« Redonner en partie ce que j’ai reçu pendant mes études »

Sofian Khabot, normalien, est cofondateur de l’association d’entraide scolaire ECLOR

À travers une série de portraits, partez à la rencontre de normaliens et d’alumni. Sofian Khabot, en troisième année au département des Arts de l’ENS-PSL est aussi, en parallèle de ses études, président d’ECLOR. Une association dont la mission est d’apporter une aide et un accompagnement personnalisés à des élèves en difficulté, dans des collèges relevant de l’éducation prioritaire.
Sofian Khabot
Sofian Khabot

Entre cinéma et engagement associatif

Sofian Khabot a passé un bac scientifique après un avoir suivi des études au lycée Franco-Allemand de Buc, dans les Yvelines.

Poussé par son professeur de philosophie de Terminale, qui l’encourage aussi à se préparer au concours de l’ENS, Sofian Khabot intègre le lycée Henri-IV et une classe préparatoire lettres et sciences sociales avant de réussir le concours. Il entre à l’École normale supérieure et rejoint le département des Arts en cinéma.

En parallèle de la préparation du DENS (diplôme de l’École normale supérieure), il poursuit des études cinématographiques d’abord à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en Licence, puis à Paris 3 en Master. Attaché aux différentes formes de pratique artistique, mélomane et musicien, Sofian suit aussi la classe de chant lyrique du conservatoire du 13e arrondissement de Paris et fait partie d’une troupe de théâtre amateur en banlieue.

Une passion évidente pour la culture sous toutes ses formes, que Sofian nourrit grâce à sa curiosité naturelle mais aussi à ses études et à la bienveillance de ses enseignants : «je suis bien conscient de la chance qui est la mienne d’être normalien : je dois beaucoup à ce que l’on a coutume d’appeler en ce moment « l’école de la République » et à ses professeurs, qui ont su me diriger vers des voies stimulantes et exigeantes et ont nourri ma curiosité et mon envie d’apprendre depuis le primaire. » confie Sofian avec gratitude.

Il y a un an, l’étudiant décidait de s’engager à son tour pour permettre à d’autres de profiter des possibilités que lui a offertes son parcours scolaire : « tenter de redonner en partie ce que j’ai reçu pendant mes années d’études me semblait fondamental. »

Avec Marie Sergeant, normalienne comme lui, en deuxième année au département de Littératures et langage de l’École, il cofonde l’association ECLOR (Entraide dans les Collèges Locaux pour l’Ouverture et la Réussite). Une initiative étudiante qui entend accompagner les élèves en difficulté dans des collèges relevant de l’éducation prioritaire.

« Nous accompagnons en ce moment des élèves de la sixième à la troisième au collège Edgar Varèse dans le 19e arrondissement en proposant des séances de tutorat. Chaque étudiant engagé auprès de nous suit un ou deux collégiens en s’adaptant à leurs besoins. » précise le normalien.

 

Un accompagnement sur-mesure à un moment clé de la scolarité

En fonction de l’élève, ces séances hebdomadaires prennent la forme d’une aide aux devoirs, d’une remise à niveau sur les fondamentaux, notamment en français et en mathématiques, d’une révision des cours ou encore de discussions autour de l’orientation, pour les plus âgés d’entre eux.

« L’accompagnement très personnalisé que nous proposons est une singularité pour des collèges qui ne peuvent pas assurer un tel type de suivi : il vient ainsi compléter les autres dispositifs déjà présents dans les collèges de REP. L’idée est de créer un lien privilégié entre l’étudiant et le ou les collégiens qu’il encadre, pour permettre à ces élèves d’avoir un référent de confiance en dehors du collège, avec lequel ils puissent échanger. »

Les membres de l’association ECLOR, tous bénévoles, travaillent en collaboration étroite avec l’équipe pédagogique du collège et notamment les professeurs principaux. Ceux-ci déterminent ainsi les élèves ayant le plus besoin de ce dispositif et qui en bénéficient en priorité. Ils indiquent aussi à Sofian et son équipe les principales difficultés à travailler avec les collégiens.

Le suivi des élèves étant au cœur des mission d’ECLOR, les bénévoles s’appuient sur un dispositif d’accompagnement rigoureux, adapté à chacun, comme l’explique Sofian : « nous avons établi un système de fiches de suivi où nous inscrivons ce qui a été vu à chaque séance ainsi que les difficultés rencontrées par l’élève, tout comme ses progrès : cela permet aux professeurs et à la direction de l’établissement de suivre notre action et facilite la transition avec un autre tuteur, ce qui peut arriver avec le changement de semestre ou les séjours à l’étranger d’une partie des normaliens. »

Sofian considère le collège comme un lieu d’action privilégié, qui représente un moment charnière dans la scolarité d’un élève : « dans les premières classes comme la 6e et la 5e, il est encore temps de rattraper les éventuelles lacunes héritées du primaire avant un décrochage scolaire qui intervient souvent à partir de la 4e ou de la 3e. Pour les plus grands, l’issue du collège est synonyme d’orientation vers les différentes filières du lycée qui déterminent grandement les choix d’études par la suite. »

Et comme le souligne l’étudiant, le collège correspond aussi à une période de fragilité et de construction d’identité pour les adolescents, un moment où la nécessité d’un soutien et d’une attention renforcés se font ressentir. « Le programme particulièrement riche de ces années d’apprentissage peut aussi parfois sembler aux collégiens à la fois très vaste et paradoxalement très répétitif dans certaines matières, et ce malgré tous les efforts des professeurs ajoute Sofian. Pour toutes ces raisons, il nous a donc semblé que le collège représentait un moment où un coup de pouce extérieur pouvait avoir un vrai effet sur la scolarité des élèves, et c’est ce petit coup de pouce que nous essayons d’apporter aux collégiens que nous accompagnons. »

Car pour le normalien, il est important de donner la possibilité d’un apprentissage adapté à chacun, et ce que l’on soit collégien ou étudiant. Y ayant réfléchi pour lui-même, il sait précisément ce qu’il aime dans son parcours à l’École : « les années passées au sein de l’ENS ont été pour moi celles d’une découverte de moi-même : après deux ans de classes préparatoires où l’on assimile énormément de connaissances, à la fois passionnantes mais partiellement aliénantes en ce qu’elles nous sont imposées de l’extérieur sous la forme d’un programme arrêté, l’ENS propose un modèle d’apprentissage radicalement différent puisqu’il revient à chacun de construire son propre parcours à partir de ses centres d’intérêts, qui se précisent avec le temps. »

 

Relecture de parcours et conseils d’un grand passionné

À propos de ses études à l’ENS, Sofian est particulièrement sensible à l’aspect pluridisciplinaire encouragé par le département des Arts, où il étudie : « l’objectif du département est vraiment celui de promouvoir la circulation des idées entre les différentes disciplines. C’est une de ses grandes richesses : la pluralité des approches et des savoirs permet de nourrir nos propres recherches. Il ajoute avec enthousiasme : en tant qu’étudiant en cinéma, mes cours d’histoire de l’art m’ont notamment permis d’avoir accès à de multiples références iconographiques qui résonnent avec les films que j’étudie, d’aborder les croisements entre art contemporain et médiums cinématographiques dans l’art vidéo ou encore d’acquérir des outils d’analyse picturale aisément transposables à l’analyse filmique. »

C’est cette interdisciplinarité, largement encouragée au sein de l’École, qui participe avant tout à construire l’identité unique de l’établissement : « c’est une chance inouïe de pouvoir suivre des cours dans les matières que l’on souhaite et de s’ouvrir à d’autres modes de pensée et d’autres domaines que celui dans lequel on se spécialise. C’est aussi un formidable lieu d’échange et de rencontre avec des personnes curieuses, ouvertes et passionnées ; où un étudiant en géographie peut se retrouver en cours de musicologie à discuter des Lieder de Schubert avec un étudiant en mathématiques. C’est enfin une communauté très engagée dans la vie même de l’établissement, ce dont témoignent les nombreuses associations, clubs et projets qui l’animent. »

Outre l’interdisciplinarité et l’excellence académique qui font la réputation de l’École, c’est la possibilité d’étudier une discipline qui est enseignée dans très peu de grandes écoles, le cinéma, qui a orienté le choix de Sofian. Sur ce point, il aime à souligner : « l’ENS représentait une porte ouverte vers de nombreuses carrières et cursus d’études différents, me laissant ainsi la possibilité de choisir et d’adapter mon parcours après avoir intégré l’École. »

À ceux qui souhaitent rejoindre l’ENS, Sofian conseille avant tout de ne pas s’auto-censurer : « si intégrer l’ENS vous fait rêver, alors il faut absolument tenter sa chance et se donner les moyens de réussir », insiste-t-il. « Avoir le niveau pour passer les concours de l’ENS représente déjà un aboutissement considérable et ce qui compte, c’est l’exigence et la richesse intellectuelles des parcours qui y mènent et qui sont tous très formateurs. »
Aussi, il livre un dernière conseil : « investissez-vous dans tous les cours, même ceux que vous appréciez sans doute un peu moins, c’est le prix à payer pour pouvoir bénéficier de la liberté du choix de vos études à l’ENS. »