« Les Humanités ont pour intérêt principal de créer des passerelles entre les pays et les personnes »
Portrait de Youssef El Alaoui, mastérien au sein du Master histoire transnationale (ENS-ENC).
DOSSIER - LES HUMANITÉS À L'ENS-PSL
Youssef El Alaoui est étudiant du Master Histoire transnationale (ENS-PSL, École Nationale des Chartes), un parcours de la mention Humanités de PSL-Université.
Pour son sujet de mémoire, il a choisi de questionner les identités nationales et de travailler sur les mobilités trans-maghrébines. Un sujet de recherche qui est aussi une façon de tisser des liens avec son histoire familiale et celle du Maroc.
Étudiant de nationalité marocaine, Youssef El Alaoui a grandi à Rabat, où il y a effectué sa scolarité au sein du Lycée Descartes, un établissement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Une fois son bac littéraire en poche, il poursuit ses études supérieures au sein de la filière Humanités du Cycle pluridisciplinaire d'études supérieures (CPES) de PSL. C’est au cours de la licence que l’étudiant se spécialise en Histoire, et présente un sujet de mémoire sur les circulations entre l'Afrique de l'ouest et le Maghreb en situation coloniale à travers le cas des étudiants du Sénégal au sein de la mosquée-université al-Qarawiyyin de Fès durant les années 1950. Désireux de continuer à travailler sur les études coloniales et impériales du Maghreb et de l’Afrique, c’est tout naturellement qu’il intègre l’ENS en 2022 pour suivre le Master d'histoire transnationale (MHT) qui « permet à la fois de se former théoriquement, sur l'histoire transnationale, impériale et coloniale, et méthodologiquement à travers des ateliers pratiques sur les archives aussi bien à l'École normale supérieure qu'à l'École nationale des Chartes »
Des récits familiaux à l’histoire transnationale
Dans le cadre de son mémoire de master (sous la direction d'Hélène Blais, professeure d’histoire contemporaine et responsable du MHT à l'ENS et d'Augustin Jomier, maître de conférences au département d’études arabes de l’INALCO-Paris), Youssef travaille sur les étudiants d'Algérie au sein de la Mosquée-université Al-Qarawiyyin de Fès au Maroc entre les années 1930 et 1960. À travers le choix de ce sujet, il s’agissait pour lui de « questionner les identités nationales ». Dans un contexte de crise politique et de ruptures diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc depuis l’été 2021, « travailler sur les mobilités trans-maghrébines en situation coloniale permet de comprendre et de créer des passerelles [entre ces deux pays]. La perspective transnationale permet d'éclairer certains éléments encore obscurs de l'histoire d'Al-Qarawiyyin. » Ces recherches sur Al-Qarawiyyin font aussi écho à l’histoire familiale : « cette mosquée-université était très présente dans les récits familiaux de mon enfance puisque mon arrière-grand-père, mon grand-père maternel et plusieurs membres de ma famille, que je n'ai malheureusement pas connu, y ont étudié avant et pendant le protectorat français au Maroc (1912-1956) »
Une approche transdisciplinaire
« L'histoire transnationale invite à ouvrir la focale, à s'intéresser à plusieurs terrains, sociétés, langues et à étudier des faits sociaux comme les mobilités, les circulations, et pour cela l'interdisciplinarité est nécessaire. » Les recherches de Youssef nécessitent aussi une approche transdisciplinaire qu’il a acquis durant sa scolarité au CPES où il a eu la chance de s'initier à l'épistémologie et aux méthodes des sciences sociales, et grâce aux enseignements de Blaise Wilfert durant la première année de MHT « qui permettent de tisser des liens entre histoire et sciences sociales. »
L’étudiant est ainsi amené à lire des travaux d'historiens, d'anthropologues et sociologues et à utiliser des méthodes quantitatives et qualitatives. Des méthodes qu’il a ainsi pu mettre en pratique lorsqu’il a effectué « un entretien semi-directif avec un ancien étudiant algérien d'Al-Qarawiyyine, à Rabat » ou lorsqu’il s’est rendu à Fès au sein d'Al-Qarawiyyin ou à Nantes pour consulter des archives diplomatiques. Il reconnaît volontiers que « cette diversification de méthodes a pour avantage de mieux construire une argumentation. »
Du rapport des sociétés humaines à leur environnement et à leur espace
Considérant l’histoire « comme une discipline qui étudie les sociétés passées mais qui s'inscrit dans le présent », Youssef souligne l’importance de ne jamais perdre de vue les questions contemporaines. C’est le cas de la crise climatique et des questions relatives à l'anthropocène qui « invitent à requestionner le rapport des sociétés humaines à leur environnement et à leur espace ». Ces objets d’étude du présent sont aussi analysés grâce à l'apprentissage de nouvelles langues et à l'initiation à de nouvelles méthodes (histoire orale, entretiens, cartographie...) qui encouragent « à décentrer notre regard et à s'ouvrir à des historiographies et discuter avec différents historien.nes dans le monde. »
C’est cet espace d'échange, extrêmement important dans les études en sciences humaines et sociales que l’étudiant entend souligner. « Créer des passerelles entre pays et personnes, proposer un espace de dialogue au service de la connaissance afin de mieux comprendre ce monde qui nous entoure », voilà pour Youssef l’intérêt principal des Humanités.
Le désir de transmettre
Pour celles et ceux qui souhaiteraient se diriger vers des études en « Humanités », l’étudiant conseille de faire preuve à la fois de curiosité et de générosité intellectuelles et d’un goût pour la transmission. Son expérience lui permet aujourd'hui de témoigner que « la recherche en Humanités est surtout un moment privilégié d'ouverture intellectuelle, de rencontres, de voyages et de discussions. »
Animé par le désir de transmettre à son tour ses connaissances, l’étudiant souhaiterait, après son master, poursuivre une thèse sur l'histoire étudiante au Maghreb aux XIXè et XXè siècles, afin d’espérer exercer dans la recherche et dans l'enseignement supérieur.
Un goût de la transmission qu’il met déjà activement en pratique au sein de l'ENS ; Moniteur-étudiant au sein de la Bibliothèque de Lettres et Sciences humaines et sociales de l’ENS, il participe depuis 2022 à l'organisation de la Semaine arabe de l’École, et est membre de l'association ArabisENS, nouvellement créée au sein de l'ENS.