« La formation reçue à l’École normale supérieure ne peut que faciliter l’insertion de ses diplômés »

Entretien avec Charles Baud, Directeur des Carrières à l’ENS-PSL

Créé le
21 novembre 2024

Récemment nommé Directeur des carrières à l’ENS-PSL, Charles Baud nous présente cette nouvelle structure de l'École qui vise à favoriser l’insertion professionnelle des normaliens, et dont la première mission consiste à former, informer et accompagner, l’ensemble de la communauté étudiante dans ses démarches de professionnalisation.

Charles Baud
Charles Baud © Frédéric Albert - Pole communication ENS-PSL

En janvier 2024, vous avez été nommé directeur des carrières à l’ENS, en quoi consistent vos missions ?

Charles Baud : Tout d’abord, je tiens à remercier MM. Frédéric Worms et Emmanuel Basset pour leur confiance. Dans la mesure où il s’agit d’une création de poste, il me revient de créer le service de façon à le développer et le pérenniser. Des initiatives éparses, dédiées à l’insertion professionnelle, avaient pu exister jusque-là, mais la création de mon service opère un changement d’échelle : la Direction des Carrières est aujourd’hui directement rattachée à la Direction de l’École, elle œuvre en coordination avec les quinze départements qui la composent, et s’adresse à l’ensemble de la communauté étudiante. Mes missions consistent donc à créer le service et à développer les partenariats institutionnels avec la haute administration et les entreprises.

Qu’est-ce que cette nouvelle structure souhaite proposer ?

Charles Baud : La première mission de la Direction des Carrières est de former, d’informer et d’accompagner l’ensemble de la communauté étudiante dans ses démarches de professionnalisation. Nous nous adressons à toutes et tous, quel que soit le statut ou le niveau d’études, de la première année jusqu’au doctorat. Nous assurons des entretiens individuels et animons des ateliers collectifs, qui visent à aider les étudiantes et étudiants à mûrir leur projet professionnel.  
Une vingtaine d’événements carrières se tiennent également chaque année, qu’il s’agisse de petits déjeuners, de soirées ou de visites sur site : l’occasion pour la communauté étudiante d’aller à la rencontre directe des recruteurs. La Direction des Carrières assure aussi la préparation aux concours des Grands Corps techniques de l’État (Mines, IPEF, INSEE, DGA, ISPV), avec Clotilde Policar (Directrice des Études Sciences) et Benoît Chevalier (ingénieur IPEF).  
Enfin, nous assurons un suivi des carrières normaliennes sur le temps long, par la réalisation d’enquêtes annuelles. À terme, l’objectif sera de « documenter le passé » dans un contexte plus large, en lien avec les travaux de Valérie Theis, Directrice adjointe Lettres de l'ENS.

Quelles sont les initiatives qui vont être lancées par cette direction ?

Charles Baud : Nous avons lancé en septembre 2024 un Parcours vers l’insertion professionnelle. Il s’agit d’un module que les étudiantes et étudiants peuvent valider sur une ou plusieurs années. Sa validation permet l’obtention de 3 ECTS dans le cadre du DENS (Diplôme de l'École normale supérieure). Le lancement de ce parcours connaît un vif succès, avec plus de 80 étudiantes et étudiants inscrits ! Concrètement, ce module se décompose en trois blocs. Dans un premier temps, les étudiantes et étudiants inscrits suivent un atelier « Se connaître pour se projeter », ainsi qu’une présentation des opportunités en sortie d’école. Puis ils sont reçus individuellement par la Direction des Carrières pour un entretien, au cours duquel ils ou elles doivent exposer leur projet professionnel. Un dispositif de mentorat peut être mis en place selon les besoins ressentis. A l’issue de cet entretien, les étudiantes et étudiants suivent au moins deux ateliers de professionnalisation et deux événements carrières.

Une initiative qui vous tient particulièrement à cœur ?

Charles Baud :  Oui ! les Mardis de l’Innovation. En raison de sa formation par la recherche au plus haut niveau, l’École normale supérieure a un potentiel deeptech unique en son genre. En coordination avec Emmanuel Basset, qui créé une mineure Innovation Deeptech, nous avons lancé les Mardis de l’Innovation pour initier les étudiantes et étudiants à l’entreprenariat et à l’écosystème de l’innovation. Concrètement, tous les premiers mardis du mois, une actrice ou un acteur de l’innovation intervient dans un cadre informel pour témoigner de son parcours. Nous allons par exemple recevoir prochainement Bruno Rostand, Directeur de l’Entreprenariat et de l’Innovation à l’université PSL, David Durrleman, co-fondateur de la licorne Shift Technology, Lucie Ries, co-fondatrice et CEO de i|ion Water Tech, ou encore Jean-François Morizur, co-fondateur et CEO de CAILabs. Et bien d’autres encore !

Au cours de ces dernières années, quelle évolution voyez-vous dans l’insertion professionnelle des normaliennes et des normaliens ?

Charles Baud :  L’École normale supérieure forme toujours par la recherche, c’est plus que jamais sa raison d’être. Mais les étudiantes et étudiants peuvent ensuite embrasser des carrières très diverses – et nous en sommes très heureux. Nous voulons qu’à travers eux la recherche rayonne aussi au-delà de la sphère académique. Les étudiantes et étudiants que nous recevons, qu’ils soient issus de départements scientifiques ou littéraires, ont à cœur d’embrasser une carrière au service de l’intérêt général, quel que soit le cheminement emprunté. L’enseignement et la recherche reste le secteur d’activité le plus prisé, ce qui est conforme à la vocation première de l’établissement. La réalisation d’une thèse demeure la poursuite d’études naturelle pour la communauté étudiante, ce qui est important, à tous points de vue, pour la recherche française. La haute administration est aussi plus que jamais attractive, et je tiens à remercier Arnaud Teyssier, haut-fonctionnaire et directeur de la prépa ENA Paris I ENS pour sa précieuse collaboration.

Assiste-t-on à l’émergence de nouvelles orientations de carrière du fait des nouveaux enjeux contemporains (crise environnementale, santé globale, IA et numérique, relations internationales …) ? Et inversement, comment l’ENS peut-elle répondre à cette demande ?

Charles Baud : Les questions environnementales sont au cœur des préoccupations des élèves de l’ENS et de leur direction, ce dont témoignent la montée en puissance du CERES et la création d’un nouveau master « Sciences de la durabilité ». Dans la préparation aux Grands Corps techniques que j’anime avec Clotilde Policar, je constate un intérêt croissant des étudiantes et étudiants pour le corps des IPEF (Ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts), qui a vocation à agir sur ces questions.  
De même, l’ENS s’est emparée des enjeux liés à l’IA et au numérique, qui nourrissent une recherche de pointe et ouvrent de nouvelles perspectives de carrières pour les scientifiques. Nous avons organisé un événement avec la Direction générale du numérique du ministère des Armées, qui a rencontré un certain succès. De la même façon, le ministère des Affaires étrangères et les relations internationales restent un débouché traditionnel des normaliennes et des normaliens. Pour les enjeux liés à la santé globale, nous préparons un grand événement dédié à ce sujet avec Nicolas Castoldi, directeur délégué auprès du directeur général de l’AP-HP et directeur exécutif de l’initiative Hôtel-Dieu.

En quoi la formation délivrée par l'ENS, parce qu'elle est fondée sur la recherche, sur l'enrichissement interdisciplinaire et l'expérience internationale, facilite-t-elle l’insertion professionnelle ?

Charles Baud :  Lorsque je rencontre des représentants de la haute administration ou de grandes entreprises, un mot revient toujours : les diplômés de l’ENS ont « la tête bien faite ». Je crois fermement que la formation par la recherche interdisciplinaire contribue à former des esprits souples, capables de s’emparer de n’importe quel sujet en ajoutant une forte plus-value. En 2023, l’esprit critique est entré dans le top 10 des compétences les plus recherchées par les recruteurs. Dans ce contexte, la formation reçue à l’École normale supérieure ne peut que faciliter l’insertion de ses diplômés. L’expérience internationale est également un atout non-négligeable. Si l’on prend du recul, les carrières sont de plus en plus internationales, et une expérience à Cambridge ou Princeton fait la différence.

Dans une institution comme l’ENS, quels sont, selon vous, les grands enjeux d’une Direction des Carrières dans les années à venir ?

Charles Baud :  La Direction des Carrières, et je m’en réjouis, est dès à présent opérationnelle. J’observe chaque jour qu’elle est mieux connue des étudiantes et des étudiants, qui s’en saisissent et en parlent. J’ai même été contacté par un diplômé récent d’une autre École normale supérieure, qui avait eu connaissance du service par le bouche-à-oreilles, et qui souhaitait bénéficier d’un accompagnement. Les enjeux prioritaires restent d’ancrer la Direction des Carrières dans la vie de l’établissement. Dans les années à venir, il faudra rester attentif aux données d’insertion professionnelle, aux grandes évolutions du marché de l’emploi, mais aussi à l’ensemble des changements sociaux et sociétaux, pour continuer d’offrir des services de qualité adaptés à un monde professionnel en constante évolution.

 

À propos de Charles Baud
 

Après une classe préparatoire au Lycée Henri IV, Charles Baud a intégré l’École nationale des chartes, dont il est sorti en 2018. Diplômé en droit public il est docteur en droit de l’Université Paris-Panthéon-Assas et qualifié aux fonctions de maître de conférences en Histoire du droit et des institutions. En parallèle de ses enseignements à l’université Paris-Saclay, Charles Baud a exercé des fonctions d’encadrement dans l’administration avant de rejoindre l’École normale supérieure.