Le sport à l’ENS-PSL en 2024 : mémoire, recherche, société
Rencontre avec David Brunat, chargé d’une mission sur le sport en 2024 par l’ENS, la Fondation de l’ENS et l’A-Ulm
L’année 2024 est aussi celle du sport à l’ENS. Faire connaître sa place dans la mémoire et le patrimoine de l’École, la contribution de celle-ci et de toutes ses disciplines aux enjeux de recherche et de société sur le sport, en une année olympique et paralympique, tel est l’objectif du programme ENSports, mis en place depuis l’automne dernier. Revalorisation du patrimoine sportif de l’École, actions favorisant l’égalité des chances et l’inclusion par le sport, organisation de conférences et d'expositions… sont parmi les principales initiatives.
David Brunat a été chargé d’une mission sur le sport en 2024 par la direction de l’École, la Fondation de l’ENS, et l’A-Ulm : il nous explique les grandes lignes et les enjeux de ce programme inédit, baptisé ENSports, et impliquant l’ensemble de la communauté de l’École, en lien avec PSL et différents partenaires.
Pouvez-vous vous présenter ?
David Brunat : Je suis entré à l’ENS comme philosophe. J’ai démarré ma carrière à l’université avant de tenter l’aventure des cabinets ministériels. J’ai également dirigé le cabinet d’un président de Région puis celui d’une organisation professionnelle. Puis, je me suis lancé en indépendant dans le conseil, parallèlement à une activité d’écriture qui m’a conduit à publier plusieurs ouvrages sur des sujets très variés comme le Titanic, la mafia, Steve Jobs, la peinture de Matisse, le tennis … et à signer de nombreuses contributions dans les médias, portant notamment sur le sport et ses enjeux de société.
J’ai fait beaucoup de sport pendant ma scolarité à l’ENS et j’en ai aussi consommé avec avidité devant le petit écran ou comme spectateur. Je conserve un souvenir impérissable du fameux court de tennis « aérien », sur les toits d’un bâtiment de la rue Lhomond, offrant une vue imprenable sur le Panthéon… une façon d’accéder au panthéon de la balle jaune malgré un niveau modeste ! J’ai aussi beaucoup fréquenté le gymnase, qui va faire l’objet d’un événement central dans l’année 2024 : sa nomination.
L’École a en effet décidé de donner au gymnase le nom d’un de nos grands anciens, écrivain et philosophe, qui pratique plus d’un sport et écrivit dès 1924 un grand livre sur le sport, avant de s’engager vingt ans plus tard dans la Résistance et de mourir dans le Vercors : Jean Prévost. Ce sera, en juin 2024, l’événement clé de l’année.
« L’objectif est de valoriser le sport à l'ENS-PSL sous toutes ses formes et de la faire rayonner dans un domaine où elle n’est pas forcément attendue. »
Vous êtes, depuis cette rentrée, chargé d’une mission « Sport » par l’ENS, la Fondation et l’A-Ulm. En quoi consiste votre rôle ?
David Brunat : L’objectif est de valoriser le sport à l'École sous toutes ses formes et de la faire rayonner dans un domaine où elle n’est pas forcément attendue. L'ENS possède de grandes ressources en la matière. Il nous a semblé important de les faire connaître et de les faire vivre. Par exemple, les écrits normaliens consacrés au sport depuis la fin du XIXe siècle sont d’une richesse et d’une diversité remarquables.
Et sait-on que c’est un normalien, Michel Bréal, ami de Pierre de Coubertin, qui fut l’inventeur du marathon ? Plus récemment, le département de physique a noué un partenariat avec la Fédération Française de Ski. Nombre de chercheurs et des chercheuses de l'École normale ou issus de ses rangs s’intéressent au sport. Citons par exemple, la mathématicienne Amandine Aftalion qui vient de publier un excellent ouvrage de vulgarisation, Pourquoi est-on penché dans les virages ? Le sport par les sciences en 40 questions, ou Julien Clément qui a étudié le rugby de Samoa, ou encore mon ami Ollivier Pourriol, auteur de belles pages sur le ballon rond et avec qui j’ai d’ailleurs beaucoup joué au foot en prépa - notre équipe avait d’ailleurs remporté le tournoi de Louis-le-Grand, quelle fierté ! Sans oublier les travaux de référence de Jean-Paul Thuillier sur le sport antique ou ceux de Luc Arrondel et Richard Duhautois sur l’argent du football, publiés récemment aux éditions Rue d’Ulm.
Quelles sont les ambitions du programme ENSports ?
David Brunat : Il est important de faire connaître le sport normalien comme mémoire vivante, mais aussi comme objet de recherche à part entière. C’est le sens du programme ENSports 2024.
Ce dernier comporte trois axes :
- l’histoire et la mémoire sportive, le patrimoine immatériel lié au sport à l'École, avec des rencontres, des conférences et des expositions.
- la recherche : nous souhaitons créer une Chaire de recherche dédiée au sport, que nous voulons faire financer par des mécènes.
- les enjeux de société relatifs au sport, avec des actions favorisant l’égalité des chances et l’inclusion par le sport.
Avec la Direction de l'ENS-PSL et la Fondation, nous annoncerons prochainement le détail de ce programme qui est déjà bien engagé, notamment via une première exposition sportive à la bibliothèque qui a été consacrée au rugby, et les Rencontres ENSports. Programme pour lequel nous cherchons des mécènes afin de mener à bien ces initiatives.
« L’idée des Rencontres ENSports est de recevoir des acteurs du monde du sport qui nous apportent leur expérience, leurs éclairages et leurs points de vue sur une thématique spécifique. »
Justement, pouvez-vous nous parler de ce nouveau cycle de conférences que vous avez mis en place ?
David Brunat : J’ai monté les Rencontres ENSports avec la contribution des étudiants du Bureau des sports de l'École normale, dont je tiens à saluer l’implication enthousiaste et sympathique.
L’idée de ces rencontres est de recevoir des acteurs du monde du sport qui nous apportent leur expérience, leurs éclairages et leurs points de vue sur une thématique spécifique. Nous avons démarré à la rentrée par un débat sur le sport au féminin avec l’ancienne présidente de la Ligue de Football Professionnel, Nathalie Boy de la Tour, et une ancienne vice-championne olympique de judo, Frédérique Jossinet. Puis le rôle de la tech en novembre, et la question des médias en décembre. Ces rencontres se déroulent sous la forme de discussions participatives avec les intervenants. Des temps d’échanges plutôt que des conférences, en somme.
Dans les mois à venir, nous allons évoquer des sujets comme le handisport, le sport au cinéma, l’idéal olympique, etc. Ces rencontres que je coanime avec les élèves du Bureau des sports sont destinées non seulement aux étudiants de l'ENS-PSL, mais également à tous les membres de la communauté normalienne qui s’intéressent à ces sujets. Point important, elles sont aussi ouvertes au public, sans inscription.
Les Jeux olympiques approchent, allez-vous prendre en compte cet événement dans le calendrier sportif de l’ENS ?
David Brunat : Le momentum est évidemment favorable et la mission qui m’a été confiée entre évidemment en résonance avec l’année olympique et paralympique, mais aussi avec la grande Cause nationale pour 2024, consacrée à la promotion de l’activité physique et sportive. Nous nous sommes rapprochés du ministère des Sports, qui suit notre projet avec beaucoup d’intérêt. Cela a été une heureuse surprise pour eux d’apprendre que l'ENS-PSL s’intéressait à ce point au sport !
À notre mesure, nous allons œuvrer à ce grand dessein. En montrant, s’il en était besoin, que le sport est une matière noble qui mérite toute la considération des élites intellectuelles et qui devrait avoir une meilleure place dans les cursus universitaires, comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons. J’espère que nous pourrons embarquer les enseignants et chercheurs de l'École normale dans cette aventure un peu inédite et expérimentale.
Quelles sont les dimensions du sport qui vous semblent importantes de valoriser au sein de l’ENS-PSL ?
David Brunat : L’ENS est l’école de tous les savoirs et l’univers du sport est par nature pluridisciplinaire et multiforme dans ses pratiques, ses usages, ses publics et ses buts. Et bien sûr dans ses disciplines ! Aussi, nous n’excluons a priori aucune dimension, tout en privilégiant celles qui ont un sens éducatif et un impact inclusif. Je pense également que la tech doit faire l’objet d’une attention particulière, dans la mesure où le devenir du sport et sa place dans notre société sont appelés à être de plus en plus déterminés par la technologie et l’essor de la SporTech. Et puis, l'École normale est bien placée pour faire entendre sa voix dans le dialogue entre le sport et la culture, les arts, par exemple avec la peinture, le cinéma, le design …).
« L’ENS est l’école de tous les savoirs et l’univers du sport est par nature pluridisciplinaire et multiforme dans ses pratiques, ses usages, ses publics et ses buts. »
Pour finir, quelle est votre citation normalienne préférée sur le sport ?
David Brunat : Il en existe beaucoup de très belles, par exemple de Michel Serres, de Giraudoux, de Gracq et même de Simone Weil, pour qui le sport n’était pas vraiment un sujet de prédilection. Mais s’il faut faire un choix, ce sera pour ces mots de Jean Prévost, profonds à mesure de leur concision, et à méditer à la lumière des vertus que notre époque prête à cette discipline du corps et de l’esprit : « Le sport a aussi ses humanités ». On les trouve dans Plaisirs des sports, fleuron de la littérature sportive écrit en 1924, il y a cent ans exactement. Une raison supplémentaire de célébrer la mémoire de ce grand sportif, grand écrivain et grand Résistant !