Trois normaliens en informatique remportent un prestigieux concours de programmation

Félicitations aux lauréats !

Résoudre en quelques heures une douzaine de problèmes algorithmiques hautement complexes ? Un défi relevé haut la main par Noé Weeks, Étienne Rossignol et Arthur Léonard. Ces trois étudiants en première année d’informatique à l’ENS-PSL ont remporté le prestigieux concours de programmation européen SWERC (Southwestern Europe Regional Contest). Une victoire qui leur ouvre les portes de la finale de l'ICPC (International Collegiate Programming Contest) qui réunira plus d’une centaine d’établissements d'études supérieures du monde entier.
Noé Weeks, Étienne Rossignol et Arthur Léonard
Noé Weeks, Étienne Rossignol et Arthur Léonard

Une compétition mondialement réputée

Le 7 mars dernier avait lieu le SWERC, un concours de programmation informatique où s’affrontent chaque année une centaine d’équipes étudiantes issues d’établissements de toute l’Europe de l’Ouest. Un concours qu’a remporté cette année l’une des équipes de l’ENS-PSL, composée de Noé Weeks, Étienne Rossignol et Arthur Léonard, trois étudiants du département d’informatique de l’École. L’une des équipes car cette année, il y avait plus de normaliens candidats que de places ouvertes pour l’établissement au concours, signe de la vitalité des études scientifiques à l’École.
Pendant 5 heures, le trio gagnant a eu à plancher sur une douzaine de problèmes algorithmiques. « C’est un véritable challenge qui demande une bonne dose d’inventivité et de réactivité », explique Arthur Léonard. « Pour résoudre de tels problèmes, il faut souvent réfléchir à partir d'algorithmes "classiques" afin de développer une solution au problème dans un langage de programmation de notre choix. »

Les normaliens ont devancé sur le podium les équipes de l’École polytechnique de Zürich et de l’Université de Tel Aviv. Cette victoire leur permet d’accéder à la finale de l’International Collegiate Programming Contest (ICPC). Le concours ICPC qui aura lieu l’année prochaine, est le plus grand concours mondial de programmation compétitive. « C’est une compétition très réputée, elle tient une place très importante dans certains pays comme la Russie, la Chine ou encore le Japon », précise Noé Weeks. Et beaucoup d’étudiants souhaitent avoir l’opportunité d’y participer : « à l’ENS, il y avait plus de normaliens que de places pour le concours, il y a donc eu une sélection individuelle interne, et notre équipe s'est ensuite formée par affinités » raconte Arthur. « C’est exact » renchérit Étienne Rossignol, « je connaissais déjà mes coéquipiers avant la compétition. Nous avions déjà travaillé ensemble et je souhaitais rejoindre cette équipe. »

 

Sortir des sentiers battus pour se former

Avec Noé, Arthur et Étienne, c’est une équipe de passionnés qui a rejoint le prestigieux concours : « je pense qu’on a tous participé au SWERC pour la même raison » commente Noé, « nous adorons l’algorithmique et la résolution de problème et à ce niveau, ce concours est incroyablement stimulant. Mais c’est aussi un excellent moyen d’étudier plus en profondeur ce domaine de l’informatique, et de travailler sa capacité à résoudre des problèmes. » Un point de vue que rejoignent Étienne et Arthur, tous deux habitués des concours d’informatique et de mathématiques. « J’ai eu la chance d'être qualifié six fois pour représenter la France aux olympiades internationales d'informatique. » confie Arthur. « Comme le milieu de l'informatique et des mathématiques compétitives sont très poreux, j'ai aussi commencé à participer aux stages de mathématiques de l'association Animath, et j'ai représenté deux fois la France aux olympiades internationales de mathématiques. ». Une passion précoce qui s’est manifestée alors qu’adolescent il développait des jeux vidéo do-it-yourself avec son cousin. « Grâce aux stages de l'association France-IOI, dont l'objectif est d'enseigner l'algorithmique aux collégiens et aux lycéens, j’ai commencé à m’intéresser sérieusement à cette discipline en 2013 », se rappelle-t-il.

Dès la classe de première, au lycée Frédéric Ozanam de Lille, le cursus d’Arthur est aménagé « comme celui d’un sportif de haut niveau » afin qu’il puisse suivre des cours à l'université, tout en continuant les mathématiques et l'informatique compétitives. Et si Arthur rêvait déjà d’intégrer l’ENS-PSL alors qu’il était encore lycéen, il lui faudra attendre de passer le bac puis de boucler le programme de classe préparatoire MPSI (mathématiques, physique et sciences de l'ingénieur) au lycée Louis-le-Grand, pour rejoindre l'École normale en septembre 2020. « La participation aux concours d'informatique et de mathématiques est évidemment un moyen d'apprendre de nouvelles choses, mais pas seulement » explique-t-il. Pour Arthur, c’est aussi un « formidable outil de motivation ». Les participants ont l’opportunité de comparer leur talent aux autres et de rester en contact avec une communauté qui partage les mêmes intérêts pour ces disciplines ; « tout cela est très stimulant » admet le normalien.

« Pour entrer à l’ENS, une bonne connaissance des mathématiques et de l'algorithmique est requise. France-IOI et Animath ont été pour moi de très bonnes écoles, et avoir fait de l'informatique et des mathématiques olympiques est bien sûr un gros avantage. » - Arthur

« C’est dans le cadre de concours comme les olympiades internationales d’informatique que j’ai construit la majorité de mes connaissances actuelles en informatique » témoigne également Étienne, « reconnaissant pour le travail de France-IOI ». Cette association, très dynamique, met à disposition de tous cours et exercices de programmation et d'algorithmique. Elle sélectionne aussi l’équipe française des olympiades internationales d'informatique (IOI). Comme Arthur, France IOI l’a accompagné dans sa découverte de l’informatique, l’aidant à développer ses connaissances, aiguisant sa curiosité aussi et son envie d’en apprendre toujours davantage. « France-IOI est de mon point de vue le meilleur lieu de formation pour progresser en informatique. L’association ouvre beaucoup de portes » considère Étienne. « On peut commencer dès le collège à progresser grâce à leur site web riche en ressources et adapté à tous les niveaux. C’est en grande partie grâce à cette association que j’ai pu intégrer l’ENS » reconnait le normalien, qui tient à saluer ses entraineurs de France-IOI et en particulier le président Mathias Hiron pour l’accompagnement et le temps qu’il lui ont offerts.

 

Liberté et proximité

Si Noé admet avoir très peu participé aux compétitions informatiques - « le SWERC est finalement mon premier concours sérieux » - il convient également de l’importance de France-IOI dans son parcours : « en première au lycée Édouard-Branly à Nogent-sur-Marne, j’ai eu la chance de découvrir l’informatique grâce à mon professeur de mathématiques, qui a conseillé aux élèves intéressés d’aller sur le site de l’association. C’est effectivement un excellent moyen d’explorer l’algorithmique, d’apprendre les bases de la programmation, et surtout, de se mettre à réfléchir sur des problèmes. » Le normalien qui se définit volontiers comme « pas très scolaire », hésite à intégrer une classe préparatoire après le bac. Il finit par rejoindre le Lycée Louis-le-Grand en MPSI, qui se révélera à sa grande surprise une belle expérience : « j’ai beaucoup apprécié ces deux années de prépa, qui m’ont énormément appris en maths » constate Noé. « J’ai d’ailleurs choisi l’ENS car je voulais continuer d’étudier ces deux disciplines sans renoncer à l’une ou l’autre. L’École normale semblait parfaite à ce niveau-là : on nous donne une grande liberté dans le choix des cours et du cursus » justifie-t-il. « Tous les domaines sont représentés et c’est agréable de pouvoir discuter avec des gens de différents horizons et de s’ouvrir ainsi l’esprit à des tas de choses. ». Étienne quant à lui retrouve cette bienveillance et cette ouverture sur l'autre dans la vie de campus : « j’aime beaucoup les jeudi TALA, l'aumônerie catholique. C’est un moment très convivial qui permet de rencontrer des gens de tous les départements de l’École. D'excellentes conférences nous sont également proposées et le monde y est le bienvenu .»

Noé apprécie aussi la confiance que lui accorde l’École dans la construction de son parcours. Il aime aussi le cadre d’études. La petite taille des promotions permet une « grande proximité » avec les chercheurs, « ce qui aide beaucoup pour s’informer sur notre orientation professionnelle, mais aussi pour trouver des stages », témoigne le normalien. Comme ses coéquipiers, il étudie à la fois l’informatique et les mathématiques, considérant les deux disciplines comme intrinsèquement liées : « j’ai choisi d’étudier l’informatique par passion, j’aime beaucoup l’aspect « résolution de problème » de cette discipline. Bloquer sur un problème pendant longtemps puis trouver sa solution est très satisfaisant, c’est un peu comme un jeu. Bien évidemment, cet aspect se retrouve tout autant en maths, et c’est toujours une source d’hésitation entre les deux sciences », révèle le normalien, qui souhaite, à terme, se concentrer sur l’informatique, « plus motivé à travailler cette discipline au quotidien. »  Noé avoue être tout spécialement attiré par l’algorithmique, « qui consiste à décrire précisément comment résoudre des problèmes » et la vérification automatique de programmes, c’est-à-dire développer des méthodes pour prouver qu’un programme informatique va s’exécuter comme on s’y attend. « Cela permet de diminuer le risque d’erreurs dans des applications qui ne donnent aucune marge d’erreur. Par exemple dans l’aérospatial, la santé ou l’armée, domaines où une erreur peut coûter très chère sur le plan humain. »

Arthur est lui aussi très sensible à la liberté offerte par l’ENS-PSL. C’est d’ailleurs ce qui a achevé de le décider à rejoindre l’École. « L'ENS est d'après moi l'une des meilleures écoles françaises pour faire de la recherche ou de l'enseignement en mathématiques et en informatique, mais attention, ce n’est pas une école de développement. C'est l’un des seuls établissements que l'on peut intégrer sans avoir fait de physique ; le concours informatique des ENS est la voie pour les élèves de classe préparatoire qui ne se retrouvent pas dans cette discipline », considère Arthur. « De nombreux amis venant de la communauté d'informatique compétitive sont maintenant étudiants à l'ENS. Intégrer l'École était aussi pour moi un moyen de les retrouver. »

Le normalien apprécie particulièrement étudier l'algorithmique, l'algèbre, la logique et la topologie : « ce semestre, en informatique, j'étudie la cryptologie, des protocoles qui permettent de chiffrer et déchiffrer les communications, les systèmes d'exploitation ou bien encore l'apprentissage statistique, qui sont des techniques permettant à un ordinateur d'apprendre certaines propriétés à partir d'énormes bases de données », détaille Arthur. En parallèle, il travaille sur un projet de recherche et un mémoire, « très théorique », portant sur l’application des bases de Gröbner à la réécriture : « en quelques mots, les bases de Gröbner permettent de généraliser la division à différents objets mathématiques, ce qui a de nombreuses applications : prouver automatiquement des théorèmes de géométrie, calculer des profils de pièces dans les logiciels de dessin 3D, ... ». Sans surprise, son projet de recherche se concentre lui aussi autour des mathématiques expérimentales : « nous essayons de trouver des formules simples et vraies et jusqu'alors inconnues, et cela de manière automatisée. Cela me donne un avant-goût de ce que je veux faire dans quelques années : chercheur à la frontière entre les mathématiques et l'informatique. »

Et pour Noé, un seul motto : « aimer ce qu’on fait ». Il y va des mathématiques et de l’informatique comme d’autres domaines « prendre du plaisir aide beaucoup à travailler. Il faut être curieux, s’intéresser à divers pans de cette discipline, et essayer d’aller au-delà du programme de prépa, qui est encore assez maigre en informatique » concluent-il à l’attention de ceux qui voudraient suivre la voie des trois équipiers.