« Osez l'interdisciplinarité ! L’ENS offre la possibilité d’explorer une multitude de chemins »

Rencontre avec David Schreiber, nouveau directeur des études lettres et sciences humaines

Créé le
27 septembre 2022
Depuis septembre, David Schreiber, professeur agrégé au département d’histoire de l'ENS-PSL, est le nouveau directeur des études lettres, sciences humaines et sociales aux côtés de Clotilde Policar, directrice des études sciences.
S’il estime volontiers avoir « beaucoup à apprendre », David Schreiber est avant tout heureux d’épauler les étudiantes et étudiants dans leur scolarité, et de se confronter aux défis d’une école en mouvement.
David Schreiber - © Frédéric Albert  Pôle communication ENS-PSL
David Schreiber, nouveau directeur des études lettres, sciences humaines et sociales de l’ENS, a pris ses fonctions en septembre 2022 © Frédéric Albert / pôle communication ENS-PSL

Vous êtes depuis cette rentrée directeur des études Lettres et Sciences humaines de l’ENS, qu’est-ce qui vous a amené à ce poste ?

Je venais de quitter la direction des études du CPES de l'université PSL depuis quelques mois, quand l'École normale m'a fait cette proposition qui m'a beaucoup honoré. Après avoir travaillé pour une formation de niveau licence, c'était un peu comme si j'étais pris en master !
De fait, c'était l'occasion pour moi de me mettre de nouveau au service des étudiants et étudiantes, enseignants et enseignantes de l'École, avec l'appui de son administration et au sein de la direction de Frédéric Worms, Valérie Theis, Anne Christophe et Myriam Fadel. L’environnement que je rejoins est de plus en pleine évolution : la Direction des études s’est récemment enrichie d'une Direction de la vie étudiante, dont Dorothée Butigieg est aujourd’hui la responsable, et le sera bientôt d’une Direction des carrières, pour former une direction plurielle, la DEVEC, pour enseignements, vie étudiante et carrières.

Quelles sont vos missions au sein de ce poste ?

Mes missions principales consistent à mettre en œuvre la politique de formation, d'assurer l'organisation et le bon déroulement des cursus. Pour y parvenir, je sais pouvoir compter sur l'équipe des directeurs et directrices des études de chacun des départements en lettres et sciences humaines et sociales, ainsi que sur la direction des études pour les sciences, avec qui nous pensons la cohérence d'ensemble de toutes les disciplines et de tous les parcours.

Sur quels sujets la communauté étudiante de l'École normale supérieure peut-elle vous solliciter ?

Les étudiantes et étudiants peuvent me solliciter pour toutes les questions concernant leurs études, aussi bien pour des points techniques - les attendus de leurs diplômes, certains choix de cours, d'expériences d'ouvertures, le déroulement des années de scolarité - que pour des questions plus larges qu'ils ou elles se posent sur leur avenir. Quel que soit le sujet, il ne faut pas hésiter à venir discuter avec moi !
Je compte aussi sur les étudiantes et les étudiants pour m'aider à avoir une vision précise de ce qui fonctionne bien et moins bien dans notre organisation, et j'aimerais que nous puissions bâtir ensemble les évolutions qui sembleront nécessaires.

Comment appréhendez-vous cette rentrée et plus globalement cette année à l'École en tant que directeur d’études Lettres et Sciences sociales ?

J'ai énormément de choses à apprendre et à comprendre, il va sûrement me falloir quelques semaines pour m'installer dans cette fonction. J'en profite d'ailleurs pour remercier très chaleureusement Dorothée Butigieg qui fut directrice des études avant moi et qui prend maintenant la direction de la vie étudiante, et Clotilde Policar qui dirige les études du côté des sciences, pour leur immense disponibilité et patience depuis mon arrivée.
Au cours de cette rentrée, j'ai constaté toute la richesse des parcours que nous proposons, le développement des programmes vers les publics scolaires pour promouvoir la diversité et l'inclusion sociale, les incitations fortes à la transdisciplinarité, aux expériences hors-les-murs. Tout ce foisonnement incite à stabiliser et à clarifier encore davantage notre offre pédagogique. C'est particulièrement vrai pour les mastériens et mastériennes qui rejoignent l'École et l'université PSL pour un temps plus court. Je crois qu'il y a beaucoup à faire de ce côté-là.

Auriez-vous des conseils pour tout nouveau normalien ou normalienne ?

Soyez curieux et curieuses ! Poussez les portes de l'université PSL ! Osez l'interdisciplinarité, tournez-vous vers les cursus pluri et transdisciplinaires ! Et pensez que la scolarité est longue, l’ENS donne la possibilité d’explorer une multitude de chemins, mais aussi de se tromper, de changer de cap, dès lors que ce sont des choix réfléchis, cohérents avec ses projets. Il y a bien sûr un risque de se disperser mais vous aurez le temps de vous recentrer par la suite. Et ne vous précipitez pas, il ne faut pas chercher à tout faire tout de suite.
L'autre point selon moi important, sur lequel j'ai insisté lors des réunions de rentrée : pour celles et ceux qui viennent des classes préparatoires, il y a toujours un temps d'adaptation car à l’École, l'encadrement est très différent et l'autonomie beaucoup plus grande. Cela peut être un peu déstabilisant, ce qui est tout à fait normal. Là encore, il ne faut pas hésiter à venir nous en parler !

Vous êtes vous-même normalien. Avez-vous un souvenir particulièrement marquant de vos années à l’École ?

Difficile de répondre : une multitude de souvenirs afflue, tous liés aux amitiés qui sont nées lors de ces années et qui sont encore au cœur de ma vie. Mais, à la réflexion, trois faits marquants me reviennent :  mon éblouissement à la bibliothèque lors de la visite de rentrée faite par son directeur à l'époque, Pierre Petitmengin, que nous avons perdu il y a quelques semaines. L'hilarité de l'entraîneur du club d'aviron des bords de la Marne, qui avait accepté de nous accueillir, un petit groupe de camarades et moi, pour nous remettre en forme après nos années de classes préparatoires - je n'avais jamais fait de sport jusque-là. Enfin, mon exaltation dans nos assemblées générales - très respectueuses des personnes et des lieux, je le souligne ! - en Dussane lors des grandes grèves de l'hiver 1995. Nous vivions en vase assez clos dans le quartier latin - sauf l'aviron -, mais nous avons aussi eu le sentiment d'être soudainement branchés sur un puissant mouvement national et d'élargir d'un seul coup notre expérience du monde social.

Vous enseignez aussi l'Histoire. Pouvez-vous nous parler de vos cours ?

J'ai la chance de pouvoir enseigner des thématiques qui sont celles de mes préoccupations intellectuelles et universitaires, autour de questions liées à nos rapports aux temps : les liens entre nos expériences passées, nos mémoires collectives, familiales, individuelles et nos attentes, notre perception des futurs possibles. Cela englobe mon intérêt pour « l'histoire », au sens large, comme forme de connaissance et mode d'inscription dans le temps, et pour les historiens et les historiennes comme groupe social.
Je donne un cours qui me passionne aux étudiantes et étudiants du CPES, intitulé Temps et histoire de l'Antiquité à la modernité, sur l'histoire des calendriers, des rythmes sociaux, des rapports au passé et au futur.
Cette année, j’enseigne aussi au département d'Histoire de l’ENS. Mon cours porte sur l'évolution des mémoires nationales et transnationales en Europe au XXe siècle, en montrant comment se sont complexifiés nos rapports à la mémoire depuis 1945 et comment cela a transformé les traditionnels "récits nationaux".

Pourquoi avoir choisi le métier d'enseignant ?

Pourquoi professeur d'histoire ? D'abord parce que j'ai grandi dans une famille où l'école, les savoirs et leur transmission étaient très valorisés, et dans laquelle les événements tragiques du XXe siècle avaient laissé des traces très vives dont on parlait beaucoup, à partir d'expériences et de positions sociales pourtant très différenciées : celles de la Résistance et de l'engagement politique du côté de la famille de ma mère, issue d'un milieu aisé, et celles de la migration et de la tentative d'anéantissement des Juifs, du côté de mon père, issu d'un milieu modeste. Rien de très surprenant ni original pour ma génération : l'Histoire avec sa grande hache, comme a dit Georges Pérec, était bien passée par là.
Et aussi parce que professeur, c'est le meilleur moyen pour rester étudiant toute sa vie !

À propos de David Schreiber

 

David Schreiber est entré à l'ENS en 1994 par le concours B/L (lettres sciences sociales) et passe l'agrégation d'histoire, avant de s’inscrire en thèse à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS).

 

Après son contrat doctoral, il se voit proposer un poste de professeur agrégé, rattaché à la Bibliothèque générale des Lettres, à l'ENS. « Je m’y suis investi plusieurs années aux côtés de deux directrices successives qui m'ont beaucoup appris, Laure Léveillé et Nathalie Marcerou-Ramel », se souvient-il.

 

Parallèlement, David Schreiber continue d’enseigner. La création du cycle pluridisciplinaire d'études supérieures (CPES) de l’Université PSL en 2012 est pour lui l'occasion de renouer complètement avec sa vocation première. Isabelle Catto, alors vice-présidente chargée de la formation à PSL et première directrice du CPES, lui propose de rejoindre son équipe, constituée de collègues de PSL et du lycée Henri IV, et de prendre la direction du parcours Humanités. « Une expérience formidable », pour David Schreiber : « Le CPES nous donnait l'occasion de construire de A à Z un parcours pédagogique tout nouveau, pluridisciplinaire, basé sur la formation à la recherche par la recherche, sélectif mais très ouvert à la diversité. »