : Mes années à l'ENS ont été heureuses, la découverte ou l'approfondissement de secteurs entiers de la physique, avec de formidables professeurs, l'apprentissage de la recherche en astrophysique, et enfin l'agrégation, qui nous faisait revenir au bachotage des années de préparation.
D'après vous, qu'est-ce qui fait la spécificité de cette école ?
Françoise Combes : Dans chaque promotion, il y a un nombre restreint d'étudiants, qui sont tous excellents. On se sent privilégiés d'avoir des cours de professeurs prestigieux pour un petit nombre d'élèves. Il est facile d'avoir des discussions en petit nombre. En parallèle, nous avons une grande liberté dans nos choix.
Que diriez-vous pour encourager plus de jeunes femmes à se lancer dans des études scientifiques ?
Françoise Combes : Encore aujourd'hui, les stéréotypes sont tels que les jeunes filles croient que les études scientifiques ne sont pas faites pour elles. Pourtant c'est faux, elles sont tout autant capables que leurs collègues masculins. Si c'est la science qui leur plaît, alors ne pas se laisser entraîner par ces clichés, et persévérer dans la voie qui les passionne, sans se laisser influencer.
Pourquoi inciteriez-vous la jeune génération à intégrer Normale sup ?
Françoise Combes : Intégrer Normale Sup, c'est la voie royale pour faire de la recherche. À l'abri des soucis matériels pendant quatre ans, on peut y côtoyer non seulement des professeurs formidables, mais aussi se faire des amis qui seront des chercheurs connus internationalement plus tard. La formation y est très sérieuse et approfondie, surtout dans les domaines de la recherche fondamentale, beaucoup plus que dans n'importe quelle grande école.
Biographie
Née à Montpellier en 1952, Françoise Combes est astrophysicienne. Après deux années de classe préparatoire, elle est reçue à l’École normale supérieure en 1971 où elle intègre le département de physique. À la sortie de Normale sup, elle soutient une thèse de doctorat de troisième cycle sur les modèles d’univers symétriques de matière/antimatière à l’Université Paris-Diderot. Elle passe ensuite l’agrégation en 1975, puis obtient un doctorat d’État en astrophysique grâce à une thèse sur la dynamique et la structure des galaxies.
Françoise Combes débute sa carrière professionnelle en tant qu’enseignant-chercheur et maîtresse de conférences à l’ENS en 1975. Elle poursuit en devenant en 1983 chargée de cours à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris 6). En 1985, elle accède au poste de sous-directrice du laboratoire de physique de l’ENS. En 1989, elle rentre à l’Observatoire de Paris en tant qu’astronome, avant d’être nommée au Collège de France en 2014. C’est la première fois qu’une femme obtient une chaire d’astrophysique dans cette institution. Elle y donne sa leçon inaugurale le 18 décembre 2014 sur la matière noire. Elle a été présidente de la Société française d’astronomie et d’astrophysique (2002-2004) et a dirigé le Programme national galaxies du CNRS (2001-2008). Elle est éditrice de la revue européenne Astronomy & Astrophysics, depuis 2003.
Elle a reçu de nombreux prix au cours de sa carrière : elle devient la première femme astronome à être élue à l’Académie des sciences en 2004. Elle est faite chevalier de l’ordre national de la Légion d’honneur en 2006 puis promue au rang d’officier par un décret de 2015. Elle reçoit la médaille d’or du CNRS en 2020, pour ses travaux sur l’évolution des structures essentielles de l’Univers. En 2021, elle est lauréate du Prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science.