QLab, un fablab interdisciplinaire dédié au vivant
Un lieu de formation unique pour QBio, le centre de biologie quantitative de l’ENS-PSL, au cœur de PariSanté Campus
Il y a tout juste un an était lancé QBio, un centre international transdisciplinaire ancré dans le nouvel écosystème PariSanté Campus, pour comprendre et prévoir l'organisation fondamentale du vivant. Au cœur du projet, le QLab, un fablab novateur qui permettra aux étudiants de toutes disciplines de découvrir et de se former à l’expérimentation en biologie quantitative.
Jean-François Allemand, professeur au département de physique de l’ENS est l'un des coordinateurs du QLab. Il nous éclaire sur le fonctionnement et les enjeux de ce lieu de formation interdisciplinaire de pointe.
En septembre dernier, une dizaine de mois après son lancement, QBio transférait une partie de ses locaux dans le bâtiment Fresk de PariSanté Campus. Une étape clé pour le nouveau centre de biologie quantitative de l’ENS-PSL, qui s’affirme comme l’un des principaux acteurs de cet écosystème de recherche et d'innovation en santé numérique. Décidément en pleine effervescence, les équipes de QBio préparent aussi l’ouverture au printemps 2023 de QLab, un fablab pour les apprentissages des étudiants en biologie quantitative.
Innovation et expérimentation interdisciplinaire
Plus inclusif qu’un centre de recherche, QBio est également un véritable écosystème de formation et d’enseignement de pointe. Son futur QLab offrira toute une palette d’outils de mesures et de set-ups expérimentaux, permettant aux étudiants de tous horizons scientifiques de découvrir et se former aux défis des systèmes vivants. L’ambition de cet outil pédagogique est de favoriser l’intégration interdisciplinaire et l’innovation.
« Nous l’envisageons comme un lieu de rencontre entre les étudiants et les équipes enseignantes autour de projets expérimentaux, centrés sur le vivant », explique Jean-François Allemand, professeur au département de physique de l’ENS-PSL et coordinateur du QLab. Installé sur le campus de Montrouge, à une vingtaine de minutes du campus Panthéon de l’École normale comme de l’immeuble Fresk qui accueille PariSanté Campus, l’installation du fablab est en passe de finalisation. Il devrait pouvoir accueillir ponctuellement ses premiers étudiants lors de la PSL Week de mars, puis s’insérer dans la scolarité des normaliens dès la rentrée 2023.
« Mon rôle actuel consiste essentiellement à faire l’acquisition de tous les éléments de base d’un laboratoire pluridisciplinaire et à permettre l’émergence des projets qui serviront à lancer les premières activités. En cette fin de phase importante d'achat, je tiens d’ailleurs à remercier l'ENS pour son soutien, ainsi que le Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, la Fondation de l'ENS et le LABEX Qlife qui ont également contribué à notre installation. Je dois aussi penser à plus long terme, imaginer les évolutions possibles du QLab et prévoir les installations en conséquence », détaille Jean-François Allemand. « Pour cela, je travaille en équipe avec Patrick Charnay et Terence Strick, chercheurs à l’Institut de Biologie de l’ENS (IBENS), Zoher Gueroui du département de chimie et un ingénieur de recherche, Mohyeddine Omrane », précise le scientifique. « Nous souhaitons de la pluridisciplinarité et de la collaboration dans les activités du QLab, il est important que cela s’exprime aussi dans le mode de fonctionnement de l’équipe conceptrice du fablab. »
Former les scientifiques de demain
À vocation « essentiellement pédagogique et de formation », le QLab accueillera ainsi expérimentations, collaborations scientifiques et techniques entre étudiants. Y seront partagés les équipements, les compétences et les savoirs.
La formation des scientifiques de demain est naturellement l’une des principales missions du QLab et comme le rappelle Jean-François Allemand, « pour faire vivre la recherche, il faut des chercheurs créatifs, mais aussi des étudiants parfaitement formés, qui seront nos futures forces vives. L’École normale a une vocation pluridisciplinaire, avec le QLab, nous souhaitons faciliter et nourrir les échanges et les projets entre les étudiantes et étudiants de disciplines variées, afin qu'ils puissent se sensibiliser à de nouveaux questionnements scientifiques. »
« Une bonne collaboration scientifique interdisciplinaire ne peut se faire sans prendre le temps de comprendre l’autre et sa discipline. »
Physicien de formation, Jean-François Allemand a travaillé au sein des départements de biologie puis de chimie de l’ENS-PSL, avant de revenir au département de physique, où s’était déroulée sa thèse, en tant que professeur. Au cours de sa carrière, il a pris conscience des enjeux d’une recherche interdisciplinaire et de l’importance de s’approprier très tôt les enjeux de ce mode de collaboration : « bien qu’ils soient tous chercheurs, physiciens, biologistes et chimistes n’ont pas le même vocabulaire. Ils expriment leurs idées et leurs problématiques de manière différente, ce qui, lorsqu’ils travaillent ensemble sur un projet, peut constituer un obstacle à son bon déroulement ». Pour Jean-François Allemand, une bonne collaboration scientifique ne peut se faire sans prendre le temps de comprendre l’autre et sa discipline, « et mieux vaut développer ces aptitudes et cette habitude le plus tôt possible », ajoute-t-il.
« Une passerelle entre la salle de cours et le laboratoire »
Les étudiants à l’interface du vivant bénéficient d’une bonne formation dans des disciplines précises grâce aux divers enseignements, mais « il leur manque parfois une dimension plus globale. La conscience qu’ils peuvent collaborer autour d’un projet avec des condisciples d’autres spécialités », estime le scientifique.
« Les étudiants seront également bien préparés scientifiquement pour s’insérer dans le projet de PariSanté Campus. »
QLab, par sa dimension expérimentale, apportera cette ouverture aux autres disciplines. « Nous voyons ce lieu comme une passerelle entre la salle de cours et le laboratoire. Idéalement, le QLab doit permettre aux étudiants d’être indépendants, d’y construire en autonomie des projets de recherche nés de leurs discussions. Bien sûr, des enseignants-chercheurs de l’ENS, mais aussi d’autres établissements comme les Instituts Pasteur et Curie seront là pour les guider. Mais, nous souhaitons qu’ils conservent la liberté d’initiative », souligne Jean-François Allemand.
Des projets aux thématiques « assez larges » seront également proposés aux étudiantes et étudiants, afin de les familiariser avec le fonctionnement du QLab et de la recherche interdisciplinaire autour du vivant. Par exemple, ils pourront travailler sur la chémotaxie, c’est-à-dire le mouvement d’une bactérie dans un profil spatial de nutriments. Un phénomène qui implique « des notions de biologie par les bactéries qui sont au cœur du projet, de chimie et de microfluidique pour l’utilisation d’un dispositif permettant de générer des profils spatiaux de concentrations, de physique pour la construction d’un microscope et l’observation de ces bactéries, de l’informatique pour l’analyse des images, mais aussi des mathématiques pour modéliser des résultats avec une équation différentielle stochastique. Tout cela pour comprendre une partie de la biologie bactérienne et expliquer comment un si petit organisme peut sentir des variations spatiales à des échelles bien plus grandes que lui et s’en servir pour se développer », détaille le chercheur.
Afin de couvrir ce large éventail de disciplines, le QLab s’est doté d’une palette d’équipements, notamment pour cultiver de manière optimale les éléments biologiques utilisés comme les bactéries, les levures ou les algues. Un Poste de Sécurité Microbiologiques (appelé hotte PSM) permettra leur manipulation en toute sécurité, auquel s’ajoutent des incubateurs et plus largement du matériel de biologie moléculaire. Du matériel d’optique complètera les dispositifs (microscopes, lentilles, caméras, fibres optiques… ) ainsi que des sources de lumière dont des lasers, certains pouvant être assez puissants pour monter des pinces optiques. « Il y aura bien sûr des ordinateurs performants afin d’automatiser la prise de données et les analyser, mais aussi de quoi construire de l’instrumentation expérimentale : découpes laser, imprimantes 3D, postes à souder, oscilloscopes, composants électroniques…».
Diversifier l’offre de formation au long terme
Si le QLab est d’abord destiné aux étudiants en cours de scolarité, il va également proposer des ateliers de formation aux doctorants. « Et si tout se passe parfaitement, des chercheurs pourront nous contacter pour les aider dans leurs projets en instrumentation avec la participation des étudiants du QLab », projette Jean-François Allemand. « Nous pourrons aussi, en parallèle de notre offre locale, proposer des écoles d’été et des stages pratiques internationaux comme ceux de l’Organisation européenne de biologie moléculaire (EMBO), pour donner de la visibilité à l’École dans ce domaine et attirer plus de doctorants et post-doctorants », ajoute-t-il.
À propos du projet PariSanté Campus
Situé dans le 15e arrondissement de Paris, PariSanté Campus est un écosystème de formation, de recherche, d’innovation et d’entrepreneuriat de rang mondial destiné à la recherche médicale de très haut niveau en santé numérique, en intégrant la dimension éthique et l’ouverture vers la société. PariSanté Campus rassemble cinq opérateurs publics : l’Inserm, l’Université PSL, l’Inria, Health Data Hub, l’Agence du Numérique en Santé ainsi que de nombreux partenaires privés de la recherche, de l’innovation, et du soin, pour rendre concrète la santé du futur. |