« Quoi qu’il en soit, les futurs professeurs seront confrontés à la dyslexie pendant leur métier. »
La dyslexie touche environ 8 % de la population française. Les futurs professeurs issus de l’ENS-PSL seront directement confrontés à cette situation. Depuis deux ans, le département ECLA propose une journée de formation et de sensibilisation pour mieux aborder ce trouble neurobiologique.
« Cela fait des années que nous repérons dans nos cours de langues des élèves dont nous pensons qu’ils sont dyslexiques. N’étant pas habilités à fournir un diagnostic, nous restons cependant sur notre réserve, explique Hélène Boisson (Lettres, 1996), professeure de Français Langue Étrangère à l’ENS-PSL. Ce sont ces élèves dont les capacités de réflexion et d’expression sont tout à fait excellentes, mais qui ne parviennent pas à mémoriser le vocabulaire courant ou les règles de conjugaison, qui font des erreurs persistantes d’accords en genre et en nombre, ou ont même des problèmes de compréhension des consignes ou de repérage dans le temps. »
Pour une meilleure prise en compte des difficultés
En France, on estime que la dyslexie concerne 8 % de la population. « Il y a forcément quelqu’un de dyslexique autour de vous », précise Hélène Boisson. Ces troubles, aujourd’hui reconnus comme d’origine neurobiologique, se caractérisent le plus souvent par une inversion des lettres et des sons et par une lecture et écriture lentes. Depuis 2005, la loi prévoit, dans l’enseignement supérieur, des mesures pour accompagner les étudiants et les étudiantes dyslexiques, avec notamment la mise en place d’un tiers-temps et parfois d'accompagnant ou d’accompagnante en classe ou examen. « Malheureusement, ces différents aménagements restent encore mal connus. Sans avoir suivi de formation, il n’est pas facile de savoir comment aider tous les élèves, surtout ceux qui ont des besoins spécifiques. D’où l’idée pour nous de faire une journée dédiée. », raconte Hélène Boisson. En mars dernier, les étudiants et étudiantes du cours de didactique du FLE et d’autres étudiants intéressés se sont retrouvés pour entamer une réflexion sur le sujet. « Il nous semblait nécessaire d’aborder le sujet avec nos étudiants pour les sensibiliser à ces questions très importantes pour leur formation pédagogique de futurs lecteurs de français à l’étranger et de futurs enseignants de toute discipline, indique Elisa Raschini, docteure en sciences du langage, enseignante d’italien à l’ENS-PSL et coorganisatrice de la journée. Il y a deux ans, nous avons invité Mme Paola Celentin, linguiste, didacticienne des langues et spécialiste en didactique inclusive (Université de Vérone et Groupe ELICom de l’Université de Parme). C’était absolument passionnant et les normaliens d’ECLA avaient adoré. » Après la pandémie, la journée a été reconduite en 2022. « Cette année, une étudiante anglaise dyslexique est venue nous témoigner de ses difficultés, raconte Hélène Boisson, coorganisatrice de la journée. C’était très intéressant de partager son expérience et d’apprendre comment les besoins spécifiques étaient pris en compte dans un autre pays. »
« Tout cela n’est pas seulement utile pour les personnes dyslexiques. Ces aménagements ne sont pas si difficiles à mettre en œuvre et l’idée est que cela serve à tout le monde, à tous les profils, en rendant le cours plus clair et plus efficace pour toute la classe. »
S’adapter en classe
Au-delà des témoignages, la journée a surtout été l’occasion d'adapter sa pédagogie d’enseignement pour mieux accompagner l’apprentissage des étudiants dyslexiques, mais aussi des autres. Avec Paola Celentin, les étudiants ont d’abord mené un travail pratique, avec des activités permettant de comprendre les difficultés et le ressenti des personnes dyslexiques. Puis, ils ont réfléchi aux stratégies pour rendre plus accessible l’enseignement. Par exemple, donner les consignes à la fois oralement et par écrit, autoriser l’enregistrement audio au lieu de la prise de notes en classe, renoncer à faire lire certains élèves à haute voix, ou présenter des textes avec une typographie lisible, sans empâtement et avec des colonnes bien droites. « Ce qui est à éviter pour les personnes dyslexiques, c'est la feuille illustrée avec plein d’éléments dans tous les coins, un petit encadré, du texte mis de travers, etc., détaille Hélène Boisson. Quelques nouveaux manuels de langue sont plus adaptés à cette problématique, mais pas tous. Certains éditeurs en tiennent davantage compte. » Et les deux professeures d’insister : « Tout cela n’est pas seulement utile pour les personnes dyslexiques. Ces aménagements ne sont pas si difficiles à mettre en œuvre et l’idée est que cela serve à tout le monde, à tous les profils, en rendant le cours plus clair et plus efficace pour toute la classe. »