Les travaux de Dalila Ajjaji sur l’hépatite C primés
Prix de thèse AC41 de l’ANRS (Inserm)
Dalila Ajjaji, ingénieur-docteur en biophysique voit ses travaux de recherche fondamentaux sur l’hépatite C primés. Un remarquable doublé pour le laboratoire de physique de l’ENS (LPENS) après la médaille de Bronze CNRS de Abdou Rachid Thiam.
Curiosité et goût des sciences
Interrogée sur son parcours, Dalila Ajjaji indique sans détour : « je n’ai jamais eu une idée précise du métier que je voulais exercer plus tard, mais j’ai toujours eu le goût pour les sciences et surtout pour la biologie. »
Après une licence en Sciences Biomédicales en immunologie au Centre universitaire des Saints-Pères à l’université Paris Descartes (aujourd’hui université de Paris), Dalila Ajjaji poursuit en Master biochimie cellules cibles thérapeutiques, à Paris Diderot (université de Paris).
« N'étant pas attirée par un Master professionnel, j’ai opté pour un Master de recherche. Mes recherches de stage et de mémoire de M2, m’ont conduites au Laboratoire de Physique statistique de l’ENS (devenu le LPENS), avec Abdou Rachid Thiam, sur le virus de l’Hépatite C (VHC) et les gouttelettes lipidiques1. Un stage orienté biophysique dont le sujet m’intriguait » précise-t-elle. « Je n’avais jamais étudié les gouttelettes lipidiques jusque-là. J’ai pris rendez-vous par curiosité et mon intérêt s’est décuplé très vite. L’aspect disciplinaire de la physique était encore inconnu pour moi et m’attirait beaucoup. C’est ainsi que tout a commencé, à l’ENS… » se rappelle la jeune chercheuse.
Croiser l’étude de la biologie et la physique pour faire avancer la recherche contre le virus de l’Hépatite C
Dalila Ajjaji qui est d’abord biologiste, évoque avec enthousiasme l’apport de la physique sur ses travaux et son désir de contribuer à la recherche contre la maladie.
Passionnée par l’étude des pathologies, elle a toujours voulu participer, à son échelle, aux progrès de la recherche dans le combat de la maladie, et ce peu importe les moyens : « Contribuer à l’avancée de la science, c’est indirectement améliorer le quotidien des patients, se sentir utile. Et ça, c’est un sentiment qui n’a pas de prix ! Cancer, Alzheimer ou Hépatite C, ce qui importe pour moi c’est de chercher et trouver des réponses pour avancer. Travailler sur un modèle cellulaire qui est une entité vivante présente déjà, à sa petite échelle, beaucoup de complexité. Utiliser un modèle physique in vitro réduit et plus simplifié permet de mieux contrôler ce que l’on fait et ainsi d’expliquer plus simplement un problème de biologie. »
Et pour trouver des stratégies thérapeutiques efficaces contre l’Hépatite C, il faut comprendre la maladie : « c’est ici que la recherche fondamentale entre en jeu » explique Dalila Ajjaji. « Actuellement, il n’y a pas de vaccins efficaces et le traitement à base d’interférons2 ou d’antiviraux à action directe plus récents restent onéreux ». Comprendre et caractériser le VHC permet donc de mieux appréhender et anticiper les traitements de plus en plus adaptés. « Grâce à mes travaux de thèse, une brique vient compléter la connaissance autour de ce virus et donc contribuer à la mise en place de nouveaux traitements. De plus aborder la maladie d’un point de vue physique apporte une compréhension nouvelle qui représente un réel progrès dans ce milieu. »
Motivation, patience, curiosité et persévérance sont pour la scientifique les ingrédients clés pour réussir dans la recherche. « Il faut aussi dépasser sa zone de confort et oser, ne pas avoir peur d’ouvrir des portes qui nous sont inconnues, car on en sort souvent plus armé et mûri. J’en suis la preuve ! »
Selon Dalila Ajjaji, il est aussi très important d’être entouré, aussi bien du côté professionnel que personnel. « Je tiens d’ailleurs à remercier mon directeur de thèse, Abdou Rachid Thiam, qui m’a permis de me lancer dans cette belle aventure, ainsi que mon équipe de travail, avec laquelle j’ai adoré collaborer. Je remercie aussi toute l’équipe administrative sans laquelle j’aurais été un peu perdue, merci à Nora Sadaoui surtout. Je n’oublie pas toute ma famille qui m’a toujours soutenue, je leur en serai infiniment reconnaissante. »
À propos de l’interaction de la protéine Core du Virus de l'Hépatite C avec les corps lipidiques
La thèse en biophysique de Dalila Ajjaji porte sur l’étude du trafic du VHC dans la cellule du foie qu’il infecte. Le virus aime interagir avec le gras de la cellule. Dalila s’est intéressée plus précisément à une protéine appelée Core3, constituant majeur de ce virus, qui se lie aux gouttelettes lipidiques cellulaires. Pourquoi et comment se fait cette liaison ? C’est en majorité à ces questions que la chercheuse a tenté de répondre : « grâce aux observations en cellules modèles de l’Hépatite C et aux tests en modèles membranaires artificiels menés en parallèle, j’ai pu mieux comprendre et caractériser cette interaction protéine-membrane. J’ai donc passé mes trois années de thèse à naviguer entre la plateforme de l’Institut de biologie de l’ENS (IBENS) et mon laboratoire au département de physique. J’ai ainsi pu rencontrer des personnes qui travaillent dans différents domaines et qui ont apporté une autre vision sur mon sujet. » Un travail de collaboration interdisciplinaire très enrichissant pour la chercheuse puisqu’elle a soutenu avec succès sa thèse en en décembre 2019.
1Les gouttelettes lipidiques sont des structures intracellulaires de stockage d’énergie (de lipides), leur volume croissant ou décroissant selon les besoins énergétiques métaboliques. Véritables structures dynamiques, elles permettent, entre autres, des échanges lipidiques entre différents éléments intracellulaires, en leur fournissant les éléments nécessaires à leur croissance. (source : La gouttelette lipidique, un nouvel organite ? Philippe Roingeard, inserm.fr)
2Les interférons sont des protéines naturellement produites par les cellules du système immunitaire, mais aussi d'autres types cellulaires. Leur nom vient du fait qu'ils interfèrent avec la réplication virale dans les cellules de l'hôte, en améliorant notamment leur résistance aux infections virales.
3Une protéine Core est l’une des protéines jouant un rôle structurel ou fonctionnel majeur dans le complexe moléculaire dont elles font partie. Elles peuvent par exemple former une couche interne entourant le matériel générique d’un virus.