Strapontin, écrire pour « sortir des codes académiques » et jouer avec « les mots, la syntaxe et le son »
À la découverte de l’atelier de journalisme de l’ECLA
Le magazine Strapontin, lancé il y a trois ans par Bartholomé Girard, chargé de cours au sein du département Espace des Cultures et Langues d’Ailleurs (ECLA) de l’ENS-PSL, est le fruit du travail de plusieurs étudiants et étudiantes qui y collaborent pour réaliser deux numéros annuels. Immersion dans cet atelier de journalisme, qui s’adresse à tous les élèves désireux de découvrir cet univers.
Strapontin, l’occasion pour les élèves de l’ENS-PSL de découvrir le journalisme
En ce début d’année 2023, Bartholomé Girard, chargé de cours au sein du département ECLA de l’ENS-PSL, accueille la quinzaine d’étudiants et d’étudiantes qui s’est inscrite à son atelier de journalisme. Les présentations faites – M. Girard enseigne également la grammaire française (niveau avancé) à l’École –, il prend un petit temps pour échanger avec les participants et participantes réunis autour de la table d’une salle du 45 rue d’Ulm. Immédiatement, les questions fusent. Tous et toutes sont curieux de savoir ce qui les attend. En quoi consisteront ces cours ? Pourront-ils, à leur tour, affuter leurs crayons et noircir leurs cahiers – ou leurs écrans – avec les pages de leurs futurs articles ? M. Girard les rassure : son atelier de journalisme se scinde en deux temps forts, calés sur l’organisation en semestres de l’ENS-PSL. La première période est consacrée à l’apprentissage de l’écriture journalistique. L’opportunité pour les volontaires de découvrir les différents types d’articles – reportages, interviews, critiques, portraits, et de s’y former. La seconde, elle, leur permet de mettre en pratique leurs connaissances fraîchement acquises en participant aux conférences de rédaction du magazine Strapontin.
M. Girard présente ensuite Strapontin. L’âme de ce magazine, ce sont les apprentis journalistes qui la forgent, à l’instar du nom qu’ils ont choisi eux-mêmes. Élèves venus de l’étranger dans leur majorité, le terme « strapontin », en plus de sa sonorité plaisante, évoquait pour eux « un objet typique du métro, comme un symbole de leur vie à Paris », mais aussi « quelque chose qui se plie et se déplie, comme un magazine », retrace M. Girard.
Certains étudiants confient leurs inquiétudes : étant issus entre autres de programmes d’échange ou de la sélection internationale, ils ont peur de ne pas assez bien maîtriser le français. M. Girard prend le temps d’expliquer que ce cours a pour vocation de les aider à progresser dans leur maîtrise de la langue de Molière, car il leur faudra « faire des recherches en français, interviewer des francophones natifs et natives, et beaucoup, beaucoup, beaucoup écrire ». Pour lui, il s’agit de « sortir des codes académiques, de se soucier du rythme de la langue et des effets qu’ils et elles peuvent provoquer avec le choix des mots, la syntaxe et les sons ».
Redécouvrir Paris : le regard des étudiants et étudiantes internationaux
En ce mois de janvier 2024, M. Girard a donné rendez-vous à ses étudiants et étudiantes pour la deuxième phase de son cours : l’atelier de journalisme. Après la théorie, vient le temps de la pratique. Il y a du café sur la table, des stylos prêts à être dégainés, et du papier pour accueillir toutes les idées : tout le monde est impatient de commencer. M. Girard pose sa casquette de professeur et prend celle de rédacteur en chef : à lui la tâche d’animer les conférences de rédaction hebdomadaires, d’accompagner les élèves pendant l’écriture de leurs articles et de leur faire des retours.
Avant de se lancer dans la première conférence de rédaction de l’année, il dévoile la maquette d’un ancien Strapontin et la fait passer aux élèves. Il souligne avoir souhaité lui donner un style « épuré », qui fasse la part belle « aux images et aux textes avant toute chose ». L’aspect visuel occupe en effet une place prégnante au sein de ce magazine : Anastasia, l’une des élèves, nous indique que chaque parution offre une place de choix à un artiste ou à un photographe qui souhaiterait partager ses œuvres. Pour elle, feuilleter ce magazine, c’est comme découvrir « une petite exposition en papier » au fil des pages.
Strapontin, mai 2024 © Strapontin
À partir de cet ancien numéro, M. Girard propose aux élèves d’examiner les anciennes rubriques du magazine, puis de définir les leurs. Strapontin revient pour la troisième année, mais chaque promotion y ajoute sa touche. Sport, art, critiques de livres, d’exposition, vie à Paris, il y en a pour tous les goûts. Une fois le sommaire établi, le temps vient de sélectionner les sujets des articles. Ce rituel, qui rythmera toutes les conférences de rédaction, est essentiel : c’est l’occasion pour les élèves de proposer des sujets qu’ils veulent mettre en avant dans la prochaine édition. Autour de la table, tous et toutes s’animent : chacun et chacune vote pour ses sujets favoris. Vient ensuite la distribution des rôles : les participants et participantes discutent pour attribuer les tâches. Certains écriront des articles, entre deux et trois par numéro, en solo ou à quatre mains, tandis que d’autres se chargeront de la relecture, de concert avec Hélène Boisson, directrice de l’ECLA. Quant à lui, M. Girard s’occupe de la dernière étape : monter le magazine avant son impression.
Sommaire du numéro de mai 2024 © Strapontin
Nous profitons d’une petite pause pour discuter avec Anastasia Sheykina, une étudiante russe du département arts de l’ENS-PSL. Issue de la sélection internationale, elle désire devenir historienne de l’art. Elle nous raconte avoir choisi le cours de M. Girard pour « améliorer [s]on niveau de langue française » mais aussi pour « développer [s]es compétences journalistiques ». Si elle a renoncé à son idée de devenir journaliste, la création du Strapontin lui a « donné envie d’écrire », raison pour laquelle elle en fait partie pour la deuxième année consécutive. Anastasia nous indique avoir apporté sa contribution à quatorze articles depuis ses débuts dans le magazine. Sa préférence va aux sujets liés à l’art, études obligent. Particulièrement contente de ses deux derniers papiers, ils lui ont permis de s’intéresser à l’art africain au Louvre (« À l’ombre des pierres », p.51, avril 2024), mais aussi à l’art dans les milieux carcéraux en France (« La grande évasion », p.51, mai 2024).
Car Strapontin est également le moyen pour les étudiants et étudiantes qui y participent de retracer leurs pas dans la capitale : ils y content leurs visites des expositions, mais aussi leurs pérégrinations, que ce soit à la station Château d’eau (« Château d’Afrique », p.9, mai 2024) ou dans le quartier des Halles (« Le ventre plein », p.20 du même numéro). Anastasia enchaîne avec enthousiasme : « l’atmosphère historique de la ville est indescriptible. Surtout lorsque je fais mes recherches, qui sont toutes liées aux relations culturelles entre la France et la Russie, je me sens très proche des époques passées ». Lire Strapontin, c’est aussi redécouvrir Paris grâce au regard des étudiants et étudiantes internationaux.
Extrait de l'article « Le ventre plein », p.20, mai 2024 © Strapontin
La conférence est finie, les chaises raclent le parquet. Maintenant, au tour des lecteurs et lectrices de découvrir le fruit du travail des membres de Strapontin. Entre un article dédié à l’exposition sur l’impressionnisme du Musée d’Orsay, la redécouverte de la rue de Trévise cinq ans après l’explosion qui avait marqué ses habitants et la critique de l’exposition des photographies de Paolo Reversi au Palais Galliera, le cœur du lecteur balance. Rendez-vous en avril 2025 pour la prochaine cuvée de Strapontin.