Les Femmes dans l'espace littéraire moderne

Nouvelle parution aux éditions Rue d'Ulm

Créé le
26 octobre 2023
Qu'est-ce que les œuvres et la vie littéraires font comprendre de la place des femmes dans la société ? Ce mois-ci les éditions Rue d'Ulm publient Les Femmes dans l’espace littéraire moderne, un livre regroupant une série d’articles publiée en 1916 par la Néerlandaise Carry van Bruggen (1881-1932). Une fenêtre sur la pensée d’une écrivaine explorant les rapports entre hommes et femmes, mais aussi la thématique de l’individualisme, du conformisme et de la révolte.
Couv Les Femmes dans l’espace littéraire moderne

Résumé

Parus en feuilleton au cours de l’année 1916 sous le titre Littérature moderne, ces articles analysent ce que les œuvres et la vie littéraires font comprendre de la place des femmes dans la société. Consacrés pour l’essentiel aux XVIIIe et XIXe siècles – Madame de Staël et George Sand, F. Schlegel et Heine, Walter Scott, Shelley et Byron, Dickens et Thackeray, Charlotte Brontë... –, ils offrent un premier aperçu de la réflexion stimulante conduite ensuite par l’écrivaine dans Prométhée, son grand essai sur l’histoire intellectuelle européenne et l'essor de l’individualisme à l’époque moderne.

Inédit en français, 25 illustrations en couleur et en noir & blanc
Traduit, annoté, illustré et postfacé par Sandrine Maufroy

L'auteure

Carry Van Bruggen (1881-1932) est l’une des voix les plus originales de la littérature néerlandaise. Elle grandit dans une famille juive orthodoxe dont le mode de vie et la religiosité lui inspirèrent ses souvenirs les plus doux comme ses remises en question les plus radicales. Femme dans une société dominée par les hommes, juive dans un pays majoritairement chrétien, elle fut doublement confrontée aux préjugés et aux discriminations, dont elle s’efforça d’analyser les mécanismes. Dans ses essais comme dans ses romans, elle explore les relations entre l’individu et la collectivité au prisme de la question du conformisme.

Questions à Sandrine Maufroy, traductrice de l'ouvrage

Pouvez-vous nous présenter cet ouvrage ?

Ce livre regroupe, traduits en français, commentés et illustrés, une série d’articles publiée en 1916 par l’écrivaine néerlandaise Carry van Bruggen (1881-1932) dans De Amsterdamsche Dameskroniek. Carry van Bruggen, dont j’ai également traduit le roman Eva pour les éditions Rue d’Ulm, avait été élue autrice préférée des lectrices de cette revue, et elle en était devenue la rédactrice littéraire. Elle venait de trouver réellement sa voie littéraire avec son roman Heleen et travaillait à son essai Prometheus sur le développement de l’individualisme en littérature. Dans un but de compréhension et d’émancipation, ses articles associent deux questions : Qu’est-ce que la littérature moderne ? Quelle a été la place des femmes dans la littérature et la vie littéraire européennes depuis le milieu du XVIIIe siècle ?

Pourquoi et comment ces articles nous permettent-ils de mieux saisir ce que les œuvres et la vie littéraires font comprendre de la place des femmes dans la société ?

Carry van Bruggen part de l’idée que la littérature est un reflet de la société, que les écrivains et écrivaines ont trouvé des mots et des formes esthétiques qui révèlent et éclairent au mieux les préoccupations, tourments et aspirations de leur époque. Elle insiste sur l’interdépendance des phénomènes et met en corrélation l’étude de la vie de femmes qui ont pris part à la vie littéraire de leur temps, l’analyse des caractères et comportements de personnages féminins de romans et de pièces de théâtre, et une perspective historique plus vaste qui retrace l’évolution différenciée des mentalités et des idées en Europe, c’est-à-dire principalement en France, en Allemagne et en Angleterre.

Comment définiriez-vous l’écriture de l’autrice néerlandaise Carry van Bruggen ?

Comme plusieurs hommes et de femmes de lettres dont elle parle dans ses articles, Carry van Bruggen n’a cessé de chercher : chercher à comprendre, chercher les mots pour décrire et faire comprendre. Il est donc difficile de définir de manière simple et univoque son écriture, qui prend des formes diverses suivant les genres qu’elle pratique, s’adapte au public auquel elle s’adresse, évolue au cours du temps.

Dans ses romans, elle est passée d’une esthétique réaliste à une perspective centrée sur la vie intérieure de ses personnages, ce qui l’a amenée, dans Eva, à expérimenter de nouvelles techniques narratives pour rendre le flux de conscience de l’héroïne. Dans son essai Prometheus, elle adopte une posture de philosophe, une démarche analytique et l’usage d’un vocabulaire assez technique. Quant aux textes rassemblés ici, ils se caractérisent par une grande clarté, une certaine simplicité et surtout une grande vivacité. Son écriture se rapproche du style oral qu’elle devait employer lorsqu’elle donnait des conférences, une manière directe de s’adresser à nous, de nous faire partager ses questions, ses étonnements, son cheminement.

Que diriez-vous pour susciter la lecture de ce livre ?

Ce livre nous fait parcourir un siècle et demi de littérature européenne, il nous donne le plaisir de retrouver des figures et des œuvres familières (Madame de Staël, Charlotte Brontë et Jane Eyre, les romans de Charles Dickens, la poésie et la prose de Heinrich Heine...) tout en nous offrant des perspectives parfois inattendues.

Il nous fait aussi redécouvrir des textes moins connus, voire tombés dans l’oubli, et peut nourrir la réflexion sur des questions qui nous concernent directement aujourd’hui : les rapports entre hommes et femmes, bien sûr, mais aussi l’individualisme, le conformisme et la révolte, les rapports entre générations... Il nous ouvre aussi une fenêtre sur la pensée d’une écrivaine de premier plan, qui fait partie des grandes voix de la littérature néerlandaise, mais reste peu connue en France. Et enfin, grâce à une recherche sur les images originales et un travail en commun avec l’équipe des éditions Rue d’Ulm, il est richement illustré !

 

Sandrine Maufroy, ancienne élève de l’ENS, est maîtresse de conférences à Sorbonne Université et membre de l’Unité de recherche 3556 REIGENN. Traductrice de l’allemand et du néerlandais, elle est l’auteure d’articles et d’ouvrages sur l’histoire de la littérature et des transferts culturels (France, Allemagne, Pays-Bas, Grèce).

 

 

À propos de la collection « Versions françaises  » des Éditions rue d'Ulm

Créée en 2001 et dirigée par Lucie Marignac, la collection « Versions françaises » reflète les démarches critiques et interdisciplinaires de l’École. Curiosité, intérêt, admiration, attachement – tout lecteur a, un jour ou l’autre, éprouvé ces sentiments pour un texte qu’il lui semblait découvrir, réinventer, s’approprier. Ce texte est devenu le sien, celui qu’il voudrait lire et relire, éditer, traduire, annoter, présenter, commenter.
Rejoignant l’une des traditions les plus anciennes de l’École normale, ses élèves et anciens élèves, enseignants et chercheurs s’attachent ici à faire connaître « leur » texte, un auteur, une période, un mouvement d’idées, une forme d’écriture dont ils sont parfois devenus « spécialistes ». Texte important, souvent négligé, jamais traduit, inédit ou épuisé, indisponible. Ainsi peuvent se redessiner, à partir de fragments divers, certains ensembles oubliés, et s’affirmer peu à peu la cohérence de ces « versions françaises », qui comptent désormais plus de 60 titres.