« Nous mobilisons nos connaissances pour mettre en lumière l’urgence climatique et la nécessité d'agir. »
Le projet GIEC’splique de Myriam Besson, Solange Coadou et Anna Vayness
Comment agir pour la planète lorsqu’on est étudiant au département de Géosciences de l’ENS -PSL ? Comment transmettre ses connaissances sur le dérèglement climatique ?
Rencontre avec Myriam Besson, Solange Coadou et Anna Vayness, trois étudiantes à l’initiative du projet GIEC’splique, convaincues que face à l'urgence environnementale, une information éclairée peut être le moteur d'une action efficace.
Rencontre avec Myriam Besson, Solange Coadou et Anna Vayness, trois étudiantes à l’initiative du projet GIEC’splique, convaincues que face à l'urgence environnementale, une information éclairée peut être le moteur d'une action efficace.
Anna la militante, Myriam la spontanée, et Solange la créative : voici comment les trois étudiantes, à l’origine du projet GIEC’splique, aiment à se décrire. Leurs chemins se sont croisés il y a trois ans. Solange, passionnée d'océanographie, a intégré le département de géosciences de l'ENS-PSL après une classe préparatoire PC (physique-chimie). Dotée d’un parcours similaire et concernée par les questions climatiques, Anna complète aujourd’hui sa formation par un master de sciences sociales à l'EHESS en Études Environnementales. Myriam, quant à elle, a intégré l'ENS après une classe préparatoire BCPST ((biologie, chimie, physique et sciences de la Terre) à Clermont-Ferrand, et s'intéresse à la météorologie et plus particulièrement aux cyclones tropicaux.
Réunies autour de leur attachement pour la « Planète Bleue », elles sont animées par le même désir d’action. Leurs énergies complémentaires, doublées d’une solide amitié, leur ont donné l’envie de créer un site pédagogique dédié au changement climatique, car « s'informer sur le dérèglement climatique est une étape essentielle pour comprendre la gravité et l'urgence de la situation ».
GIEC'splique
Le projet GIEC'splique voit le jour, au printemps 2020, lors du premier confinement. « L'idée de ce projet vient avant tout d'une certaine exaspération vis-à-vis de la rhétorique climatosceptique et d'un sentiment d'inutilité. En effet, étudier au département de Géosciences nous permet d'avoir les clés pour comprendre le fonctionnement du climat. Mais comment agir une fois ces clés en main ? Au vu de l'urgence de la situation, il nous a semblé pertinent de créer un outil pour comprendre les bases du dérèglement climatique. »
Cet outil prend la forme d’une page publiée sur le site d'Écocampus, l'association écologiste de l'ENS-PSL (dont Anna Vayness est membre depuis fin 2018). Une série de courts articles sont proposés, sous forme de questions-réponses, savamment illustrés, chacun répondant à un thème précis soulevé par les rapports du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat). « Nous avons pensé ce projet comme un outil qui pouvait être facilement partagé et diffusé, offrant des réponses argumentées, faciles à s'approprier, pour comprendre les mécanismes et les enjeux du changement climatique. » Pour ne pas noyer le lecteur dans une suite de résultats quantitatifs, les étudiantes ont sélectionnés un ou deux chiffres saisissants, une comparaison percutante ou une illustration synthétique pour faciliter la mémorisation de ces informations. « Bien sûr, certains chiffres sont voués à se préciser dans les années à venir, au gré des nouvelles études qui seront conduites. Il sera donc nécessaire d'actualiser et d’étoffer nos articles au fil des années.» Pour les articles « plus techniques », elles ont souhaité la relecture de chercheurs du département de Géosciences dont certains ont participé à la rédaction des rapports du GIEC.
Pour le collectif, l’essentiel de cette opération de vulgarisation scientifique est d’alerter le grand public de l’urgence de la situation : « Le changement climatique n'est pas un scénario dystopique futuriste inventé par des génies de la science-fiction : il est déjà là et connu depuis les années 1980 ! Ses effets sont divers et variés mais ils nous touchent ou nous toucheront tou⋅te⋅s : montée des eaux, réfugié⋅e⋅s climatiques, vagues de chaleur, inégalités accrues, etc. Il est donc urgent d'agir pour limiter au maximum l'impact du dérèglement climatique, car chaque dixième de degré compte. »
Depuis leur participation à des ateliers de sensibilisation, les trois étudiantes ont rencontré un public enthousiaste et motivé mais parfois démuni face aux assertions climatosceptiques. Alors comment répondre adroitement aux arguments opposés ? « Les arguments climatosceptiques sont variés et plus ou moins faciles à contrer, mais ils ont comme point commun d'être tous faux. Savoir rester calme et exposer avec rigueur des contre-arguments est une bonne base pour y répondre. » Mais les étudiantes de souligner qu’elles n’ont pas « la prétention d'arriver à convaincre des climatosceptiques endurci⋅e⋅s. » et espèrent plutôt consolider les connaissances de certains, qui pourront ensuite les partager avec leur entourage, peut-être moins au fait de l'enjeu climatique.
Une jeunesse face aux enjeux écologiques
Comme beaucoup d’étudiants investis dans la cause environnementale, Anna, Myriam et Solange s’inscrivent tout naturellement dans ce mouvement grandissant de la jeunesse qui s’engage et souhaite faire entendre sa voix. « Ces étudiant⋅e⋅s ont de l'énergie, et ils et elles, sont surtout plein⋅e⋅s d'espoir, de rêves et d'utopie pour imaginer et façonner un monde plus sain. Nous pensons effectivement que cette jeunesse, que beaucoup associent à un manque de maturité, est en réalité une force, surtout lorsqu'elle réussit à influencer les générations plus âgées. »
Elles constatent d’ailleurs que « de plus en plus de jeunes ont conscience de l'enjeu écologique, comme le montre le succès du Manifeste pour un Réveil Écologique, leur présence en manifestation ou dans les collectifs militants», mais se pose tout de même la question de savoir si « la jeunesse parviendra à inverser la tendance dans les années cruciales qui approchent ? »
A l’ENS-PSL, plusieurs cours sur les enjeux environnementaux et climatiques sont proposés dans le parcours étudiant en géosciences. Spécificité de l’institution, les étudiants ont également la possibilité de suivre des cours transversaux, notamment en sciences sociales et des mineures sur la thématique de l’écologie. Pour le collectif, il est évident « que les enjeux environnementaux, à la fois dans leur dimension scientifique et dans leur dimension sociale, devraient être davantage inclus dans les formations universitaires et même dans la scolarité en général. »
Outre le site pédagogique GIEC’Splique, Anna, Myriam et Solange continuent et diversifient leur engagement, notamment en participant à l’animation des Fresques du Climat , des ateliers de sensibilisation et de vulgarisation ludiques sur le changement climatique, basés sur l’intelligence collective, visant à comprendre les causes et conséquences du changement climatique, proposés notamment lors de l’Écocampusienne, le festival annuel de l’association Ecocampus.
Agir pour l'environnement
Au-delà du dérèglement climatique, Anna, Myriam et Solange, souhaitent rappeler que les enjeux environnementaux sont bien plus vastes, « notamment concernant la pollution de l'air, des eaux et des sols, l'effondrement de la biodiversité et la surexploitation des ressources. » Et qu’il s’agit de ne pas faire fausse route avec une option de « développement durable » qui ne leur semble pas être une solution au dérèglement climatique, « dans la mesure où il maintient l'illusion qu'il est possible d'être à la hauteur sur les enjeux environnementaux et sociaux sans remettre en question le système économique actuel.»
A ceux qui souhaiteraient agir concrètement, les trois étudiantes proposent une feuille de route et un mode d’emploi avisé :
Réfléchir : « s'interroger sur les impacts de chacune de nos actions, de chacun de nos choix relatifs à notre nourriture, nos déplacements ou nos achats. Mais également essayer de comprendre comment on en est arrivé là en s'intéressant à l'Histoire, aux imbrications entre destruction de l'environnement et capitalisme, sexisme, racisme et autres systèmes d'oppression. »
Être ouvert au changement : « considérer les alternatives et ne pas rester figé⋅e dans un mode de vie et de consommation par simple habitude ou par peur de la nouveauté - autrement dit, être courageux⋅se et ouvert⋅e d'esprit, et entraîner les autres avec vous ! »
S'organiser collectivement : « pour donner une dimension politique à nos actions, que ce soit dans des associations ou dans la résistance civile. En effet, l'ampleur des actions menées réside dans la force du collectif, qui apporte en outre un soutien moral et émotionnel. »