Le ciné-club de l’ENS
Association étudiante du mois
Chaque semaine, les membres du ciné-club de l’ENS proposent à tous de (re)découvrir dans l’obscurité de la salle Dussane une pépite cinématographique en 35 mm soigneusement sélectionnée.
Comment les membres du club choisissent-ils les films ? Pourquoi les projeter en 35 mm ? Quels sont leurs longs-métrages coups de cœur du moment ? À l’occasion de la rentrée, rencontre avec quelques-uns de ces passionnés du grand écran. Action !
La mission principale du ciné-club : la programmation… mais pas que !
Les membres du club se réunissent trois fois par an afin de choisir collectivement la programmation des séances à venir. Les projections se faisant presque exclusivement en 35 mm, ils explorent méticuleusement le catalogue de la fédération de ciné-clubs dont ils font partie, Interfilms. Celui-ci propose une belle sélection de longs-métrages dans ce format.
« Ce catalogue est un peu notre Bible , on y trouve beaucoup de choses, et les débats sont vifs et longs pour choisir quels films seront à l’affiche, mais toujours dans la bonne humeur. Chacune et chacun arrive avec ses goûts — l’un défendra des films de série B tandis qu’un autre privilégiera le Nouvel Hollywood, la Nouvelle vague ou les films soviétiques. Notre but : que la programmation soit la plus riche et la plus variée possible, que toutes les époques, tous les genres, tous les pays puissent être représentés. »
Ces réunions sont aussi l’occasion de mettre sur pied des séances spéciales avec des invités extérieurs ou des partenariats via d’autres clubs, et ce sans compter la Nuit du ciné-club, soirée événement à thème, où trois films sont projetés à la suite.
Une fois la programmation annuelle finalisée, le club prépare chaque semaine la séance à venir : aller chercher les bobines chez Interfilms pour ensuite les remonter à l’ancienne, à l’aide du projecteur, d’une colleuse et du scotch, un travail assez laborieux car le film arrive sous la forme d’une petite dizaine (ou plus) de boites.
« Lorsqu’on lance le film, on espère que la pellicule est en bon état, que rien ne se bloque, que rien ne saute… C’est un suspens de chaque instant, et ça explique la petite armada sagement rangée au fond de la salle à chaque projection, prête à bondir au moindre souci technique. »
Une passion en 35 mm
La grande majorité des films sont projetés en 35 mm. À l’heure du numérique et des projecteurs 4K en haute définition, c’est un choix assumé et revendiqué par le club, qui est d’ailleurs l’un des derniers ciné-clubs à programmer hebdomadairement dans ce format.
« Nous avons un grand amour du 35 mm, ce n’est pas juste du conservatisme ou du snobisme, c’est plutôt une volonté de rester fidèle au film. On a beau dire, une projection en numérique et en pellicule sont différentes. Mettre un DVD dans un ordinateur et le brancher à un projecteur, ça n’a rien à voir avec le plaisir de la manipulation de la pellicule, la joie de découvrir les photogrammes.
Et pour le public, c’est vraiment une expérience nouvelle : il découvre le film dans une qualité d’image différente, il entend le cliquetis du projecteur, le rayon de lumière envoyé sur l’écran... L’année dernière, nous avions une copie de Chantons sous la pluie qui avait « viré » en rose. C’était très amusant à regarder. »
Mais cet engagement n’est pas sans faire face à certains obstacles : La pellicule tout d’abord qui est une matière vivante, faite de lumière, de grains et de poussière aussi. Elle porte en elle les traces de toutes les projections précédentes, ce qui fait que l’image argentique a plus de corps et de densité. Cela va aussi de pair avec une certaine fragilité : la pellicule peut se casser, brûler en pleine projection, les couleurs changer…
Le catalogue ensuite devient de plus en plus fin d’année en année. Les producteurs et les distributeurs ne sortent plus que rarement des films en pellicule. Le stock vieillit, et le choix se réduit. Mais heureusement, les membres du club ont encore plein d’idées pour les prochaines projections !
Des invités réguliers, du réalisateur Michel Ocelot au pianiste Karol Beffa
Le ciné-club organise aussi régulièrement des séances spéciales : rencontres avec les équipes de tournage, cinés-concerts… Les spectateurs ont ainsi pu échanger avec le réalisateur Michel Ocelot, écouter les souvenirs de Jean-Louis Charbonnier (assistant musical pour Tous les matins du monde), profiter d’un ciné-concert de La Fille au carton à chapeau avec le célèbre pianiste Karol Beffa, se plonger dans le cinéma russe lors d’une semaine dédiée… Plein de belles rencontres et d’événements inédits ont ainsi déjà pu voir le jour et d’autres sont à venir.
Un des rêves les plus fous du ciné-club ? « On espère toujours un peu trouver le contact des acteurs et réalisateurs de tous les films que l’on diffuse. Mais en particulier, nous serions très honoré·es d'accueillir Bertrand Tavernier qui en plus d’être un cinéaste exceptionnel a participé au mouvement des ciné-clubs avec son Nickel Odéon.»
Retrouvez toute la programmation du ciné-club de l’ENS sur sa page Facebook ou son site web
Pour assister aux projectionsQuand ? Les projections ont lieu généralement le mercredi à 20h30 Pour rejoindre le clubEnvie d’aider (même ponctuellement) pour le montage de la pellicule, à l’organisation des séances, de participer à la programmation ou de proposer un partenariat ? |
Les coups de cœur en salle du ciné-club
Un ciné-club ne peut pas projeter les films qui sont en salles, mais cela n’empêche pas ses membres d’aller voir ensemble les sorties de la semaine. Voici quelques suggestions parmi les sorties récentes ou les rétrospectives.
1. Once upon a time... in Hollywood (Quentin Tarantino) : « très inspiré du cinéma de Jacques Demy et Agnès Varda, aborde avec un peu de nostalgie le cinéma d’exploitation américain des années 70. Évitant l'écueil du biopic stérile ou du film de style sur le cinéma, il met au service d’une mise en scène dynamique le duo d’enfer DiCaprio / Pitt pour la première fois à l’écran. »
2. Le Portrait de la Jeune fille en feu (Céline Sciamma) « Nous aimons beaucoup la composante féministe des films de Céline Sciamma — l’an dernier nous avons fait un partenariat avec FRAAP, l’association féministe de l’ENS, où nous avons projeté un de ses films, Tomboy — et dans ce film, elle est sublimée par une esthétique digne de toiles de grands peintres romantiques. »
3. Ad Astra (James Gray) : « A priori, l’intimiste James Gray, qui oscille entre mélodrame et film noir, n’a pas grand-chose à faire dans cette machine envoyée vers les étoiles. En fait, avec cette histoire de paternité, on retrouve tout l’univers de l’auteur de Little Odessa : paternité, déchirement entre une existence apaisée et une vie aventureuse, importance de l’appartenance à un monde… Avec une ligne narrative d’une extrême simplicité, James Gray déploie un film d’une intense beauté, à la lumière particulièrement soignée et à l’atmosphère hypnotique. »
4. Vampires : de Dracula à Buffy (rétrospective à la Cinémathèque Française du 9 octobre 2019 au 19 janvier 2020) : « Halloween approchant, pour (re)voir de grands classiques du genre comme le Nosferatu de Murnau et celui de Herzog ou des moins classiques comme Blacula, le vampire noir de William Crain. »