Les voyageurs du doute, l’invention d’un altermondialisme libertin (1620-1820)

Nouvelle parution de Stéphane Van Damme, directeur du département d’histoire de l’ENS

Créé le
29 février 2024
Dans son dernier livre paru en 2023, Stéphane Van Damme suit les pas des savants voyageurs qui ont parcouru le monde du début du XVIIe siècle au début du XIXe. À rebours de la « vision positive et conquérante de la globalisation heureuse » voulue par la monarchie absolutiste, il souligne l’existence des voix dissonantes des libertins, fondateurs selon lui d’un premier altermondialisme.
Les voyageurs du doute

Résumé

À l’origine de cet ouvrage, Stéphane Van Damme parle d’une « double insatisfaction » face au tournant global de l’histoire ces dix dernières années : d’un côté, les débats sur l’histoire globale qui montrent qu’elle est « trop large, trop linéaire et trop progressiste », de l’autre les débats sur l’histoire des sciences globales qui ont peu intégré les critiques.

Naît alors le désir de se placer à contre-courant d’une vision « positive et conquérante d’une globalisation heureuse » aux XVIIe et XIXe siècles : il s’agit de « déglobaliser, troubler ce récit » en s’intéressant aux situations locales et aux controverses. Pour ce faire, il choisit de se placer du point de vue des savants libertins, qui utilisent, entre autres, la géographie, l’astronomie, la médecine, la chimie, l'archéologie ou encore la géographie comme autant de moyens pour critiquer cette globalisation française élaborée par la monarchie absolutiste. Assimilés à tort au XIXe siècle à des « libres penseurs et à des athées », ce sont selon lui plutôt des « dissidents, des savants qui entretiennent un rapport critique aux religions dominantes, aux pouvoirs dominants et aux sciences dominantes ». Stéphane Van Damme décide de les étudier non pas dans un cadre national au travers de textes, procès et affaires comme c’est le cas généralement, mais plutôt à partir de leur mobilité, de leurs savoirs – en particulier géographiques –, et de leurs pratiques. Ce sont donc huit voyages que le lecteur entreprend aux côtés de l’auteur, sur les traces, entre autres, du baron de Lahontan parti pour le Québec, de Benoît de Maillet en Égypte ou encore de Joseph-Nicolas Delisle au Nord-Ouest de la Russie.

Cet ouvrage, qui livre une histoire globale du scepticisme, est conçu comme un triptyque centré sur l’altermondialisme. Le premier volet étudie un altermondialisme géographique, soit une « vision du monde qui défie les certitudes géographiques, les récits missionnaires, en bref le système d’information ». Le second prend pour objet d’étude l’altermondialisme naturaliste, c’est-à-dire la « vision de la nature humaine ou physique dans laquelle il faut déchristianiser la nature, sortir de la théologie naturelle ». Le dernier enfin s’attache à analyser un altermondialisme archéologique ou philologique.

L’auteur

Directeur du département d’histoire de l’ENS et professeur d’histoire moderne, Stéphane Van Damme est spécialiste de l’histoire des sciences et des savoirs. Ses recherches portent sur l’histoire longue de la Révolution scientifique du XVIIe au XIXe siècle. Il est chercheur à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine, et dirige le Centre interdisciplinaire d’études européennes à l’ENS.