« Je pense que la science va devenir de plus en plus importante pour répondre aux défis environnementaux d’aujourd’hui et de demain »

En dernière année au département de biologie de l’ENS-PSL, Lisa Le Roux s’est spécialisée dans l’étude du comportement animal. Cette discipline, l’éthologie, voit ses prémices entre le 18e et 19e siècle, grâce aux premières recherches à ce sujet réalisées notamment par le célèbre Charles Darwin, il y a plus de 150 ans. Les premiers écrits relatifs au comportement animal remontent quant à eux à l’Antiquité. Aujourd’hui, ses enjeux sont désormais multiples : au-delà de la préservation du bien-être animal, l’éthologie permet également d’en apprendre davantage sur les conséquences du changement climatique et d’élaborer des mesures de conservation appropriées pour les espèces menacées.

Des défis cruciaux, que Lisa Le Roux a décidé de relever en se dirigeant dans l’ingénierie écologique et environnementale. Passionnée par le monde du vivant, la normalienne souhaite mettre à profit de façon concrète ses connaissances et savoir-faire acquis lors de ses études pour aider à la préservation des écosystèmes. Rencontre.

Lisa Le Roux
Lisa Le Roux

« Enfant, on disait souvent de moi que je passais mes journées à attraper et observer tout un tas d’animaux dans le jardin », se rappelle Lisa Le Roux, originaire de Charente-Maritime et aujourd’hui en dernière année au département de biologie de l’École normale supérieure - PSL. Mais alors que beaucoup, en grandissant, délaissent l’exploration du monde vivant pour d’autres passe-temps, l’intérêt et la curiosité de Lisa Le Roux ne font qu’augmenter. À la fin de sa classe de seconde, au lycée Bellevue de Saintes, l’adolescente se dirige « instinctivement » vers la série scientifique, spécialité Sciences et vie de la Terre. « Aussi loin que je me souvienne, la biologie a toujours fait partie de mes principaux centres d’intérêt », explique la normalienne. « La diversité et la complexité des mécanismes biologiques, ainsi que le mystère qui plane sur l’origine de la vie sur Terre ont nourri ma passion pour cette science. » En première et terminale, Lisa Le Roux a « la chance », de suivre les cours d’un professeur de biologie « passionnant ». Des cours qui deviennent bien vite la source « de nombreux apprentissages et d’échanges » autour de cette discipline.

Une multitude de possibilités

Suite à l’obtention de son baccalauréat, la lycéenne intègre la faculté de biologie à La Rochelle Université, avec l’objectif de poursuivre une carrière de chercheuse. « Deux années qui sont parmi les plus passionnantes de mon parcours », estime-t-elle. Lisa Le Roux peut enfin se consacrer pleinement à l’étude de sa discipline préférée. En 2020, au cours de sa deuxième année de licence, l’étudiante dépose sa candidature à l’ENS-PSL, encouragée par ses professeurs. « J’avais déjà entendu parler de l’École normale au lycée, mais c’est lors de mes recherches à propos des Masters possibles en Sciences de la vie que j’ai découvert l’ouverture du concours de l’école aux étudiants en licence, et non pas uniquement aux classes préparatoires ». Lisa Le Roux n’hésite pas et dépose rapidement sa candidature. « La multitude de possibilités offertes par l'École, telles que les cours en dehors du département principal, l’année de césure, le double diplôme, sa spécialisation dans le domaine de la recherche fondamentale… a été la raison qui m’a poussée à déposer ma candidature », justifie-t-elle. « Et ce, sans compter sa vie étudiante qui semblait riche d’associations et d'événements. »

Coup de cœur pour l’éthologie

Après plusieurs semaines de travail intensif, l’étudiante apprend « avec surprise et bonheur » son entrée à l’ENS-PSL. Elle rejoint ainsi le département de biologie en septembre 2020. Très vite, elle se lie d’amitié avec d’autres étudiants, avec qui elle participe aux événements de la vie associative de l’École. Lisa Le Roux profite également de sa nouvelle vie parisienne pour visiter les nombreux musées, monuments et expositions qu’offre la capitale.

Au cours de sa première année, durant une discussion à propos des céphalopodes à l’internat de l’ENS-PSL avec un de ses amis de promotion, la normalienne entend parler pour la première fois de l’étude du comportement animal, l’éthologie. « Cet échange a marqué le point de départ de mon attrait pour cette discipline, à la croisée des neurosciences et de l’écologie, que j’apprécie tout particulièrement étudier », estime-t-elle. « Cela a été un véritable coup de cœur. » Un sentiment renforcé plusieurs mois plus tard, au cours de son premier stage d’éthologie, au sein de l’équipe Neuro-Éthologie Cognitive des Céphalopodes (NECC) de l’Université de Caen-Normandie et de l’Université de Rennes. « L’étude du comportement animal s’inscrit dans un but de préservation du bien-être animal. Cela a été l’un des enjeux de ce premier stage sur la seiche commune, Sepia officinalis. »

Bien-être animal et conservation des espèces

Car les céphalopodes, dont fait partie la seiche, sont inscrits au même titre que les vertébrés, depuis le 22 septembre 2010 au sein de la directive 2010/63/EU, qui assure aux animaux concernés et utilisés à des fins scientifiques une protection et garantit une certaine préservation de leur bien-être animal.

« Les travaux de mon stage portaient sur l’étude des variations chromatiques des motifs qu’affichent des seiches à la surface de leur peau et leur potentiel lien dans l’expression de l’état émotionnel des individus », explique Lisa Le Roux. « Ces variations de couleurs pourraient s’apparenter aux rougissements ou encore aux expressions faciales retrouvées chez d’autres espèces lors d’émotions, bien que les processus soient différents. » Cet objet d’étude porté par le laboratoire EthoS pourrait, à terme, permettre d’identifier les états émotionnels des individus en captivité afin de préserver leur bien-être. « Des travaux similaires en éthologie relatifs à l’étude des émotions sont réalisés sur un certain nombre d’autres espèces dans le monde », précise Lisa Le Roux.

« Certains travaux d’éthologie permettent d’en apprendre davantage sur les conséquences du changement climatique et participent à l’élaboration de mesures de conservation appropriées pour les espèces. »

En parallèle de son cursus à l’ENS-PSL, Lisa Le Roux intègre le Master 2 d’Éthologie fondamentale et comparée à l’Université Sorbonne Paris Nord. À l’issue d’un autre stage à l’Institut de Recherche sur la Biologie de l’Insecte (IRBI) de l’Université de Tours, elle découvre un autre enjeu de l’éthologie : la conservation des espèces. « J’ai étudié les comportements de soins parentaux d’insectes, des mères pince-oreilles envers leurs juvéniles, élevés sous différentes conditions thermiques, en particulier en condition de canicule », détaille-t-elle. « Ce type de travaux d’éthologie permet d’en apprendre davantage sur les conséquences du changement climatique et participe à l’élaboration de mesures de conservation appropriées pour ces espèces. »

« J’aimerais me tourner vers des métiers plus appliqués, où je pourrais mettre à profit plus concrètement mes connaissances et ma méthodologie. »

Aujourd’hui en 4e année à l’ENS-PSL, Lisa Le Roux a choisi d’effectuer deux semestres de césure. « Une possibilité offerte par l’École pour nous permettre de réaliser des projets ou d’explorer des domaines en dehors de la recherche, par exemple », indique la normalienne qui effectue actuellement un stage en tant qu’ingénieure-écologue. Une voie dans laquelle elle aimerait se diriger à la fin de ses études. « Après quatre années passionnantes, immergée dans la recherche fondamentale et qui représentent un réel accomplissement personnel, j’ai envie de me tourner vers des métiers plus appliqués, où je pourrai mettre à profit plus concrètement mes connaissances et ma méthodologie au service de la préservation des écosystèmes. »

Prendre en compte la faune avant d'aménager

En stage, Lisa Le Roux conçoit des mesures de génie écologique dans le but de préserver des espèces protégées présentes lors de projets d’aménagement. « Mes connaissances dans ce domaine me permettent d’avoir une approche basée sur le comportement de la faune sauvage, pour adapter le projet et mettre en place les mesures d’évitement, de réduction et de compensation les plus adaptées aux espèces et efficaces possibles », détaille-t-elle. « À titre d’exemple, dans le cadre de la protection des amphibiens, il est important de prendre en compte leur comportement reproducteur lors de la conception des mesures de génie écologique. »

Car chaque année en période d’accouplement, les amphibiens migrent par centaines vers leur site de reproduction. La prise en compte de leur comportement permet de mettre en place des mesures de protection pertinentes, pour les protéger des risques de piège ou d’écrasement par les engins de chantier. « Il faut alors, dans le cas de ces espèces, étudier les populations locales et élaborer les mesures d’évitement et de réduction adaptées à leur sens de migration et à leur  lieu de reproduction potentiel sur le site », indique Lisa Le Roux.

« L’interdisciplinarité est source d’une grande richesse pour le monde de la recherche, qui a fondamentalement besoin de collaboration scientifique. »

L’un des « nombreux » exemples du rôle de la science dans la protection de l’environnement. Un rôle qui, selon l’étudiante, devrait s’accentuer au cours des prochaines années, pour répondre aux défis environnementaux d’aujourd’hui et de demain. « Beaucoup de solutions sont actuellement développées par les chercheurs et les ingénieurs, c’est très encourageant pour l’avenir », estime-t-elle avec optimisme. Pour cela, Lisa Le Roux loue une approche avant tout interdisciplinaire, « source d’une grande richesse pour le monde de la recherche, qui a fondamentalement besoin de collaboration scientifique », considère-t-elle.

La force de l’interdisciplinarité

Il s’agit d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles l’étudiante avait candidaté à l’ENS-PSL : « je savais que cette approche était cultivée à l’École normale », se rappelle-t-elle. « Et pour moi, elle est indispensable pour étudier un processus dans sa globalité », comme la normalienne a pu le constater au cours de ses stages où les expériences qu’elle a réalisées ont nécessité l’intervention d’autres disciplines, comme la physique et l’informatique.
Au sein de son cursus, l’interdisciplinarité a apporté à Lisa Le Roux « des connaissances variées, ainsi qu’une certaine ouverture d’esprit et d’approche » dans son travail. « Les matières sont multiples au département de biologie avec des mathématiques, de la physique, et de l’informatique, par exemple et la scolarité est également assez souple. »

Plus largement, l’ENS-PSL représente pour Lisa Le Roux « l’une de [ses] plus belles opportunités ». Désormais en dernière année, elle garde de sa scolarité de nombreuses connaissances enseignées par les professeurs de l’École, les professeurs invités ainsi que les différents mentors de ses stages.

« Ne vous censurez pas »

L’établissement a été également source de nombreuses rencontres « en tous genres et de possibilités », qui ont fait voyager l’étudiante un peu partout en France et à l’étranger. « Cette période de ma vie au sein de l’ENS a forgé la personne que je suis aujourd’hui », résume-t-elle avec simplicité. « L’École apporte bien plus qu’un simple cursus, elle propose aussi une multitude de possibilités académiques ainsi qu’une vie étudiante riche qui permet à chacun de trouver sa place. », ajoute-t-elle. « C’est une grande chance de pouvoir vivre un tel parcours. »

Soucieuse de guider celles et ceux qui souhaiteraient intégrer l’ENS-PSL, Lisa Le Roux leur prodigue quelques conseils et encouragements : « pour les étudiants à l’université, ne vous censurez pas et candidatez ». Concernant le concours, il s’agit avant tout de rester naturel, surtout pour les oraux. « Aussi, n’hésitez pas à détailler votre raisonnement face aux questions qui vous sont posées », complète-t-elle. Un dernier conseil ? « Une fois à l’École, profitez de chaque instant et possibilité pour explorer tout ce qui vous plaît », avise-t-elle. « La scolarité passe beaucoup plus vite que l’on ne le pense. Je suis encore surprise d’être déjà en dernière année », conclut l’étudiante.

 

Mis à jour le 10/9/2024