« Il faut aller chercher les femmes, leur dire qu’elles ont le droit de faire des sciences »
« Toutes en SciENS », une association d’étudiantes
« Toutes en SciENS » œuvre pour une meilleure représentation des femmes dans les carrières scientifiques, que ce soit au sein même de l’ENS, ou bien auprès de lycéens et lycéennes. Rencontre avec trois de ses membres : Hannah Burgaud, Azeline Effertz et Mélanie Labiausse.
« Toutes en SciENS », pour plus de visibilité des femmes scientifiques
L’association (1) « Toutes en SciENS » a d’abord été créée en 2021 sous le nom « PhysicienNES », à l’initiative de plusieurs étudiantes et étudiants du département de physique de l’ENS. Son but était, et est toujours, d’œuvrer pour une meilleure représentation des femmes dans les domaines scientifiques. Le manque de représentation des femmes dans ces derniers n’étant pas inhérent à la physique, le choix a été fait d’ouvrir les portes aux départements d’informatique, de biologie, de chimie, de physique, de mathématiques et de géosciences de l’ENS. En unissant leurs voix, ses membres espèrent ainsi avoir « un plus grand impact ». Est ainsi née « Toutes en SciENS », qui reflète cette volonté d’inclusion.
Les hommes représentent 1/3 des membres de l’association. Ses participantes et participants font le vœu que ces derniers soient « plus nombreux » car le projet que toutes et tous défendent « concerne autant les hommes que les femmes ». Il y a aujourd’hui une dizaine d’actifs et d’actives qui se mobilisent régulièrement.
Des actions concrètes
« Toutes en SciENS » met plusieurs types de projets en place. Ses membres entament tout d’abord un processus de changement vers plus de représentation des femmes au sein même de l’institution. Elles ont notamment évoqué le sujet avec la direction du département de physique. Il est en effet « difficile [pour elles] de s’imaginer un avenir en physique en tant que femmes si on n’en voit aucune ». Ces actions sont menées en concertation avec la cellule de parité du Laboratoire de Physique de l’ENS (LPENS), qui leur fournit des statistiques.
Ses représentantes et représentants interviennent également dans des lycées afin de « sensibiliser les lycéennes et lycéens aux stéréotypes de genre et aux barrières qui peuvent se construire à cause de ceux-ci ». D’abord centrés sur des jeux, ces échanges permettent de déconstruire ces stéréotypes qui sont parfois « plus ou moins conscientisés », mais aussi de présenter le travail de chercheuses. En effet, à l’exception de Marie Curie et de quelques rares élues, les femmes scientifiques restent pratiquement absentes des manuels scolaires. Un objectif en ligne de mire : montrer qu’il est possible, et souhaitable, d’être une femme en sciences.
L’ENS œuvre pour une meilleure représentation des étudiantes dans les filières scientifiques
Pour une meilleure inclusion des femmes en sciences, des progrès sont entrepris au sein même de l’ENS. À commencer par la création de bourses d’excellence destinées aux futures étudiantes en mathématiques, physique et informatique. Grâce à celles-ci, une parité parfaite a été atteinte entre admises et admis au concours étudiant de physique. Les représentantes de « Toutes en SciENS » considèrent que « cela va dans le bon sens » mais qu’il reste encore beaucoup à faire. « On ne peut pas se permettre de ne pas faire de discrimination positive si on veut du changement, car la société a une inertie qui va vers une disparité de genre ». Au-delà des avancées concrètes, elles soulignent que leur association permet une sensibilisation à cette cause grâce aux discussions nées au sein des départements scientifiques.
« Dire » aux femmes qu’elles ont le droit de faire des sciences
Pour une meilleure représentation des femmes dans les domaines scientifiques, les représentantes de « Toutes en SciENS » en appellent à un travail sur la dénomination même des matières scientifiques. Elles donnent ainsi l’exemple du nouveau baccalauréat, qu’elles perçoivent comme étant une « catastrophe en termes de parité ». Ce dernier est fondé sur un tronc commun littéraire puis sur des options, parmi lesquelles figurent les sciences. Les mathématiques, devenues un enseignement optionnel, sont scindées en deux catégories : les mathématiques expertes et les mathématiques générales. Force est de constater qu’à niveau égal voire supérieur, les jeunes filles se sentent moins légitimes pour sélectionner l’option qui offre un enseignement considéré comme étant plus difficile.
Azeline, Hannah et Mélanie préconisent également la mise en place de tutorats spécialisés pour les étudiantes, grâce à des professeures et professeurs attitrés à qui elles pourraient parler. Enfin, elles rappellent l’importance de s’adresser aux femmes, dans les offres de stage ou d’emploi. Ces domaines étant par essence peu féminisés, « il faut aller chercher les femmes, leur dire "vous êtes une femme, leur dire qu’elles ont le droit de faire des maths, [de la physique, de la biologie etc]" ».
(1) Il ne s’agit pas d’une association au sens strict de celui de la loi de 1901.