Jean Ponce

Directeur du département d’informatique de l’ENS

Créé le
Paru dans le Normal Sup ’Info en Septembre 2011

Entretien paru dans le Normal Sup ’Info en Septembre 2011

Depuis septembre 2011, Jean Ponce est le nouveau directeur du département d’informatique de l’ENS, il succède à Jean Vuillemin. Enseignant-chercheur, il dirige l’équipe Willow qui a pour ambition d’émuler chez l’ordinateur les capacités visuelles de l’être humain. Le département comprend 36 permanents, 8 équipes de recherche et est structuré par le Laboratoire d’informatique de l’ENS (LIENS), une unité mixte de recherche CNRS/ENS/Inria.

Portrait de Jean Ponce

Quelle est votre formation ?

J’ai suivi des études de mathématiques à l’ENSET, l’actuelle ENS Cachan. à l’époque, il n’existait pas de maîtrise d’informatique, j’ai découvert cette discipline grâce à un cours organisé à Sèvres par les chercheurs en informatique les plus réputés de France. Jean Vuillemin en faisait partie. Ensuite j’ai fait un DEA à Orsay où j’ai pu découvrir la vision artificielle. J’ai réalisé une thèse en 1983 avec Olivier Faugeras à l’INRIA, puis je suis parti aux États-Unis faire mon service militaire et mon post-doc au MIT.

Quel est votre domaine de recherche ?

J’ai choisi la vision artificielle comme domaine de recherche en partie parce que quand j’étais gamin je lisais beaucoup de science-fiction et je rêvais de robots. Ce domaine a réellement démarré avec la thèse de Roberts au MIT dans les années 60, et connaît un développement important depuis les années 80, notamment en France avec des recherches reconnues au meilleur niveau international. Les premières applications ont été la robotique, l’automation et le militaire. Sont venus ensuite l’imagerie médicale, les effets spéciaux pour le cinéma et les jeux vidéo, et des applications grand public comme la détection de visage pour les appareils photo numériques ou la recherche d’images à partir d’exemples. Actuellement mon équipe collabore par le truchement du laboratoire commun Microsoft Research – Inria avec l’Ina, dans le but d’indexer de manière intelligente leurs archives audiovisuelles. De manière plus générale, nous nous intéressons aux aspects tridimensionnels de la vision artificielle, à la reconnaissance visuelle, à l’interprétation automatisée des flux vidéo, et à un traitement de l’image « intelligent » à partir de méthodes venues de la vision artificielle, de l’apprentissage statistique et du traitement de signal.

Vous avez passé 20 ans aux États-Unis pour vos recherches, pourquoi avoir rejoint la France ?

Un poste se libérait à l’ENS, le seul endroit en France qui m’attirait réellement, et j’ai décidé de tenter l’aventure. Je ne le regrette pas : aux États-Unis, en informatique en tous cas, un professeur travaille seul, ou plutôt entouré d’un petit groupe de doctorants. Ici, je suis entouré de 25 personnes dont plusieurs chercheurs permanents, et j’apprécie beaucoup ce travail en équipe. à l’ENS, on a aussi accès aux meilleurs étudiants français dont beaucoup bénéficient d’une bourse, et c’est un peu moins la course aux contrats. Ceci dit, j’ai eu la chance de travailler dans de grandes universités américaines (le MIT, Stanford, et l’Université d’Illinois à Urbana-Champaign), et les deux systèmes, bien qu’assez différents, offrent chacun des avantages.

Quelles ont été jusqu’à maintenant vos plus grandes satisfactions  ?

Avoir de très bons étudiants et les aider à s’épanouir. Aux États-Unis, j’ai eu des étudiants très brillants, l’un d’entre eux, qui est responsable de la R&D chez Lucasfilm, a reçu trois Oscars, une autre enseigne à l’université de Caroline du Nord, et un troisième, qui travaille maintenant chez Google, a développé un logiciel utilisé dans le monde entier qui permet de reconstruire un environnement en trois dimensions à partir de photos numériques. Mon premier étudiant français à finir sa thèse à l’ENS est tout aussi fort, et il est en post-doc à Berkeley.

Pouvez-vous nous présenter les points forts de votre département ?

Notre département compte 36 permanents, c’est une UMR commune à l’ENS, le CNRS et l’Inria. Son niveau scientifique est absolument remarquable. Nous avons obtenu trois bourses européennes European Research Concile (ERC) pour les chercheurs seniors et trois autres pour les juniors. Des chercheurs du département ont reçu la médaille d’or et la médaille d’argent du CNRS.

Quels sont les grands projets du département ?

Nous souhaiterions augmenter nos promotions et passer de huit à vingt élèves par an. L’idex PSL* devrait nous y aider. Sur le campus Jourdan, le projet d’un nouveau bâtiment commun à l’Inria et à l’ENS devrait accueillir le LIENS et des équipes extérieures de l’Inria avec l’idée de créer un Institut des hautes études en informatique et mathématiques. Ce projet est soutenu par l’idex et le labex Sciences Mathématiques de Paris dont fait partie le LIENS. Autre actualité du département, en 2012, nous devrions accueillir Claire Mathieu qui était jusque-là professeur à Brown University. Concernant mes recherches, j’ai reçu une bourse ERC qui va me permettre de développer un projet ambitieux qui s’appelle Video World. L’idée est de passer de l’analyse du contenu de la photographie numérique à celui des vidéos, omniprésentes aujourd’hui.

Avez-vous mis en place des collaborations scientifiques avec des entreprises ?

Dans le département, il y a des recherches fondamentales et d’autres qui se font en collaboration avec des industriels. Dans mon équipe on fait plus de la recherche fondamentale, mais on travaille de temps en temps avec des industriels et des PME. J’ai moi-même un brevet dans le domaine de la robotique et attends l’attribution d’un second aux États-Unis sur la reconstruction tridimensionnelle. Dans le passé, j’ai travaillé avec Toyota et France Télécom par exemple. Un des succès industriels du LIENS est le logiciel Astrée développé par l’équipe de Patrick Cousot et utilisé par Airbus pour vérifier une partie de son code embarqué.

Quels liens avez-vous avec les autres départements de l’École ?

Nous travaillons depuis trois ans avec Hélène Dessales du laboratoire d’archéologie de l’ENS sur l’exploitation de l’iconographie de Pompéi. Nous participons avec ce laboratoire au projet d’équipex GeoPast. Avec le département de mathématiques, nous avons mis en place l’an dernier une double licence commune et nous avons monté un cours commun sur l’apprentissage statistique.

Quand vous ne travaillez pas quelle est votre occupation préférée ?

Me promener dans Paris, aller au cinéma, lire. J’habite à côté du jardin des plantes, j’y passe beaucoup de temps.