Sébastien Wolf

Promotion 2008 – Sciences

Collection « Trajectoires normaliennes ». Rencontre avec Sébastien Wolf, chercheur au département de biologie de l'ENS, mais aussi compositeur et interprète du groupe Feu! Chatterton. L’occasion pour lui d’évoquer ses deux métiers, mais aussi sa vocation pour la recherche.
Sébastien Wolf
Sébastien Wolf © Pôle communication

Vous êtes musicien et chercheur, comment vous présentez vous ?

Sébastien Wolf : Je me présente souvent comme chercheur et musicien, cela dépend de l’interlocuteur. Ce sont deux carrières qui sont parallèles, il n’y a pas d’ordre.

Pourquoi vous êtes-vous lancé dans la recherche ?

Sébastien Wolf : Les sciences m’intéressent depuis que je suis tout petit : j’avais demandé un microscope pour l’anniversaire de mes sept ans, puis un télescope. Je tiens sans doute cela de mes parents, et notamment de mon père, qui se posait beaucoup de questions scientifiques sans en être un lui-même. J’ai toujours été passionné par le fait de pouvoir formaliser mathématiquement des idées du réel, c’est l’essence même de la physique. Les études ont fait que j’avais des capacités, ce qui m’a permis de continuer sur cette voie.

Comment jongle-t-on entre la recherche et la musique ?

Sébastien Wolf : Les semaines ne se ressemblent pas trop. Pendant les tournées, je suis au labo en début de semaine puis je travaille sur mes recherches entre les concerts. Le reste du temps quand je suis à Paris, je vais au labo la journée, puis au studio le soir. Quand je traverse une période frustrante dans la musique, je peux retourner au labo pour me changer les idées, et inversement. C’est ce qui est grisant : les journées ne se ressemblent pas.

Comment fait-on quand on est musicien pour déconnecter de son travail de chercheur ? Et inversement ?

Sébastien Wolf : C’est facile : on peut passer de l’un à l’autre. La chance que j’ai, c’est que je fais deux métiers qui sont des loisirs, je n’ai pas l’impression d’être forcé à travailler. J’aime aller faire de la recherche, analyser de la donnée, faire des manips, et je retrouve le calme du labo pour ça.
Inversement, j’aime aller en studio pour composer et être en tournée. Le switch n’est pas difficile quand on parle du travail. Il faut surtout apprendre à gérer les relations avec des gens qui n’ont rien à voir, qui pensent différemment, et qui sont intéressés par des choses différentes. La musique est un milieu de représentation : par exemple, je vous parle de ma vie comme si c’était important. À l’inverse, il n’y a pas cela dans la recherche, mais plutôt du calme, de l’humilité et de la simplicité, des choses qui sont très précieuses. C’est ce switch-là qui est souvent plus compliqué.

Trouvez-vous des points communs entre la recherche et la musique ?

Sébastien Wolf : Les processus sont assez proches, fondés pour beaucoup sur le doute. En sciences, on doute beaucoup des résultats qu’on a. Le protocole que l’on suit permet de confronter notre hypothèse au réel, ce qui est assez rassurant, mais peut aussi prendre beaucoup de temps. On peut chercher pendant longtemps sans rien trouver. En arts, le doute est là aussi central : est-ce que ce que l’on est en train de faire est vraiment beau ? Est-ce que ça mérite d’être enregistré ? Dans les deux cas, il y a des processus de validation qui font passer cette barrière du doute. En musique, le processus de validation est très interne, basé sur nos émotions, ce qui est fragile : on peut être touché par quelque chose un jour, et le lendemain plus du tout. En allant au studio, il faut avoir une ouverture émotionnelle, et en allant au labo, une ouverture rationnelle. Les processus de recherche sont parallèles, mais les modalités de réflexion sont différentes, et il faut savoir switcher de l’un à l’autre : on ne peut pas arriver avec le même angle de pensée au labo et au studio.

Une anecdote sur vos années à l'ENS ? 

Sébastien Wolf : J’en donnerais deux. Tout d'abord, sur l'engagement, le mouvement social des années de 2010-2011 soutenu par les étudiant.es qui a permis l’obtention de CDI et de titularisations pour les travailleurs de la cantine et de la bibliothèque.
Je me souviens aussi du moment précis où Serge Haroche a appris qu’il allait recevoir le prix Nobel de Physique, c’était mon entrée en 1ere année et nous étions en pleine présentation du département de physique en salle Dussane. Jean-Michel Raymond, directeur du département de physique, est alors entré dans la salle pour annoncer la nouvelle. On a tous senti qu’il s’agissait d’un grand moment pour la physique à l’ENS.

Comment inciter les étudiants et étudiantes à intégrer Normale Sup ? 

Sébastien Wolf : Il est vrai que c'est une grande chance de pouvoir y faire ses études. Je crois que tout étudiant ou toute étudiante nourri de savoir et qui chercherait à la fois la rigueur intellectuelle et une certaine liberté de penser trouvera sa place à l'ENS. 

Biographie 

Sébastien Wolf naît en 1987 à Paris. Après une classe préparatoire au lycée Saint Louis, il intègre l’ENS en 2008, où il choisit de s’inscrire au département de physique. En parallèle, il étudie en master d’anthropologie à l’EHESS, avant de consacrer sa thèse au sujet des bases neuronales de la navigation dirigée chez le poisson zèbre et imagerie par nappe laser 2 photons de l’activité neuronale, qu’il soutient en 2017 à Sorbonne Université. Il est aujourd’hui chercheur au département de biologie de l’ENS.
Sébastien Wolf est aussi compositeur et interprète pour le groupe de musique Feu! Chatterton. Les cinq membres, Arthur Teboul, Clément Doumic, Antoine Wilson, Raphaël de Pressigny et Sébastien Wolf, se lancent dans les années 2010 et participent à plusieurs festivals comme Rock en Seine, les Francofolies et le Printemps de Bourges. Depuis, ils ont sorti plusieurs albums, dont le dernier Live à Paris – Palais d’argile tour en 2022.