La transition écologique et sociale, un défi transdisciplinaire
Entretien avec Anne Christophe et Valérie Theis, directrices adjointes à l'ENS-PSL
À l'heure où la question environnementale occupe une place cruciale dans notre société, l'École normale supérieure, au sein de ses laboratoires et ses départements, agit en faveur d'un futur plus durable.
À cette occasion, nous avons eu l'opportunité de poser quelques questions aux directrices adjointes Sciences et Lettres, Anne Christophe et Valérie Theis, afin d’avoir une vue d’ensemble des actions menées au sein de l’École en matière de transition écologique.
Quelle est l’implication de la recherche dans la démarche Développement durable & responsabilité sociétale (DD et RS) de l’École ?
Valérie Theis : La journée de l’école durable, qui a eu lieu en janvier dernier et dans laquelle une session était spécifiquement consacrée à la recherche, a montré que celle-ci était au cœur autant des domaines dans lesquels il convient de faire progresser les pratiques de développement durable et la prise de conscience de nos responsabilités sociétales, que des solutions qui peuvent être inventées et diffusées pour répondre à ces défis majeurs qui nous concernent toutes et tous. Cette journée a aussi mis en lumière l’extrême complexité des problèmes qu’il nous faut résoudre, ce qui justifie de commencer par essayer de mieux connaître l’impact de nos pratiques actuelles et de prendre de premières mesures, qui peuvent parfois sembler encore limitées, mais dont nous sommes certains qu’elles auront des conséquences qui seront immédiatement et uniquement positives.
« À ce jour, 19 laboratoires ont nommé au moins un référent. Au-delà de ce réseau ce sont les laboratoires qui se saisissent, chacun à leur manière et leur rythme, de cet enjeu »
Sur quelles actions concrètes la journée école durable a-t-elle débouché ?
Valérie Theis : Cela s’est traduit par exemple par la mise en place, en un temps record l’hiver dernier, d’un plan de sobriété à l’échelle de l’établissement et par des actions qui se sont déployées, tout au long de l’année au sein des unités de recherche de l’école. L’Institut d'histoire moderne et contemporaine (IHMC) a par exemple élaboré une charte « Développement durable » et sa responsable du développement durable, Anne Wegener, a entamé la réalisation du bilan carbone de l’unité en utilisant l’outil « GES 1.5 » de Labo 1.5.
Nous tenons par ailleurs à remercier dimENSion durable, qui a su créer un collectif de référents DD et RS au sein des unités de recherche de l’École. À ce jour, 19 laboratoires ont nommé au moins un référent DD et RS. Au-delà de ce réseau, ce sont les laboratoires qui se saisissent, chacun à leur manière et leur rythme, de cet enjeu.
Anne Christophe : Les laboratoires de recherche de l’ENS se sont effectivement bien mobilisés, à plusieurs niveaux, et un certain nombre d’initiatives locales visant à la sobriété ont fleuri. On peut citer par exemple le « Freezer Challenge » mené par le « Green Committee » de l’Institut de Biologie de l'École Normale Supérieure, qui a consisté à optimiser l’utilisation des congélateurs -80°, très consommateurs d’énergie : cette opération qui a démarré par un inventaire des contenus, et un dégivrage des congélateurs, a abouti à une situation finale avec un moins grand nombre de congélateurs, plus remplis, qui consomment donc moins d’énergie. Dans un autre registre, le Laboratoire de Physique de l'École Normale Supérieure s’est penché sur les émissions de gaz à effet de serre liées aux missions : sous l’impulsion de son directeur et de personnels mobilisés, ils ont réalisé des bilans individuels et par équipe des missions, ce qui a permis de sensibiliser chacune et chacun sur l’impact des missions.
Comment la direction accompagne ce mouvement ?
Valérie Theis : Après avoir beaucoup consulté, nous sommes arrivées à la conclusion que le plus efficace était probablement de laisser aux laboratoires le soin de choisir leurs propres actions de réduction d’empreinte carbone. Pour y parvenir, nous allons leur confier la mission de réaliser à nouveau en 2024 un bilan d’émission de gaz à effet de serre complet, et de s’inscrire dans la démarche Laboratoire en transition de Labo 1.5. Cette démarche leur permettra de fixer, et de suivre, leurs propres objectifs de réduction des émissions. Et nous resterons bien évidemment à l’écoute, si jamais certaines démarches nécessitaient des actions de coordination à l’échelle de l’école (ou de plusieurs de ses départements).
Anne Christophe : Pour réaliser ces bilans d’émission de gaz à effet de serre (BEGES), l’équipe de DimENSion durable offrira son soutien, à la fois pour former les personnes pertinentes dans les laboratoires, mais aussi en offrant la possibilité de recourir à des vacations étudiantes pour aider les laboratoires qui en auraient besoin. En 2022, 18 laboratoires avaient déjà réalisé (complètement ou partiellement) un premier BEGES, ils disposent donc d’une première expérience, et aussi d’un point de comparaison pour juger de l’efficacité des premières mesures mises en place (sur les déplacements, par exemple). Ces bilans seront finalisés d’ici au printemps 2024, et pourront être intégrés au Bilan Carbone de l’École. Puis, chaque laboratoire pourra engager une réflexion, appuyée sur l’outil de Labo 1.5, pour décider des mesures à mettre en place en vue d’atteindre les objectifs fixés par l’État : réduire de 5% par an d’ici à 2030 nos émissions de gaz à effet de serre, par rapport à 2019.