Retour à l’Alma Mater
Rencontre avec Alice Balfourier, nouvelle maître de conférence à l’ENS.
Formée initialement à l’ENS, Alice Balfourier est depuis décembre dernier maître de conférence en biochimie inorganique, à l’École. Elle nous raconte son parcours, ses recherches et ses ambitions pour ses élèves.
Elle le confie rapidement : « Le choix de la chimie n'a pas été si clair pour moi initialement. Il n'est pas toujours facile de choisir une spécialité en tant qu'étudiant, en ayant une vision limitée de chaque domaine. » Alice Balfourier utilise d’ailleurs la biologie et la physique dans le cadre de sa recherche actuelle. « Il est toujours difficile pour moi de dire que j'ai choisi la chimie, alors que celle-ci ne représente qu'une partie de mon travail quotidien. Je dirais plutôt que j'ai sélectionné ce qui m'intéressait dans chacune des trois disciplines scientifiques. Néanmoins, cette formation initiale en chimie reste centrale dans ma vie de chercheuse, car elle conditionne ma vision des problématiques sur lesquelles je travaille. »
Mesurer le chemin parcouru
Cela étant dit, Alice Balfourier enseigne la chimie inorganique aux élèves de première année de l'ENS depuis décembre 2021. La chimie organique est le domaine de la chimie reposant sur les atomes les plus courant dans l'organisme, soit le carbone, l'hydrogène, l'oxygène ou l'azote principalement. À l’inverse, la chimie inorganique implique les quelques soixante autres éléments stables du tableau périodique, et en premier lieu les métaux. « C’est un sujet très large et les notions que j'enseigne servent de socle de connaissance pour comprendre la recherche liée à ce domaine, précise-t-elle. Cette seconde entrée à l'ENS lui permet également de mesurer le chemin parcouru depuis sa première rentrée à l'école en 2013 : « C’est la concrétisation matérielle de huit ans de travail, confit-elle. Le parcours de chercheur est difficile et hasardeux, fait parfois de sacrifices. La concurrence est rude, ce qui peut générer beaucoup de stress pour les jeunes chercheurs. »
Une recherche en or
Après une thèse sur l’assimilation dans les cellules humaines de nanoparticules d’or, ses recherches en post doctorat ont porté sur leur utilisation dans des applications à visée médicale. En l’espèce, elle a étudié des nanoparticules développées par une start-up suisse, Hemotune, qui grâce à leurs propriétés magnétiques, permettent l'élimination de toxines du sang. « Ces nanoparticules sont majoritairement composées de fer, un élément naturellement très présent dans notre organisme, ce qui les rend plus complexes à déceler, explique-t-elle. J'ai donc mis en place des méthodes permettant de détecter, de quantifier, et de suivre les transformations de ces nanoparticules après leur injection dans de petits rongeurs en vue de l'évaluation de leur profil toxicologique. » Alice compte bien mettre à profit cette technique dans le cadre de ses futures recherches au sein du laboratoire des biomolécules de l'ENS, qui travaille également sur le développement de complexes métalliques ou de nanoparticules pour le diagnostic ou la thérapie : « Ces outils biologiques et mes compétences en chimie ouvrent des perspectives très intéressantes pour la caractérisation d'espèces métalliques à visée biomédicales dans les systèmes biologiques et l'étude de leur métabolisation. »
L'enseignement de demain
Dans ses fonctions d’enseignement, la chercheuse fait face à une difficulté nouvelle. Elle mesure combien l'émergence de nouvelles technologies nécessite d'adapter l'enseignement universitaire, pour permettre aux étudiants d'appréhender ces nouveaux outils. « Un des enjeux actuels, à mes yeux, est de prendre le tournant de ces nouvelles approches, pour préparer au mieux les élèves à ces nouveaux défis. C'est notamment la raison qui m'a poussé à proposer au département de chimie un cours d'introduction aux outils statistiques pour la chimie. » Comme un écho à sa propre hésitation, Alice Balfourier conseille aux étudiants de ne pas se précipiter dans leur choix de spécialisation et de thèse. « Ce sont les premières pierres d’une carrière », indique-t-elle. Selon l’enseignante-chercheuse, une prise de contact avec les doctorants du laboratoire et si possible un stage, sont les meilleures armes pour commencer à appréhender un sujet et éventuellement développer une appétence. « C'est une démarche qui peut être coûteuse en temps, temps qui manque souvent aux étudiants pour des raisons financières, mais qui peut réellement changer l'expérience de la thèse et leur début de carrière. », conclue-t-elle.