Isadora Nebot, une normalienne à Istanbul
L’ENS hors les murs
Collection « L’ENS hors les murs ». Isadora Nebot est étudiante en master de Philosophie de la connaissance, histoire et philosophie des sciences à l’ENS-PSL. En 2023, elle est partie en Erasmus à Istanbul. Très heureuse d’évoquer son expérience, elle nous la raconte dans cet article.
Poser ses valises à Istanbul
D’aussi loin qu’Isadora s’en souvienne, elle savait qu’elle « partirai[t] à l’étranger » au cours de sa scolarité. À la clé pour elle ? La découverte d’un « autre système académique, d’une autre manière d’enseigner mais aussi d’une ville, d’un nouveau pays et de sa culture autrement que par le voyage ». C’est après son master de philosophie à l’ENS qu’elle concrétise ce rêve, ce qu’elle attendait « avec impatience ».
Elle pose ses valises à Istanbul. Un temps tentée par la « Ville éternelle », elle lui préfère la ville turque, « destination la plus différente de ce qu’[elle] connaissai[t] ». Pour l’aider à faire un choix, elle a entendu plusieurs retours de voyageurs, revenus « fascinés » de cette ville. C’est aussi une manière pour elle d’en découvrir un peu plus sur ses origines turques : elle s’est par exemple rendue dans la rue stambouliote dans laquelle son arrière-grand-mère était née. Isadora ouvre la voie : elle est la première étudiante de l’ENS à se rendre en Turquie pour un Erasmus.
Étudier à Boğaziçi University
Isadora s’est inscrite à la prestigieuse Boğaziçi University d’Istanbul. Construit sur le modèle américain, le campus se révèle « si grand que des navettes font régulièrement des allers-retours pour transporter les étudiants de l’entrée principale à l’immense étendue d’herbe au centre du campus ». Au cours de son semestre, elle a pu profiter de ses nombreuses infrastructures : piscines, salles de spectacle, un gymnase et une salle de danse se côtoient près du Bosphore. Elle garde le souvenir d’un « campus peuplé de chats qui s’assoient et tiennent compagnie [aux étudiants] pendant les cours ».
Sur place, elle s’est beaucoup impliquée dans l’association de danse Büdans, à raison de trois entraînements par semaine. Elle souligne que « la danse en particulier [lui] a permis de nouer des amitiés avec des étudiants turcs car [elle] étai[t] la seule étrangère, si bien que la professeure de danse devait basculer en anglais dès son arrivée ». Elle a également appris le tir à l’arc et la céramique, qu’elle continue à pratiquer aujourd’hui en France. L’association Erasmus Student Network (ESN), qui intègre les étudiants Erasmus en organisant des activités ainsi que des voyages, lui a permis d’aller visiter le palais de Dolmabahçe ainsi que la région de la Cappadoce.
Sur le plan académique, cette université offre tout comme l’ENS un « éventail de cours pluridisciplinaires » : Isadora y a étudié la philosophie, l’économie, le chinois et le turc. Cette ouverture lui a donné « une liberté intellectuelle assez unique ». L'université du Bosphore (Boğaziçi University) a la particularité de dispenser tous ses cours (à l'exception de quelques activités manuelles comme la céramique) en anglais. Ainsi, certains étudiants, admis après les examens nationaux qui ont lieu à la fin du lycée en Turquie doivent effectuer une année de préparation dans cette langue pour être à niveau avant d'intégrer l'université. Isadora « pouvai[t] ainsi compter sur l'aide de [s]es camarades de classe turcs pour traduire les mots techniques durant le cours de céramique. »
Elle retient de ce séjour des relations « différentes et beaucoup plus intimes avec les professeurs qu’en France ». Son professeur de philosophie a ainsi invité toute sa classe le soir du dernier cours dans un « magnifique restaurant surplombant de Bosphore ». De même, sa professeure de chinois l’a invitée le dernier jour au restaurant des professeurs de l’université, et lui a offert plusieurs cadeaux dont un dictionnaire turc-chinois. Elle est aujourd’hui toujours en contact avec elle.
Devenir stambouliote le temps d’un semestre
Isadora ajoute n’avoir « jamais été aussi heureuse et épanouie que lors de [s]on Erasmus à Istanbul ». Sur place, elle a découvert une ville « riche et splendide », qu’elle a arpentée au travers de ses musées, de ses galeries d’art mais aussi de ses palais et mosquées. Au cours de son expérience, elle a également eu l’occasion de voyager : que ce soit à Fethyie, à Ephèse, à Pammukale mais aussi dans la Cappadoce. Pour ce faire, elle a pris aussi bien l’avion, le train que les dolmuş – des bus qui partent lorsqu’ils sont remplis et qui s’arrêtent où les voyageurs le souhaitent.
Plus encore, c’est une « ville de rencontres » qu’elle raconte. Elle relate ce jour où elle a croisé une professeure de français de l’université d’Istanbul dans la rue. Grâce à cet échange, Isadora a pu donner une conférence de philosophie à ses étudiants turcs francophiles.
Mais aussi une ville dont la gastronomie l’a conquise : elle n’a « jamais aussi bien mangé qu’à Istanbul ». Elle y a découvert les « gözleme, les mezzés et les mantı ». Anecdote : « l’accueil turc oblige, il était souvent coutume de se battre pour payer l’addition au restaurant ».
Enfin, Isadora a appris à parler le turc : il s’agit d’une langue « très différentes de nos langues indo-européennes », « très logique et phonétique ». Une fois que l’on a « appris à prononcer toutes les lettres, on peut prononcer tous les mots ». Après quelques mois sur place, commander au restaurant et se débrouiller dans la vie quotidienne devient aisé pour elle. Istanbul étant aussi une ville très francophile, il lui est souvent arrivé de pouvoir parler la langue de Molière avec des commerçants ou des professeurs.
Après son Erasmus, intégrer une dimension internationale à sa vie professionnelle
De ce semestre passé en Turquie, Isadora gardera des amitiés « pour la vie ». Elle souligne que les étudiants turcs l’ont accueillie comme « leur invitée ». « You are our guest » ont-ils coutume de dire. Cela lui a permis de se sentir « comme à la maison, loin de la maison ». C’est aussi une relation « de tendresse et d’affection » avec Istanbul qu’elle a liée. Elle y retourne régulièrement, et se dit « sensible face aux événements qui touchent la région ».
D’un point de vue professionnel et universitaire, ce séjour universitaire avait été déterminé par ses choix d’orientation et les a « confirmés ». Est aussi née la « volonté d’intégrer une dimension internationale à [s]a vie professionnelle », ce qu’elle s’imagine concrétiser en « tentant par exemple de cultiver la francophilie à travers le monde ».